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Andrew Jennings, le journaliste qui ébranle la FIFA

Andrew Jennings savoure son triomphe, lui qui a, depuis des années, inlassablement enquêté sur le système de corruption généralisée au sein de la FIFA. Le journaliste indépendant écossais a vu ses efforts récompensés avec le début de la chute de cette institution. Dans son ouvrage « Le scandale de la FIFA », il raconte toutes les malversations au sein de cette puissante fédération. RFI l'a rencontré.


Rédigé par leral.net le Jeudi 1 Octobre 2015 à 15:32 | | 0 commentaire(s)|

Il faut toujours aller au-delà des apparences. Si vous croisez un jour Andrew Jennings, vous aurez du mal à vous imaginer que cet homme de 73 ans, très abordable et plein d’humour, a fait tomber à lui seul ou presque le puissant patron de la FIFA, Sepp Blatter. Cet Écossais, qui s’habille comme un fermier, et qui n’a jamais rien lâché, a tout du grand-père idéal, assis bien tranquille au coin du feu. Loin des clichés des grands journalistes d’investigation représentés dans les films hollywoodiens ! Réussir à mettre la toute puissante Fédération internationale de football à genoux tient du miracle, tant le système de corruption semble sophistiqué. C’est en 2006 qu’Andrew Jennings publie son premier livre sur le sujet. Il s’intitule Carton Rouge, les dessous troublants de la FIFA. Mais c'est dans son second ouvrage, Le scandale de la FIFA, qu'il a véritablement fait imploser le système.

João Havelange, un des « premiers gangsters »

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de révéler tous ces scandales à la FIFA ? Selon Andrew Jennings, c’est la justice suisse qui n’a pas fait son travail. « S’ils le font maintenant, c’est que le FBI est entré dans la danse », raconte Jennings. « Ce que j’essaye de montrer dans mon livre, c’est que, jusqu’en 1974, la FIFA était dirigée par des Européens certes un peu bêtes, mais ils aimaient le football. Ils n’étaient pas corrompus ». Selon lui, tout a commencé avec l’arrivée de João Havelange, président de la FIFA entre 1974 et 1998. Le Brésilien fait partie des « premiers gangsters qui a trait la vache du football ». Et, toujours selon Jennings, Ricardo Teixeira, le gendre d’ Havelange, est sans doute l'un des plus « gros voleurs du monde du football ». Dix-huitième président de la Fédération brésilienne de football depuis le 16 janvier 1989, ancien membre de la FIFA, Ricardo Teixeira a démissionné en mars 2012. Il était visé par une série d'accusations de corruption. Son ambition de succéder à Joseph Blatter après 2015 est tombée à l’eau. « Il a défiguré le football brésilien et il a volé énormément d’argent. Je suis très heureux de m'être accroché à ses basques ». La patience, l'analyse et le culot de Jennings ont payé !

Des histoires de corruption, Andrew Jennings pourrait vous en parler pendant des heures. « Si la FIFA était une institution sérieuse, elle aurait condamné ce genre de comportement », se lamente Andrew Jennings. Et quand on lui demande ce qu’il pense de la possible nomination au poste de président par intérim de la FIFA du Camerounais Issa Ayatou, actuellement à la tête de la Confédération africaine de football, Jennings part dans un grand éclat de rire. « Mais Ayatou est aussi corrompu. J’ai son nom sur la liste des gens qui ont reçu des pots-de-vin de la part d’ISL [International Sport and Leisure - ISL- est une société de marketing sportif, basée en Suisse, proche de la FIFA et du Comité international olympique, déclarée en faillite en 2001, fondée par l'ancien patron d'Adidas Horst Dassler, NDLR]. Et comme dans toute famille mafieuse, Blatter n’a rien fait contre lui ». Rappelons qu'en décembre 2011, Issa Ayatou avait reçu un blâme de la part du CIO, dont il est membre.

La FIFA va-t-elle survivre à tout ça ?

Andrew Jennings a fait un travail titanesque et dispose de documents sur toutes les malversations de la FIFA qu'il dénonce. Ces preuves ont d’ailleurs été utilisées par le FBI pour procéder aux premières arrestations, en mai 2015, dans un luxueux palace de Zurich. Parmi les personnes arrêtées, Jack Warner, ancien vice-président de la FIFA : il a été suspendu à vie de toute activité liée au football par la Commission d’éthique de la Fédération internationale ce mardi 29 septembre.

Le monde entier découvrait alors une série de scandales liés à la FIFA comme des transports de malettes bourrées d’argent liquide ou encore des transactions illégales autour des sponsors. « Blatter a fait en sorte que les escrocs puissent prospérer à travers la FIFA », lance Andrew Jennings. La FIFA va-t-elle survivre à tout ça ? « J’espère que non. Il faut un nouvel endroit et un nouveau siège pour la FIFA. Il faut aussi que les amateurs de football qui ont leur mot à dire et que l’on n'entend jamais prennent la parole et soient consultés sur l’avenir de cette fédération », raconte Andrew Jennings qui espère une révolution avec des peines de prison. « Je ne suis pas pour la guillotine, car Blatter est trop gros pour mettre sa tête dedans », dit-il l’œil malicieux.

Andrew Jennings, petit-fils d’un joueur de foot professionnel, n’a jamais été un inconditionnel du ballon rond. Il a d’ailleurs été banni définitivement de tous les événements organisés par la FIFA. Alors, ne lui demandez pas d’aller voir un match de football pour commenter les exploits sportifs. « Si j’y vais comme reporter, je découvrirai où sont les comptes en banque. C’est ma façon d’être un fan de football ! »

Rfi.fr

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