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Affaire du livre du Colonel Ndaw: Wade à l'abri d'une audition

La sortie de Moustapha Diakhaté, annonçant la volonté de l'Assemblée nationale d'auditionner Me Wade dans l'affaire du brûlot du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, entrait-elle dans le cadre purement politique ? Toujours est-il que la représentation nationale ne saurait entendre l'ancien, président de la République pour les actes ou opérations accomplis à l'occasion de l'exercice de son mandat.


Rédigé par leral.net le Mardi 29 Juillet 2014 à 00:02 | | 4 commentaire(s)|

Affaire du livre du Colonel Ndaw: Wade à l'abri d'une audition
Le 24 juillet dernier, le président du groupe parlementaire de la majorité avait sollicité «l’audition sans délai» par la Commission de la Défense de l'Assemblée nationale de plusieurs personnalités, dont l'ancien Président Wade, pour l'éclatement de la vérité, après les révélations du Colonel Ndaw.

Moustapha Diakhaté disait agir en application de l'article 44 du règlement intérieur de la deuxième institution du pays. Une déclaration qui a fait couler beaucoup d'encre et de salive. La Représentation nationale peut-elle vraiment entendre l'ancien chef de l'Etat, dans le cadre de l'affaire du brûlot intitulé «Pour l'honneur de la gendarmerie sénégalaise» ?

La vérité est que l'Assemblée nationale, encore moins une de ses Commissions, ne peut auditionner le Président Wade pour les actes ou opérations accomplies à l'occasion de l'exercice de son mandat présidentiel. En effet, l'incompatibilité du président de la République, hormis le cas de haute trahison, est absolue. «Elle s'étend pendant et même hors de la période du mandat, dès lors que l'acte répréhensible est réputé avoir été conçu, planifié ou déroulé durant la période de jouissance des privilèges attachés à l'immunité présidentielle », précise un éminent juriste sous le couvert de l'anonymat.

C'est l'application de cette jurisprudence qui a absout le Président Chirac qui n'a pas été entendu ou a fortiori été inquiété par une quelconque procédure judiciaire à propos de l'affaire Borrel, le juge français assassiné à Djibouti.

D'après notre interlocuteur, «la seule exception, en termes de procédure envisageable, est la mise en accusation du Président Wade pour haute trahison». Et là, «il n'est pas sans intérêt de souligner que la haute trahison est une véritable nébuleuse qui, n'ayant pas fait l'objet d'une définition légale, est laissée à la libre appréciation de l'Assemblée nationale qui a toute la latitude à lui imprimer tout contenu dicté par les circonstances politiques.

L'immunité présidentielle tombe alors, et le Président de la République devient justiciable de la Haute Cour de justice». «Il reste entendu que jusqu'au vote de la résolution de mise en accusation, son immunité demeure intacte; il ne peut pas être entendu par l'Assemblée nationale ou ses démembrements », souligne le juriste.

Le paradoxe est que le vote de l'acte déclenche la procédure judiciaire qui dessaisit alors l'Assemblée nationale de tout pouvoir d'auditionner le président de la République

ME EL HADJI AMADOU SALL, MEMBRE DU COMITE DIRECTEUR DU PDS - «SI LA COMMISSION VEUT ENTENDRE TOUS LES ACTEURS, ELLE VA ENTENDRE MACKY SALL»

La résolution prise par l'Assemblée nationale d'entendre le Président Wade, dans le cadre de l'affaire du brûlot du Colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, n'est pas du goût de Me El Hadji Amadou Sall. L'ancien Garde des Sceaux - qui était l'invité, hier, du «Grand jury» de la Rfm - a estimé que la demande de la représentation nationale n'a pas de sens. «Le président de la République ne rend pas compte à l'Assemblée nationale.

Laissons le Président Wade là où il est. N’en rajoutons pas. Je dis tout simplement qu’une Commission de l’Assemblée nationale ne peut pas entendre un ancien président de la République sur ses faits et gestes et sur ses actes. Ça ne se fait pas, et ça ne se fera pas», assène Me Sall.

Poursuivant son propos, ce membre du Comité directeur du Parti démocratique sénégalais (Pds) d'indiquer : «Si la Commission de la Défense veut entendre tous les acteurs, elle va entendre l’ancien Premier ministre qui s’appelle Macky Sall, les anciens ministres de la Défense, les anciens chefs d’Etat-majors, les commandants de zone, les commandants opérationnels. Qu’estce que c'est cette pagaille, s’ils veulent entendre tous nos généraux et nos soldats sur place ?».

Soulignant que «ce sont des problèmes d’unité nationale, dont il s'agit», Me El Hadji Amadou Sall de faire dans l'ironie : «Pendant que nous y sommes, pourquoi ne pas appeler les différents membres de la rébellion pour leur demander ce qu’ils ont reçu ou pas ?».

UNE QUARANTAINE D'AVOCATS POUR DEFENDRE KARIM WADE

Non sans avertir : «A ce jeu-là, il n’y a que le Sénégal qui perd. Nous perdons en crédibilité, en stabilité et en unité nationale». Auparavant, l'ancien ministre de la Justice a déploré le fait qu'on veuille considérer «comme argent comptant» tout ce qu'a dit le Colonel Ndaw dans son brûlot «Pour l'honneur de la gendarmerie sénégalaise».

Me El Hadji Amadou Sall a également arboré sa casquette d'avocat de Karim Meïssa Wade, dont le procès est prévu le 31 juillet prochain. Et c'est pour faire, d'abord, dans la dénonciation. «Nous préparons ce procès dans la sérénité. Nous avons la vérité avec nous. Ce procès, je l'appelle le procès de la honte. C'est une honte pour notre justice et notre pays d'organiser un procès politique, un procès en sorcellerie, un procès en liquidation. Je ne manque pas de confiance, et je n'ai pas de confiance particulière. Mais, au vu de ce qui a été fait, je regarde, aujourd'hui, toute la justice avec un voile de scepticisme. Et ce voile de scepticisme me pousse à être prudent dans l'appréciation que j'ai à la fois des hommes et des institutions», déclare Me Sall qui annonce que c'est une quarantaine d'avocats qui va défendre le fils de Me Wade.

A la question de savoir s'il n'est pas en train de préparer l'opinion à une condamnation de Karim Wade, le responsable libéral affirme : «Je ne prépare pas l'opinion à une condamnation. Je veux que l'opinion sache l'acharnement du pouvoir à éliminer quelqu'un. Quand je regarde l'instruction, telle qu'elle a été menée, j'ai des craintes et des raisons d'avoir de sérieux doutes». Mais, précise l'avocat : «Quoi qu'il arrive, on se battra. On veut que le peuple soit informé des moindres détails de ce qui se passera. Le public est public, et il le restera»

Le Populaire