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Babacar Ndiaye, Club MALIK: «L’erreur que Karim Wade a commise»

Avec son club politique (Macky libère Karim), Babacar Ndiaye, accompagné de ses camarades Claire Cissé et Abdou Aziz Samb, fait le tour du pays pour prêcher la bonne parole contre la Cour de répression de l’enrichissement illicite. Plus qu’une mission, c’est une obsession pour ce «Karimiste», même s’il n’aime pas la connotation. Ou la préfère à une autre. Rencontré lors d’une manifestation de son club politique à Dakar, Babacar a accepté de livrer à L’Obs les fondamentaux du mouvement, sa mission, sa guerre contre la Crei, etc. Il répond ici à un protocole d’interview qui lui a été envoyé par mail, en début de semaine.


Rédigé par leral.net le Mercredi 14 Janvier 2015 à 08:44 | | 0 commentaire(s)|

Babacar Ndiaye, Club MALIK: «L’erreur que Karim Wade a commise»
Babacar Ndiaye, vous êtes le chargé de la communication du club Malik (Macky libère Karim). Pouvez-vous revenir sur la constitution et le fonctionnement du club ?

Notre organisation est le fruit d’une démarche évolutive. Il résulte de la mutation opérée par le tout premier mouvement de soutien mis en place dès le lendemain de l’incarcération arbitraire de l’otage politique Karim Wade. Le club Malik est l’ancêtre des mouvements de lutte pour la libération de l’otage politique Karim Wade, devrais je dire.
Aujourd’hui, ces mouvements se comptent par dizaines les uns plus dynamiques que les autres et c’est tant mieux. Cette mue s’est opérée au lendemain de la 2e mise en demeure intervenue après 06 mois de détention préventive, en violation fragrante des dispositions même de la loi de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). C’est ce coup de force qui nous a poussés à la radicalisation, totalement convaincu du caractère exclusivement politique de ce procès. Dès lors, nous avons mis en place ce club politique qui a la vocation d’apporter une réponse politiqueà un affront politique. Vous trouverez dans le club des compatriotes issus de divers corps socio-professionnels : avocats, docteurs, étudiants, etc., de même qu’un réseau d’enseignants. Nous sommes un club de prospective centré sur l’avenir de notre pays.

Mais, qu’est-ce qui explique la prolifération des mouvements de soutien à Karim. C’est l’appât du gain ou quoi ?

Pour nous, ce phénomène s'explique par deux raisons fondamentales. La première, c'est qu'après la défaite du Parti démocratique sénégalais (Pds) et le départ du Président Wade en France, le parti a cessé de jouer son véritable rôle d'opposant. Vous avez remarqué vous-même qu'il a fallu que celui-ci (Me Wade) rentre au bercail, deux ans plus tard,
pour que le principal parti de l'opposition qu'est le Pds reprenne du poil de la bête, surtout dans la prise d'initiatives. Ce qui est tout de même fondamental en politique. La vérité est que beaucoup de responsables du parti se sont liquéfiés (sic) dès le départ de Wade en France. Cela s'explique par un ensemble de facteurs dont le moindre est que plusieurs d'entre eux ont signé des clauses de non-agression avec le nouveau pouvoir. Par conséquent, il n’y a pas eu véritablement de réaction à la mesure de l’agression, même après les accusations de vol de tapis et de babioles. Quelque temps après, les arrestations ont commencé. Le parti était encore dans sa torpeur défaitiste. Il y avait dès lors un vide à combler. L'autre raison tient au fait que Karim Wade incarne un leadership incontestable qui ne date pas d'aujourd'hui. Ce leadership qui émane de forces endogènes particulièrement jeunes cherche depuis plusieurs années déjà à s'affirmer, même si l'encadrement n’y est malheureusement pas. Souvenez-vous de la défunte Génération du concret (Gc) qui a été plombée par manque d'organisation et par l'activisme coupable et débordant d’opportunistes et de soi-disant responsables aux fonctions usurpées. Ce militantisme autour de la personne de Karim Wade ne s'est pas pour autant estompé, bien au contraire. Aujourd’hui, il s'affirme et se densifie. La seule donne qui a changé, c’est que hier il tournait autour du pouvoir d’Etat et aujourd’hui il végète dans l’opposition et pis, avec un leaderen prison. J’estime qu’aujourd’hui plus qu’hier, ce leader est intournable. Mieux, il s’est bonifié par sa position victimaire
découlant de la politique répressive injustifiée de Monsieur Macky Sall. Karim incarne l'espoir.

Qu’est-ce qui différencie le Club Malik des autres mouvements de soutien à Karim Wade ?

C’est l’engagement sincère et stratégique. Je peux vous révéler qu’en ce moment, le club Malik travaille sur la tenue d’un grand forum sur l’injustice sociale et les droits humains. Cette manifestation regroupera tous nos représentants au plan national et beaucoup de partis politiques de l’opposition. Depuis l’arrestation de l’otage politique Karim Meïssa Wade, nous avons visité le pays profond à la rencontre des dignitaires religieux, des associations de défense des Droits de l’Homme avant de recueillir la clameur des populations. Nous installons des cellules un peu partout au Sénégal et dans la diaspora. Depuis le début du procès, nous avons tenu 11 conférences publiques d’information sur la teneur et les réelles motivations du dossier.

