BAYE SY : Il a osé défier «Baay Lahad»
Que n’a-t-on pas dit de cet homme qui, selon la rumeur publique, était capable de tous les miracles du monde ? Nombre de Sénégalais étaient convaincus de son pouvoir mystique et n’hésitaient pas à lui soumettre leurs problèmes, santé, argent, stérilité ou positionnement politique. Avait-il, en son temps, offert des solutions à ces nombreuses sollicitations ? Que nenni ! Lui, c’est le Cheikh Baye Sy.
Rentré d’Arabie saoudite par la grâce de Serigne Cheikh Mbacké "Gaïndé Fatma", qui l’aurait «sauvé des geôles saoudiennes», où il risquait la peine capitale pour un délit d’une extrême gravité, Baye Sy s’est installé dans la périphérie de Touba, entre Diourbel et Gossas, où il a tissé petit à petit sa toile pour se faire un nom et une réputation. De fil en aiguille, ses prétendus miracles et sa «connaissance mystique sans limite» avaient fait le tour du pays, grâce à un très large réseau, implanté partout au Sénégal, pour savamment distiller «la bonne nouvelle».
Et comme tous les arnaqueurs qui promettent monts et merveilles, lui-même déclarait, lors de son procès en 2010, alors qu’il était âgé de 116 ans : «Le Sénégal ne compte point de leader politique ou religieux qui ne soit venu, un jour, solliciter mes prestations...»
Sa demeure était bâtie, tout en paille, à quelques encablures de Diourbel, sur la route de Gossas, en 1987, après avoir été chassé de la ville sainte de Touba par le 3 e khalife mouride, Serigne Abdoul Ahad Mbacké. Il l’avait baptisé "Djamilou Lahi Haza Wadjala". Un haut lieu de "spiritualité", où il parquait des disciples qu’il faisait battre violemment quand cela lui chantait. Un domaine dans lequel beaucoup de Sénégalais évitaient de s’aventurer car, disait-on, «il a le pouvoir de kidnapper, mystiquement, tous ceux qu’il voulait y retenir", et ne les libérait qu’après en avoir fait des épaves. L’un des ses premiers "Diawrigne" (serviteurs) n’est autre que l’ancien percussionniste de l’orchestre Super Diamano, Aziz Seck, qu’il avait convaincu d’abandonner la musique, pendant que le groupe d’Oumar Pène cartonnait et que lui avait des propositions pour faire quelque chose avec les Rolling Stones, pour se consacrer à son service.
Baye Sy, de son vrai nom Cheikh Oumar Sy, est né à Guédé Halwar, dans le Fouta, il y a 118 ans. Il est le fils d’un grand dignitaire toucouleur du nom d’Adama Sy, lui-même mouride de confession. Baye porte le nom d’une autre figure historique de l’Islam au Sénégal, Cheikh Oumar Foutiyou Tall en l’occurrence, propagateur du Tidianisme en Afrique de l’Ouest. Comme écrit plus haut, cet homme qui prétendait détenir 114 diplômes en théologie et autres sciences islamiques, dit aussi avoir vécu plus de 50 ans au pays du roi Fayçal, qui l’aurait élevé au grade de «Sultan».
Aujourd’hui, il ne reste rien de son empire et tous ses «disciples-prisonniers» se sont affranchis. Le Cheikh vit péniblement ses dernières années sur terre et serait peut-être l’un des doyens d’âge du pays de Khadimoul Rassoul, Cheikh Ahmadou Bamba, dont il n’a jamais cessé de se réclamer.
MODOU DIOUF "KAOLACK" : La "punition" de Serigne Fallou
Serigne Modou Diouf «Borom Baax», les jeunes mourides des années 90 le connaissent bien, mais la nouvelle génération ignore tout de cet ancien disciple d’El Hadji Falilou Mbacké, qui fut ce qu’est Cheikh Modou Kara, de nos jours, c’est-à-dire le «marabout des jeunes». Ses domiciles de Dakar (quartier HLM) et de Kaolack ne désemplissaient pas et des «dahiras» y assuraient l’animation en permanence, à travers la lecture des "Xassaïd" (poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba).
