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Bennoo, en pensant au second tour

Le roi Salomon, près de mille ans avant Jésus-Christ, avait ordonné de couper en deux le nouveau-né dont deux femmes se disputaient la maternité et d’en remettre une moitié à chacune. La solution convenait parfaitement à l’une qui lança à sa rivale : « Il ne sera ni à toi ni à moi » et demanda l’exécution de la sentence. Mais celle, dit le récit biblique, dont « les entrailles étaient émues au sujet de son fils », préféra renoncer au bébé afin qu’il eût la vie sauve. C’est à elle que le roi Salomon remit l’enfant vivant, convaincu qu’elle était la vraie mère.


Rédigé par leral.net le Lundi 14 Novembre 2011 à 06:43 | | 0 commentaire(s)|

Les sages de Bennoo Siggil Senegaal n’ont pas la sagacité de Salomon. Mais l’histoire ne se serait pas répétée, de toute façon, s’ils avaient proposé de couper en deux l’investiture de la coalition. Soumis à ce jugement, chacun des deux protagonistes accepterait sa part et irait courir son destin devant les électeurs. La survie de Bennoo n’est pas au-dessus de la volonté de certains partis-membres d’investir leurs leaders.
Si les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, il faut alors convenir que l’interminable feuilleton du « candidat de l’unité et de vaste rassemblement » commence à lasser. Aucun des deux postulants ne laissera à l’autre l’exclusivité de l’investiture de la coalition. Cette rigidité jusqu’au-boutiste résulte de l’action conjuguée de l’ambition des candidats et de la volonté de leurs partis respectifs.

On pourrait appliquer à Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng le raisonnement de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo qui ne concevait pas une issue électorale autre que sa victoire. « Je gagne ou je gagne », voilà les seuls termes de l’alternative du scrutin. Les militants du Parti socialiste et de l’Alliance des forces de progrès sont dans le même état d’esprit qu’ils partagent avec leurs dirigeants respectifs même si, à ce niveau de responsabilité, la même position est exprimée en termes mieux choisis.
Il faut établir une échelle pour déterminer laquelle, de l’autorité du parti ou celle de la coalition, a la suprématie sur l’autre. L’investiture d’un candidat relève de la prérogative de la formation politique, à moins qu’elle ne la concède à une autre instance, Benno en l’occurrence. Dans tous les cas, l’effet de choc sera terrible sur les militants dont le Secrétaire général (qui qu’il soit) n’aura pas survécu à l’épreuve de l’investiture à la candidature de Bennoo Siggil Senegaal.
Mais la mécanique implacable lancée par Bennoo suit son fonctionnement et veut aboutir à la désignation d’un seul candidat. Mais au prix de quelles convulsions au sein de la formation perdante, de combien de reniements et de refus de la décision ? Il y a quelque chose d’obsessionnel dans la quête de ce qui n’était qu’une hypothèse optimiste au début et qui s’est transformé en résultat forcé de candidat unique ou de l’unité.
Le rituel compulsif des réunions sans autre horizon que de se rencontrer pour parler d’un objectif désormais peu réalisable masque une réalité simple : le délai de réaction pour prendre une décision est dépassé et les logiques des appareils politiques ont pris le pas sur les objectifs de la coalition. Ps et Afp veulent chacun investir son leader. Le réalisme politique est de travailler sur cette base afin de préserver à Bennoo Siggil Senegaal son autorité et sa crédibilité, donc son utilité pour le second tour.
Il vaut mieux pour Bennoo qu’il n’y ait pas de candidat unique que d’en avoir un qui démobilise une part importante de son électorat. La coalition apparaîtrait aux yeux des militants du leader disqualifié comme l’artisan d’une véritable catastrophe. Tenter le passage en force en procédant par vote au sein du Groupe de facilitation serait contre-productif et priverait la coalition de la possibilité de jouer son rôle de creuset pour organiser les alliances et reports de voix pour le second tour.
Il faut laisser aux protagonistes et à leurs partis respectifs le loisir de participer à ce qui sera, probablement, leur dernier tour de piste électoral, aux termes des accords qui interdisent au candidat de Bennoo, s’il est élu en 2012, de se représenter à la présidentielle suivante. Mais les deux piliers de Bennoo Siggil Senegaal, au plan des moyens et de la capacité de mobilisation, sont livrés à leurs homologues et pairs qui sont à tête de partis beaucoup plus faibles mais qui détiennent le pouvoir extraordinaire de désigner un gagnant et un perdant.

Mame Less CAMARA (Le Populaire)