On vous entend très souvent tirer sur la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) qui est quand même une institution judiciaire. Que reprochez-vous à cette juridiction ?

Jai l’habitude de dire que quand la Crei fait le procès de Karim, nous faisons le procès de la Crei. Nous nous évertuons à édifier nos compatriotes sur les motivations politiciennes et manquements qui structurent cette affaire. Par exemple, nous estimons que même la Crei devra aussi faire son bilan après l’épisode Karim Wade. Ça aussi, ça doit faire l’objet de clarifications. Le bilan des dépenses pour la traque devra être établi au nom de la transparence. Nous savons que le
budget de la Crei a été augmenté avec des indemnités revues à la hausse, des primes et frais d’hôtel pour les commissions rogatoires jusque-là infructueuses. Juste pour vous dire que la Crei profite à certains. Ceux-là aussi devront rendre compte proprement. Nous sommes dans une République, il n’y a pas de fonctions sacrées ou d’intouchables dans la gestion de la chose publique (…) Ce théâtre dans la salle 4 du Tribunal doit être dénoncée, vilipendée et stoppée. Dans cette affaire, nous ne nous intéressons pas au verdict de la cour de Henry Grégoire Diop. Le seul verdict qui nous intéresse, c’est celui du peuple. Aujourd’hui, Karim Wade est blanchi par les témoins, la France, le Luxembourg, l’Arabie Saoudite, le Singapour, les USA, etc. (…) La justice doit être rendue au nom du peuple. Nous estimons que cette justice-là est rendue au nom de Macky Sall. Ce faisant, elle trahit nettement sa cause.

«Nous ne sommes pas d’accord avec le choix du Président Wade quant à la date du congrès d’investiture»

Comme beaucoup de partisans de l’ancien ministre, vous soutenez vous aussi au Club Malik que le procès de Karim Wade est politique. Mais en quoi ?

N’est-ce pas le Président Macky Sall lui-même qui a dit que Karim Wade n’est pas un adversaire pour lui. Je pense que c'est le premier reflexe de politisation, même s’il n’a pas fait trop attention à sa déclaration. La deuxième raison tient au fait qu’il a déclaré, depuis les Etats-Unis, avoir posé le coude sur un certain nombre de dossiers. Il s’agit d’une déclaration grave qui suppose que le chef de l’Etat protège certains et poursuit d’autres. Je pense qu’en sa qualité de chef de l’Etat, il n’a point le droit de le dire, encore moins de le faire, parce qu’en réalité, il n’est pas le pouvoir. Il est une partie du pouvoir qui, dans une République, est une trilogie : exécutif, législatif et judiciaire. Alors, nous lui demandons respectueusement de ne pas obstruer le travail de la justice. L’autre élément, c’est qu’aucun analyste politique sérieux ne peut valablement occulter le phénomène Karim Wade qui est une réalité sur l’échiquier politique actuel et futur. La
Présidentielle de 2017 n’aura son piquant que si Karim Wade y participe.

Karim est encore entre les mains de la justice, ne pensez-vous pas qu’il doit d’abord s’expliquer devant la Crei avant de penser à briguer le suffrage des Sénégalais en 2017 ?

Non, parce que nous considérons que la Crei est une balafre sur le beau visage de notre justice. Une incongruité qu’il convient d’effacer proprement (…) Nous fondons notre argumentaire d’abord sur la forme, vu la manière dont elle a été restaurée. C’est-à-dire par simple décret présidentiel. Tous les spécialistes vous diront qu’un décret ne peut pas
restaurer ce qu’une loi a abrogé. Or, la loi de 1984 organisant notre architecture judiciaire est indiscutable (sic). Maintenant, dans le fond, nous avons là une cour à la démarche sélective, partiale et parcellaire dans ses poursuites. Une cour hors-norme. Des caractéristiques que nous étayons par, au moins, trois considérations fondamentales. La première chose que nous récusons, c’est la partialité et la sélectivité de la cour. Souvenez-vous de la fameuse conférence de presse de l’ex-Procureur spécial Alioune Ndao qui nous avait maladroitement et grossièrement
sorti une liste de 25 personnalités qu’il a injustement jetées en pâture et livrées à la vindicte populaire, en les présentant comme des voleurs nonobstant la présomption d’innocence qui n’est quand même pas un vil principe. Il est bizarre de constater que parmi tous ceux qui ont été cités, Karim Wade est le seul poursuivi et emprisonné depuis deux ans. Les poursuites de la Crei débutent de l’année 2000 et ne concernent que les dignitaires de l’ancien régime. C’est aussi discriminatoire. Souvenez-vous de la campagne de diabolisation à outrance déclenchée contre la personne de Karim avec de vraies fausses révélations publiées chaque jour dans la presse ainsi que les Procès-verbaux des auditions. Souvenez-vous de l’arrêt piétiné et déchiré de la cour de justice de la Cdeao du 22 février 2013, sur l’interdiction de sortie du territoire et l’incompétence de la Crei à juger Karim Wade qui relève, nous le savons tous, de la Haute Cour de justice. En ne respectant pas cet arrêt qui est pourtant d’essence supranationale, le Sénégal s’est mis dans la position d’un Etat délinquant. Je rappelle que tout cela n’a été possible qu’à cause de l’excès de zèle de Mimi Touré dont le passage au département de la Justice fut un grand désastre.