Beaucoup d’insanités ont été dites quant à la manière dont se déroulaient les soirées religieuses dans son domicile des HLM où, paraît-il, les hommes se réunissaient dans la grande cour et les dames dans le salon. Les mauvaises langues racontent d’ailleurs qu’à cause de sa proximité avec la gente féminine, plusieurs dizaines d’enfants sont nés de ces relations coupables.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est cette visite de Serigne Modou Khabane Mbacké, Ibn Serigne Fallou. Le fils de second khalife général des mourides, en effet, dans ses nombreuses pérégrinations, a échoué aux HLM, précisément chez Serigne Modou Diouf, où le zikr "baye fall" n’était plus aux airs "illa Lahi Fall", mais à la mode des "illa Lahi Diouf", dans l’espoir de récolter quelques "hadiya" (présent offert à un marabout). A la surprise générale, Cheikh Modou Diouf fit asseoir le fils de son guide par terre, alors que lui trônait dans un fauteuil douillet.
Suffisant pour que le «Diawrigne» du Dahira, Djiby Mbaye (un fanatique de Serigne Fallou) prit la parole pour cracher ses quatre vérités. «Vous n’êtes rien, Modou Diouf ! Si vous osez faire asseoir le fils de Serigne Fallou par terre, c’est que vous ne croyez pas en celui-ci», avait-il lancé, avant d’inviter «tous les vrais disciples de Serigne Fallou et de Serigne Touba à quitter ces lieux malsains».
Et ce fut le début de la fin... Djiby Mbaye quitte l’environnement de Serigne Modou Diouf avec la quasi-totalité de ses disciples pour fonder sa propre association religieuse (dahira). Plus tard, M. Mbaye se lancera dans la politique en fondant le PAS, sous les couleurs duquel il a pris part à la Présidentielle de 2007. De nos jours, on n’entend plus parler de ce Serigne Modou Diouf, qui revendiquait pourtant autant de talibés (ou presque) que Kara ou Béthio.
MAKHTAR NDIAYE : «Seun, égal tas d’ordures»
La Fédération des jeunes mourides du Sénégal, fondée au début des années 80 par Mohamed El Bachir Diop, Ibrahima Diom et autres jeunes de la Médina, a vite marqué son empreinte sur la région de Dakar, où elle avait fini d’occuper les jeunes à des activités religieuses, les 24 et 31 décembre de chaque année, les éloignant ainsi des soirées méphistophéliques de Réveillon. Très rapidement, sa semaine religieuse était devenue le cadre idéal pour l’épanouissement de milliers de jeunes, dans la voie de Dieu.
Les plus grands conférenciers mourides, tels Khadim Guèye, Bouchra Sam, Cheikh Abdoulaye Dièye, entre autres, défilaient sur le podium pour célébrer la parole de Dieu et les écrits du Cheikh. Naturellement, la manifestation grandissant tous les ans, voyaient l’intérêt des populations et des autorités accroître considérablement. Et arrive un certains Serigne Makhtar Ndiaye et son groupe, tous cinquantenaires, pour organiser un putsch, écarter certains fondateurs et prendre les rênes de la structure. Bonjour la recherche effrénée de pouvoir, d’argent et d’influence.
L’Etat, les entreprises privées et publiques, comme les chefs religieux accordaient un énorme crédit à cette structure, qui passait pour être la vitrine du jeune musulman sénégalais. L’appétit venant en mangeant, le «guide spirituel» de la Fédération, Makhtar Ndiaye, qui n’avait aucune occupation professionnelle, mais qui roulait en Mercedes et s’habillait chic et cher, a commis quelques dérapages qui ont irrité le khalife de l’époque, Serigne Abdoul Ahad Mbacké.
Sans hésiter, le fils de Cheikh Ahmadou Bamba convoqua la RTS pour faire une déclaration sans équivoque. «A partir de ce jour, je ne veux plus entendre parler de Fédération des "seune" (déformation de jeunes, en Ouolof) Mourides, qui n’est qu’une grosse arnaque», avait lancé «Baay Laat». Et de se demander : «Que signifie "seune" ? Dans le Mouridisme, il n’existe pas de "seune". Le seul "seune" que nous connaissons, c’est le tas d’immondices, le dépotoir d’ordures».
Serigne Abdoul Ahad avait ajouté : «Leur cas m’avait intrigué et, pour ne pas prendre de décision hâtive, je m’en suis ouvert à Cheikh Ahmadou Bamba, qui m’a éclairé sur leurs intentions. Ils sont comme un serpent qui guette sa proie...». Depuis lors aussi, plus de Fédération des Jeunes Mourides, qui avait pourtant opéré un maillage serré du Sénégal, et même de l’Afrique, l’Europe et les Etats-Unis. Les anciens responsables du mouvement vivent aujourd’hui dans l’oubli, aucun d’eux n’osant se signaler aux yeux des témoins de ce camouflet.
