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Amadou Lamine Sall : le Printemps des poètes "120 Nuances d'Afrique"

Aujourd'hui, pour ce 19e Printemps des poètes (4-19 mars), un poème de l'auteur sénégalais Amadou Lamine Sall extrait de l'anthologie "120 Nuances d'Afrique".


Rédigé par leral.net le Mardi 14 Mars 2017 à 17:45 | | 0 commentaire(s)|

Le poète Amadou Lamine Sall.  © Hervé Morzadec
Le poète Amadou Lamine Sall. © Hervé Morzadec

Notre besoin de Rimbaud

(Extraits)

Il avait le visage des jujubiers
Le regard des termitières
Ses pas dessinaient les dunes du Sahara
Sa case était au clair de lune sa cathédrale l'espérance des oasis
Il venait de l'enfance et sa terre était le monde
Il portait des chansons bleues comme les lèvres des filles de Tombouctou

Il jouait avec le vent et les dattes des palmiers
Ses doigts étaient de l'étoffe soyeuse des turbans des chameliers
Ses mains étaient fécondes comme le temps de ses phrases
Sa voix sonore était d'une lune en fête comme
Les savanes d'Afrique savent en être le songe
Il était le griot des veines des princesses nègres
Il était le galop des racines
Il était la marée haute des mots
Il était la maison et le livre des piroguiers
Le poète invincible qui sortit de l'asile la poésie française
Il avait parlé au vent au-delà des Alpes, au-delà des Pyrénées
Il avait lu dans les nuits alcoolisées les tablettes ardentes des prières

Païennes
Il avait dormi à Joal, bu avant le jour les pas du fils de Diogoye le lion vert

Pèlerin avant les pèlerins
Avant la brousse, avant les gazelles, avant les mange-mil, il avait dansé

Avec mes ancêtres noirs
Avant Charleville, il était l'enfant de la foudre et des manguiers
Il avait joué avec les éléphants et monté les baobabs
Il avait devancé les montagnes, sauté les clôtures et visité des buissons

Enchantés

Arthur a les cheveux défaits comme l'orage mais l'œil doux

Il marche maintenant sur nos paumes dans nos cœurs
Il tient la bougie, il ranime la flamme de nos doutes
Il a inventé pour nous d'autres mains pour tenir d'autres innombrables mains

Du piano il a fait un tam-tam, de l'accordéon une flûte peule
Il a effacé des frontières celles de l'esprit et celles en nous parmi

Les plus gelées
Il a guéri des peurs, ouvert des portes scellées, créé des jardins invités

Au large
Rimbaud est avec nous

Il est ici, il est là non couché mais debout dans nos paroles dans nos

Mémoires

Il est dans nos silences, il est dans le jour, il est dans la nuit

Il prépare pour nous les prochaines saisons du cœur
Le pacte de l'ourse et du lion, du renard et du chameau
Il a trouvé pour nous la taille de l'amour le plus sûr

Celui des mots qui voyagent et qui nous donnent gîte et repas

Lumière et espérance

De l'encre il a fait notre vin, notre lait, notre bain, notre source d'eau

Odorante

Sa vie fut un voilier voguant sur mer et sur terre à la rencontre

De tous les sangs

Rimbaud, un nom qui chante, qui unit, qui abreuve
Rimbaud pour que jamais la poésie ne baisse ni les bras ni le cœur

Surtout le cœur...
Rimbaud, accepte donc que je te chante que je te danse mes pieds

D'entre tes pieds nègres

 

© éditions Bruno Doucey, 2017

 

 

 

 

Extraits de 120 Nuances d'Afrique, anthologie établie par Bruno Doucey, Nimrod et Christian Poslaniec, éditions Bruno Doucey, 2017

 

SÉLECTION DE VALÉRIE MARIN LA MESLÉE
| Le Point Afrique