Qu’attendez-vous du procès de Karim Wade ?

Vous savez, c’est un procès qui souffre de preuves. Les rares espoirs de preuves dans ce procès sont comme des mirages dans le désert. Ils s’éloignent et disparaissent au fur et à mesure que vous vous en approchez. Si le procès devait s’arrêter demain, Karim bénéficierait d’un non-lieu total. Au tout début, Alioune Ndao et son équipe nous avaient parlé de 694 milliards. Ils ont mis Karim Wade aux arrêts pendant un an, en violation fragrante de ses droits les plus élémentaires, notamment en chiffonnant la loi même, organisant la Crei qui stipule que la durée de l’instruction préparatoire ne peut excéder 06 mois. Ils ont tordu le cou à la loi pour garder Karim en prison. Après, ils sont descendus à 117 milliards. Aujourd’hui, ils nous parlent de bijoux. Récemment, un ami me disait qu’ils vont finir par instruire sur la garde-robe de Karim, c'est-à-dire sur ses costumes, souliers et cravates. De façon plus sérieuse, voilà une cour qui vous juge sur la base de simples suppositions. Je passe sur toutes les irrégularités notées et les brimades exercées sur les mis en cause et dénoncées par eux-mêmes devant la barre en citant des noms. Je passe sur les sociétés sous administration provisoires confiées à des témoins à charge. Je passe sur la vingtaine d’exceptions de nullités noyautées par le juge, les pourvois, les vices de procédures et de forme, etc. Non, franchement tout cela n’honore pas notre pays. De toute évidence, ce procès sera plombé par manque de preuves parce que la cour devra d’abord prouver l’existence de l’accusation. C’est une question de bon sens. Pour qu’il y ait justification, il faudrait
d’abord qu’il y ait matière à justifier.

Que voulez vous dire par là ?

Simplement que c’est la charge de la preuve qui est inversée, mais pas la preuve de l’existence de l’accusation, c’est-à-dire du patrimoine incriminé. C’est très simple : il revient à la cour de démontrer ou, tout au moins, de prouver que ce patrimoine existe avant que Karim ne daigne répondre à une seule de leurs questions. Je vous donne un exemple, un monsieur dénommé Alboury Ndao qui réclame le statut d’expert a déclaré que Karim avait un compte qui serait logé dans une banque à Singapour, lequel compte serait crédité d’un solde de 47 milliards. Comment voulez-vous que Karim justifie la licéité ou non d’un telle somme si la preuve de l’existence du compte même n’est pas dûment établie auparavant par ses accusateurs ? Ce qui semble très illusoire puisque les commissions rogatoires dépêchées sur les lieux tardent à rentrer au Sénégal et l’accusateur principal quasiment introuvable. Voilà comment le dossier Karim est monté. Voila pourquoi la Crei est une grosse farce. D’ailleurs, ce que je reproche à Karim Wade, c’est bien de se présenter
de son propre chef au Tribunal.

Mais, il n’avait pas le choix ?

Il n’aurait jamais dû se faire juger par cette cour. C’est une erreur. Il aurait dû se laisser traîner par force pour marquer sa totale désapprobation devant les caméras du monde. Comment peut-on se laisser juger par une cour qui vous condamne avant d’aller chercher des preuves ? Une cour dont les décisions ne sont susceptibles d’aucun recours pour
le prévenu au moment ou un hypothétique arrêt de non-lieu peut toujours être frappé d’appel par le Procureur spécial. «La meilleure façon de respecter la loi lorsque celle-ci est contre les droits, est de la violer», disait Victor Hugo.

Quelles relations entretenez-vous avec le Pds et quelle appréciation faites vous de l’annonce du congrès d’investiture prévu le 8 août 2015 par le Président Wade ?

Ce sont des relations de respect et de complémentarité. Beaucoup d’entre nous sont dans les plus hautes instances du Pds, mais notre challenge au Club Malik est de recruter ailleurs. Nous comptons près de 30 000 membres aujourd’hui dont beaucoup n’ont jamais fait de politique. Ils n’ont de centre d’intérêt que Karim Wade. Ils prendront la direction
qu’il leur indiquera. Ce vivier qui ne cesse de croître sera peut-être une ressource additionnelle pour le parti. Maintenant, il est clair que le Pds doit obligatoirement faire sa mue ou disparaître. Je pense que cela se passera aussi dans la douleur. Le Pds vit une situation très complexe, mais n’a pas droit à l’erreur. Nous ne sommes pas d’accord
avec le choix du Président Wade quant à la date du congrès d’investiture. Comme Babacar Gaye, nous estimons qu’elle est trop éloignée. Mais qui sait ? Ça pourrait aussi être un avantage sous certains aspects.

L'Observateur