CHEIKH BETHIO THIOUNE : «l’ombre» de Serigne Saliou
Administrateur civil de classe exceptionnelle, Serigne Béthio Thioune est un chef religieux atypique. Espèce rare dans le Mouridisme, pour son niveau intellectuel et son rang social, il s’est imposé comme le disciple «le plus proche et le plus dévoué» du 5e khalife de Cheikh Ahmadou Bamba, qu’il a servi jusqu’à sa disparition, avec un acharnement et une dévotion sans pareille.
Chantre du «Thiant» (rendre grâce), il célèbre tous les jours son guide spirituel à travers des manifestations qu’il organise et au cours desquels il offre toutes sortes de nourriture, en marge de chants liturgiques et autres évocations des noms du Créateur. Sans oublier les pas de danse qui lui sont propres et qu’il a maintes fois «osé» exécuter devant Serigne Saliou, au point même de lui arracher un sourire.
Cheikh Béthio se plaît à raconter les circonstances de sa première rencontre avec Serigne Saliou, alors qu’il n’avait que 8 ans. «J’ai vu un homme d’une grande stature, richement habillé, à bord d’une calèche. J’ai abandonné les enfants de mon âge avec lesquels je m’amusais, dans le village de Keur Samba Laobé, pour m’accrocher à l’attelage», raconte le Cheikh. Cet homme dont il ne connaissait pas encore le nom fit arrêter la calèche pour l’inviter à prendre place à ses côtés. C’est ce jour-là, se plaît-il a rappeler, qu’est née une amitié et une allégeance à laquelle seule la mort a pu mettre fin.
Dans son parcours professionnel, l’administrateur Thioune a d’abord été affecté dans la commune de Kaolack, où il aurait été l’auteur de détournement de fonds, qui lui a valu un mandat d’arrêt. Il se serait longtemps réfugié à Touba, au domicile de son guide, afin d’échapper à la justice. Malgré tout, il rebondira à Guédiawaye aux fonctions de Secrétaire général de la commune, avant de terminer sa carrière à la communauté urbaine de Dakar, au milieu des années 90.
Imbattable dans les travaux commandés par Serigne Saliou (culture des périmètres de Khelcom, gestion du Magal de Touba, réalisation d’ouvrage au domicile du khalife...), sa foi et son attachement au fondateur des « daaras » de Ndok, Ndiappandal, Ndiouroul, Laguème et autres sont sans commune mesure. Constamment, Béthio Thioune a vu le nombre des membres de son mouvement s’accroître, jusqu’au moment où Serigne Saliou, dans la discrétion, l’éleva au rang de «Cheikh», qui consacre l’accomplissement d’une "tarbiya" (éducation) profonde.
Aujourd’hui, quatre ans après le décès de son guide, Cheikh Béthio Thioune réclame plusieurs millions de disciples, prêts à donner leur vie pour le guide des "Cantaakoon" (ceux qui rendent grâce à Dieu). Comme tout bon Cheikh, Béthio possède un véritable harem avec ses sept épouses, dont la dernière est entrée dans la danse la semaine dernière.
Lors du grand Magal de Touba, Cheikh Béthio immole plusieurs centaines de bœufs, chameaux et milliers de poulets à n’en plus finir. Aux élections présidentielles de 2007 et 20012, il avait soutenu le candidat du PDS, Abdoulaye Wade. Le Cheikh soutenait qu’il avait reçu l’ordre de Serigne Saliou «de le réélire». Au cours de la campagne électorale, Béthio Thioune, qui a toujours affirmé que «Serigne Saliou n’est autre que la réincarnation de Cheikh Ahmadou Bamba, la même personne», a déclaré être, lui-même, cet illustre fils du fondateur du Mouridisme : «Nëbatu bi, jaratu ko. Man maay Serigne Saliou» (plus besoin de se cacher, je suis Serigne Saliou !), avait-il lancé à des disciples en transes.
Cheikh Béthio a connu un bref passage dans la prison centrale de Saint-Louis, au début des indépendances, aux côtés d’illustres personnalités politiques, telles Majmouth Diop et Mame Less Dia (journaliste), pour son militantisme au sein du Parti africain pour l’Indépendance (PAI, clandestin), alors interdit par le président Senghor.
