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Audits et poursuites judiciaires en cours Quand les marabouts bousculent les avocats

L'instar des acteurs du tourisme, pendant la saison touristique, des cultivateurs, pendant la traite et des vendeurs de frigos et climatiseurs, pendant les fortes canicules, entre autres, les audits en cours, installent une période de vaches grasses pour les avocats mais surtout, pour les marabouts qui trouvent cette période propice aux bonnes affaires. Si des présumés coupables préfèrent s’en remettre à la justice, sûrs de leur innocence, d’autres, par contre, préfèrent s’attacher les services de marabouts, pour se tirer d’affaires. Mais, pour la plupart des présumés coupables, un marabout, au moins, s’active. S’il n’est pas saisi par le concerné lui-même, il l’est, parfois, à l’insu de ce dernier, par un proche parent ou ami. Tous les moyens sont bons pour éviter un éventuel emprisonnement. De longues distances sont souvent parcourues pour trouver l’oiseau rare, des sommes colossales parfois dégagées, l’essentiel : se tirer d’affaire.


Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Août 2012 à 16:47 | | 0 commentaire(s)|

Audits et poursuites judiciaires en cours Quand les marabouts bousculent les avocats
Place et caractéristiques du marabout dans la société sénégalaise

« Allo, bonjour, suis-je bien avec Serigne T… ? C’est F…qui nous a mis en rapport, je m’appelle I… mon fils a des problèmes avec la justice, il est accusé à tort d’être mêlé à une affaire de détournement de deniers publics, pouvez-vous m’aidez à calmer l’affaire sans dommage? ». Des appels téléphoniques du genre font flores, depuis un certain temps et les correspondants ne sont autres que des marabouts qui occupent une place importante dans la culture sénégalaise. Ils sont de toutes les ethnies (socé, wolof sérère, diola, peulh…) et ont la particularité d’« exceller dans tous les domaines » : mariage, emploi, voyage, calmer une affaire qui peut être préjudiciable à quelqu’un. Tout y passe, pour éviter l’emprisonnement, synonyme de honte dans la société sénégalaise : eaux bénites, amulettes, cure-dents, offrandes et sacrifices de toutes sortes, bœuf, bélier blanc, bouc noir, coq de différentes couleurs et même chat noir, à égorger ou à enterrer vivant, c’est selon. Au premier contact, le marabout rassure le client, évoquant Dieu, s’il ne fait pas étalage de sa toute puissance ; on se rappelle le fameux « Allah diabbi diabbani » (qu’il plaise à Dieu ou non). Seulement, dans le premier cas, si l’affaire pour laquelle, il a été saisi, réussit, il a tendance à oublier Dieu et à se prendre pour un faiseur de miracles, si l’affaire persiste, il oublie qu’il priait Dieu, et libre à Allah d’exaucer ou non, pour traiter le client de gros pécheur, donc, imperméable à toute prière. Ils ne gardent généralement pas de secrets. Pour convaincre le client, ils n’hésitent pas à citer des noms de personnes célèbres, pour qui, ils ont eu à travailler.

L’influence des guides religieux

Les guides religieux, porteurs de voix et très influents dans la société sénégalaise, souvent craints des autorités étatiques, sont très sollicités. Pour ce cas précis, il ne s’agit pas seulement d’implorer des prières, mais, d’intervenir auprès des plus hautes autorités judiciaires étatiques, qui peuvent être leurs disciples. Ils sont parfois plus efficaces que le plus opérant des avocats. Différents du marabout qui ne se limite qu’à prier Dieu, en plus de sacrifices, les guides religieux peuvent, à partir de leur domicile, par un simple coup de téléphone, obtenir la libération de leur talibé ou protégé, c’est selon, car, certains gestionnaires de deniers publics sont de véritables «Talibés» par conviction mais, d’autres, par contre, conscients que le guide peut les tirer d’affaire, en cas de pétrin, se refugient derrière lui, en temps de paix, pour prévenir toutes mauvaises surprises. Au Sénégal, Il est rare qu’une intervention d’un guide religieux influent échoue.

Les marabouts partisans des audits

Ces marabouts, pour la plupart, souhaitent que les audits se poursuivent, y trouvant leurs comptes. Les personnes épinglées par les audits, s’ils sont coupables des faits qui leur sont reprochés ne sont généralement pas avares devant les marabouts. BMK, dont un de ses amis est dans le pétrin, raconte : « J’ai appelé un marabout avec qui j’ai l’habitude de traiter pour l’entretenir des problèmes d’un ami entre les mains de la justice, dans le cadre des audits. Ma surprise a été grande, lorsqu’il m’a demandé 300000 francs CFA, sans même connaitre les tenants et les aboutissants de l’affaire. Pourtant, dans le cadre de notre collaboration, il n’avait jamais demandé le dixième de ce montant ».

Les raisons qui poussent à chercher un marabout sont nombreuses. Certains cadres de l’administration n’attendent pas de rencontrer des difficultés dans leur travail pour en trouver. Ils en cherchent et les entretiennent à coup de centaines de milliers de francs, tous les mois, pour conjurer le mauvais sort ou franchir des paliers dans le cadre de leur travail. D’autres, par contre, sûrs de leur intégrité, attendent d’être dans des difficultés, pour en chercher ou accepter une telle proposition. Il y’en a qui n’y croient nullement, pour des raisons diverses.

Les résultats sont souvent mitigés

Les résultats dont divers. Des fois, ça passe, des fois, ça cale. Mais, cela a tendance à plus caler car, aussi bien les enquêteurs que les magistrats, à l’image des présumés coupables, ont recours, maintenant, aux marabouts. Cela n’est plus l’apanage d’une certaine frange de la population, les intellectuels en raffolent maintenant. Ils se « blindent » le corps, devenant ainsi invulnérables.

Tout compte fait, une bonne gestion, très transparente, des deniers publics, est de loin, la meilleure arme pour faire face à un magistrat.
Ce qui est paradoxal, dans tout cela, c’est que dans un pays à presque 100% de croyants, on fasse plus confiance aux marabouts qu’à Dieu.
Qui disait qu’au Sénégal, il y’a 95% de musulmans, 5% de chrétiens mais, 100% d’animistes ?

Réalisé par Moussa KEITA
REWMI QUOTIDIEN


( Les News )