Serigne Mour DIop Lesenegalais.net
Que n’a-t-on pas dit de cet homme qui, selon la rumeur publique, était capable de tous les miracles du monde ? Nombre de Sénégalais étaient convaincus de son pouvoir mystique et n’hésitaient pas à lui soumettre leurs problèmes, santé, argent, stérilité ou positionnement politique. Avait-il, en son temps, offert des solutions à ces nombreuses sollicitations ? Que nenni ! Lui, c’est le Cheikh Baye Sy.
Rentré d’Arabie saoudite par la grâce de Serigne Cheikh Mbacké "Gaïndé Fatma", qui l’aurait «sauvé des geôles saoudiennes», où il risquait la peine capitale pour un délit d’une extrême gravité, Baye Sy s’est installé dans la périphérie de Touba, entre Diourbel et Gossas, où il a tissé petit à petit sa toile pour se faire un nom et une réputation. De fil en aiguille, ses prétendus miracles et sa «connaissance mystique sans limite» avaient fait le tour du pays, grâce à un très large réseau, implanté partout au Sénégal, pour savamment distiller «la bonne nouvelle».
Et comme tous les arnaqueurs qui promettent monts et merveilles, lui-même déclarait, lors de son procès en 2010, alors qu’il était âgé de 116 ans : «Le Sénégal ne compte point de leader politique ou religieux qui ne soit venu, un jour, solliciter mes prestations...»
Sa demeure était bâtie, tout en paille, à quelques encablures de Diourbel, sur la route de Gossas, en 1987, après avoir été chassé de la ville sainte de Touba par le 3 e khalife mouride, Serigne Abdoul Ahad Mbacké. Il l’avait baptisé "Djamilou Lahi Haza Wadjala". Un haut lieu de "spiritualité", où il parquait des disciples qu’il faisait battre violemment quand cela lui chantait. Un domaine dans lequel beaucoup de Sénégalais évitaient de s’aventurer car, disait-on, «il a le pouvoir de kidnapper, mystiquement, tous ceux qu’il voulait y retenir", et ne les libérait qu’après en avoir fait des épaves. L’un des ses premiers "Diawrigne" (serviteurs) n’est autre que l’ancien percussionniste de l’orchestre Super Diamano, Aziz Seck, qu’il avait convaincu d’abandonner la musique, pendant que le groupe d’Oumar Pène cartonnait et que lui avait des propositions pour faire quelque chose avec les Rolling Stones, pour se consacrer à son service.
Baye Sy, de son vrai nom Cheikh Oumar Sy, est né à Guédé Halwar, dans le Fouta, il y a 118 ans. Il est le fils d’un grand dignitaire toucouleur du nom d’Adama Sy, lui-même mouride de confession. Baye porte le nom d’une autre figure historique de l’Islam au Sénégal, Cheikh Oumar Foutiyou Tall en l’occurrence, propagateur du Tidianisme en Afrique de l’Ouest. Comme écrit plus haut, cet homme qui prétendait détenir 114 diplômes en théologie et autres sciences islamiques, dit aussi avoir vécu plus de 50 ans au pays du roi Fayçal, qui l’aurait élevé au grade de «Sultan».
Aujourd’hui, il ne reste rien de son empire et tous ses «disciples-prisonniers» se sont affranchis. Le Cheikh vit péniblement ses dernières années sur terre et serait peut-être l’un des doyens d’âge du pays de Khadimoul Rassoul, Cheikh Ahmadou Bamba, dont il n’a jamais cessé de se réclamer.
MODOU DIOUF "KAOLACK" : La "punition" de Serigne Fallou
Serigne Modou Diouf «Borom Baax», les jeunes mourides des années 90 le connaissent bien, mais la nouvelle génération ignore tout de cet ancien disciple d’El Hadji Falilou Mbacké, qui fut ce qu’est Cheikh Modou Kara, de nos jours, c’est-à-dire le «marabout des jeunes». Ses domiciles de Dakar (quartier HLM) et de Kaolack ne désemplissaient pas et des «dahiras» y assuraient l’animation en permanence, à travers la lecture des "Xassaïd" (poèmes de Cheikh Ahmadou Bamba).
Beaucoup d’insanités ont été dites quant à la manière dont se déroulaient les soirées religieuses dans son domicile des HLM où, paraît-il, les hommes se réunissaient dans la grande cour et les dames dans le salon. Les mauvaises langues racontent d’ailleurs qu’à cause de sa proximité avec la gente féminine, plusieurs dizaines d’enfants sont nés de ces relations coupables.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est cette visite de Serigne Modou Khabane Mbacké, Ibn Serigne Fallou. Le fils de second khalife général des mourides, en effet, dans ses nombreuses pérégrinations, a échoué aux HLM, précisément chez Serigne Modou Diouf, où le zikr "baye fall" n’était plus aux airs "illa Lahi Fall", mais à la mode des "illa Lahi Diouf", dans l’espoir de récolter quelques "hadiya" (présent offert à un marabout). A la surprise générale, Cheikh Modou Diouf fit asseoir le fils de son guide par terre, alors que lui trônait dans un fauteuil douillet.
Suffisant pour que le «Diawrigne» du Dahira, Djiby Mbaye (un fanatique de Serigne Fallou) prit la parole pour cracher ses quatre vérités. «Vous n’êtes rien, Modou Diouf ! Si vous osez faire asseoir le fils de Serigne Fallou par terre, c’est que vous ne croyez pas en celui-ci», avait-il lancé, avant d’inviter «tous les vrais disciples de Serigne Fallou et de Serigne Touba à quitter ces lieux malsains».
Et ce fut le début de la fin... Djiby Mbaye quitte l’environnement de Serigne Modou Diouf avec la quasi-totalité de ses disciples pour fonder sa propre association religieuse (dahira). Plus tard, M. Mbaye se lancera dans la politique en fondant le PAS, sous les couleurs duquel il a pris part à la Présidentielle de 2007. De nos jours, on n’entend plus parler de ce Serigne Modou Diouf, qui revendiquait pourtant autant de talibés (ou presque) que Kara ou Béthio.
MAKHTAR NDIAYE : «Seun, égal tas d’ordures»
La Fédération des jeunes mourides du Sénégal, fondée au début des années 80 par Mohamed El Bachir Diop, Ibrahima Diom et autres jeunes de la Médina, a vite marqué son empreinte sur la région de Dakar, où elle avait fini d’occuper les jeunes à des activités religieuses, les 24 et 31 décembre de chaque année, les éloignant ainsi des soirées méphistophéliques de Réveillon. Très rapidement, sa semaine religieuse était devenue le cadre idéal pour l’épanouissement de milliers de jeunes, dans la voie de Dieu.
Les plus grands conférenciers mourides, tels Khadim Guèye, Bouchra Sam, Cheikh Abdoulaye Dièye, entre autres, défilaient sur le podium pour célébrer la parole de Dieu et les écrits du Cheikh. Naturellement, la manifestation grandissant tous les ans, voyaient l’intérêt des populations et des autorités accroître considérablement. Et arrive un certains Serigne Makhtar Ndiaye et son groupe, tous cinquantenaires, pour organiser un putsch, écarter certains fondateurs et prendre les rênes de la structure. Bonjour la recherche effrénée de pouvoir, d’argent et d’influence.
L’Etat, les entreprises privées et publiques, comme les chefs religieux accordaient un énorme crédit à cette structure, qui passait pour être la vitrine du jeune musulman sénégalais. L’appétit venant en mangeant, le «guide spirituel» de la Fédération, Makhtar Ndiaye, qui n’avait aucune occupation professionnelle, mais qui roulait en Mercedes et s’habillait chic et cher, a commis quelques dérapages qui ont irrité le khalife de l’époque, Serigne Abdoul Ahad Mbacké.
Sans hésiter, le fils de Cheikh Ahmadou Bamba convoqua la RTS pour faire une déclaration sans équivoque. «A partir de ce jour, je ne veux plus entendre parler de Fédération des "seune" (déformation de jeunes, en Ouolof) Mourides, qui n’est qu’une grosse arnaque», avait lancé «Baay Laat». Et de se demander : «Que signifie "seune" ? Dans le Mouridisme, il n’existe pas de "seune". Le seul "seune" que nous connaissons, c’est le tas d’immondices, le dépotoir d’ordures».
Serigne Abdoul Ahad avait ajouté : «Leur cas m’avait intrigué et, pour ne pas prendre de décision hâtive, je m’en suis ouvert à Cheikh Ahmadou Bamba, qui m’a éclairé sur leurs intentions. Ils sont comme un serpent qui guette sa proie...». Depuis lors aussi, plus de Fédération des Jeunes Mourides, qui avait pourtant opéré un maillage serré du Sénégal, et même de l’Afrique, l’Europe et les Etats-Unis. Les anciens responsables du mouvement vivent aujourd’hui dans l’oubli, aucun d’eux n’osant se signaler aux yeux des témoins de ce camouflet.
CHEIKH BETHIO THIOUNE : «l’ombre» de Serigne Saliou
Administrateur civil de classe exceptionnelle, Serigne Béthio Thioune est un chef religieux atypique. Espèce rare dans le Mouridisme, pour son niveau intellectuel et son rang social, il s’est imposé comme le disciple «le plus proche et le plus dévoué» du 5e khalife de Cheikh Ahmadou Bamba, qu’il a servi jusqu’à sa disparition, avec un acharnement et une dévotion sans pareille.
Chantre du «Thiant» (rendre grâce), il célèbre tous les jours son guide spirituel à travers des manifestations qu’il organise et au cours desquels il offre toutes sortes de nourriture, en marge de chants liturgiques et autres évocations des noms du Créateur. Sans oublier les pas de danse qui lui sont propres et qu’il a maintes fois «osé» exécuter devant Serigne Saliou, au point même de lui arracher un sourire.
Cheikh Béthio se plaît à raconter les circonstances de sa première rencontre avec Serigne Saliou, alors qu’il n’avait que 8 ans. «J’ai vu un homme d’une grande stature, richement habillé, à bord d’une calèche. J’ai abandonné les enfants de mon âge avec lesquels je m’amusais, dans le village de Keur Samba Laobé, pour m’accrocher à l’attelage», raconte le Cheikh. Cet homme dont il ne connaissait pas encore le nom fit arrêter la calèche pour l’inviter à prendre place à ses côtés. C’est ce jour-là, se plaît-il a rappeler, qu’est née une amitié et une allégeance à laquelle seule la mort a pu mettre fin.
Dans son parcours professionnel, l’administrateur Thioune a d’abord été affecté dans la commune de Kaolack, où il aurait été l’auteur de détournement de fonds, qui lui a valu un mandat d’arrêt. Il se serait longtemps réfugié à Touba, au domicile de son guide, afin d’échapper à la justice. Malgré tout, il rebondira à Guédiawaye aux fonctions de Secrétaire général de la commune, avant de terminer sa carrière à la communauté urbaine de Dakar, au milieu des années 90.
Imbattable dans les travaux commandés par Serigne Saliou (culture des périmètres de Khelcom, gestion du Magal de Touba, réalisation d’ouvrage au domicile du khalife...), sa foi et son attachement au fondateur des « daaras » de Ndok, Ndiappandal, Ndiouroul, Laguème et autres sont sans commune mesure. Constamment, Béthio Thioune a vu le nombre des membres de son mouvement s’accroître, jusqu’au moment où Serigne Saliou, dans la discrétion, l’éleva au rang de «Cheikh», qui consacre l’accomplissement d’une "tarbiya" (éducation) profonde.
Aujourd’hui, quatre ans après le décès de son guide, Cheikh Béthio Thioune réclame plusieurs millions de disciples, prêts à donner leur vie pour le guide des "Cantaakoon" (ceux qui rendent grâce à Dieu). Comme tout bon Cheikh, Béthio possède un véritable harem avec ses sept épouses, dont la dernière est entrée dans la danse la semaine dernière.
Lors du grand Magal de Touba, Cheikh Béthio immole plusieurs centaines de bœufs, chameaux et milliers de poulets à n’en plus finir. Aux élections présidentielles de 2007 et 20012, il avait soutenu le candidat du PDS, Abdoulaye Wade. Le Cheikh soutenait qu’il avait reçu l’ordre de Serigne Saliou «de le réélire». Au cours de la campagne électorale, Béthio Thioune, qui a toujours affirmé que «Serigne Saliou n’est autre que la réincarnation de Cheikh Ahmadou Bamba, la même personne», a déclaré être, lui-même, cet illustre fils du fondateur du Mouridisme : «Nëbatu bi, jaratu ko. Man maay Serigne Saliou» (plus besoin de se cacher, je suis Serigne Saliou !), avait-il lancé à des disciples en transes.
Cheikh Béthio a connu un bref passage dans la prison centrale de Saint-Louis, au début des indépendances, aux côtés d’illustres personnalités politiques, telles Majmouth Diop et Mame Less Dia (journaliste), pour son militantisme au sein du Parti africain pour l’Indépendance (PAI, clandestin), alors interdit par le président Senghor.
Serigne Mour DIop Lesenegalais.net