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« Bennoo » vers une mutation irréversible

Rédigé par leral.net le Jeudi 19 Février 2015 à 15:18 | | 0 commentaire(s)|

« Bennoo » vers une mutation irréversible
Le séminaire organisé par la coalition Benno Bokk Yakar sous l’impulsion du Président de la République, Président de l’Alliance pour la République ne fut pas un simple choix stratégique, mais une condition sine qua non de la coalition présidentielle pour son ouverture vers le futur et pour sa survie dans un univers politique en constante ébullition et très versatile. Au regard de l’allocution du Président Macky Sall deux constantes se dégagent : une nouvelle mutation organique de Bennoo à la place de ses vieilles structures, mais aussi la nécessaire affirmation de Bennoo, comme la coalition majoritaire appelée à fixer les modalités du débat politique et non à le subir. Il faut avoir le courage de le reconnaître, la coalition « Benno Bokk Yakaar », dans les nouvelles conditions de l’histoire n’a plus le mordant qui l’a porté au pouvoir d’autant plus que les difficultés liées à la gestion des affaires lui enlèvent chaque jour du charme et de la passion.

En effet, le pouvoir politique est comme une bougie, on l’exerce avec une énergie périssable et non renouvelable : on est obligé aussi bien dans les sphères du pouvoir que dans celles de l’opposition d’être créatif et dynamique. Plus on use du pouvoir, davantage on en manque, à l’image de la bougie qui, à force d’éclairer, consume progressivement l’énergie qui lui permet cette faculté d’éclairer jusqu’à n’être plus qu’une insignifiante flammèche que le plus faible vent éteindra de façon brutale et définitive. Telle a été l’histoire de « Benno Bokk Yakaar » à un moment de son histoire : à force de refuser d’allumer les nouvelles bougies de la renaissance, il a sombré dans l’immobilisme et la végétation qui n’est ni vie ni mort.

C’est là où se trouve toute la pertinence de la décision du Président Macky Sall de prendre le taureau par les cornes en donnant une seconde vie à la coalition présidentielle. En bon stratège, il a compris qu’une coalition politique, qu’elle gouverne ou pas, vit et parce qu’il vit, il est obligé de supporter des transmutations pour s’adapter aux contextes politiques, toujours changeants et surtout trop précaires pour permettre un conservatisme tout azimut. Si même les individus passent par une évolution à la fois physique et intellectuelle, et que les instituions de la République qui sont plus sacrées changent, pourquoi et comment le « Benno Bokk Yakaar » pourrait-il ne pas connaître des mutations douloureuses, mais nécessaires à la réalisation de ses nouvelles ambitions ? Les ambitions d’une coalition qui siège dans l’opposition ne sont plus celles d’une coalition au pouvoir, les stratégies ne peuvent plus être les mêmes, les vieilles structures de « Benno Bokk Yakaar » ne sont donc pas nécessairement compatibles avec sa nouvelle carrure.

Le Bennoo a fondamentalement besoin d’un nouveau souffle qui puise allumer le feu sacré lui faisant défaut depuis belle lurette et qui explique, en partie, l’asthénie et la déception qui animent certains militants. Il est donc d’une nécessité impérieuse de comprendre que pour faire face à ses missions historiques, Bennoo après avoir agrégé d’autres forces politiques, tende vers une nouvelle organisation plus élargie pour ne pas rater le train de l’histoire. Une chose est d’avoir travaillé à l’accession de cette coalition au pouvoir, une autre est d’être apte à l’y maintenir par l’offre d’une masse de militant significative et surtout d’une expertise solide en matière de gouvernance moderne.

Sous ce rapport, il y a lieu de procéder à une refondation de Bennoo et voici trois arguments pour l’étayer : premièrement, le passage du statut de coalition d’opposition à celui de coalition au pouvoir ; deuxièmement, l’aspiration de Bennoo à rester longtemps au pouvoir et son ouverture nécessaire à d’autres forces sociales (étant entendu que sans l’apport d’éléments nouveaux le Bennoo ne serait peut-être pas aujourd’hui au pouvoir) et troisièmement, les exigences politiques et économiques et la géopolitique actuelle sont telles que seuls les grandes coalitions (à l’image des parti Démocrate et Républicain aux USA) pourront relever les défis politiques, économiques et sociales du futur.

Il résulte de ce qui précède, qu’autant il y a des sensibilités qui ont un égal droit à se manifester, autant il y a des expertises aspirant chacune à être utile à la coalition Benno Bokk Yaakar. Et dans la perspective de la prochaine structuration de la coalition présidentielle, la force des partis réunis autour du Président Macky Sall résidera donc dans sa capacité à fédérer toutes les sensibilités et toutes les expertises dans une synergie capable d’être une véritable machine électorale huilée. Or, pour ce faire, il y a deux exigences à satisfaire : d’une part, une capacité à identifier, à rassembler les expertises et d’autre part, une équité dans la mise à disposition des moyens logistiques et financiers. Quand le Président Macky Sall affirme haut et fort au cours de ce séminaire : « nous avons la majorité, nous devons donc mener le débat et non le subir », il ne fait qu’indiquer à ses alliés de suivre l’axe de la communication.

L’axe de la communication devra être particulièrement surveillé et manœuvré avec dextérité et un maximum d’efficience, car au regard de son bilan plus qu’élogieux dans tous les domaines de la vie, il est inconcevable de laisser prospérer cette entreprise de disqualification de la politique infrastructurelle de la majorité qui s’installe insidieusement. Le camp de la majorité présidentielle a suffisamment d’arguments et d’expertises pour fixer l’agenda politique au lieu d’en être victime.

La majorité médiatique de l’opposition n’est pas irréversible, c’est seulement parce qu’on leur a abandonné le terrain que les opposants se défoulent sur le régime et donnent la fausse impression de représenter une force capable de faire jeu égal avec le régime. Il y a donc une obligation de résorber ce gap, car de toute façon ce n’est pas dans les studios des médias que le jeu électoral se fait, mais pour acquérir une légitimité médiatique qui est devenue une partie intégrante de la légitimité politique. Il en est ainsi parce que les médias sont des faiseurs d’opinion et peu importe que celle-ci soit fausse ou vraie : ce qui importe c’est son efficience. En politique comme en sophisme, la vérité est souvent assujettie à l’image et à la prestance intellectuelle de celui qui parle : c’est dommage, mais c’est comme ça.

On ne peut pas marmonner, hésiter dans son argumentaire, montrer des signes manifestes d’absence d’assurance et espérer convaincre son interlocuteur ni même les auditeurs ou téléspectateurs. La politique n’est pas une science exacte, mais elle a des exigences nécessaires : une présence effective, une bonne communication, le courage de ses idées et la cohésion dans les rangs. Et dans la mesure où les prémisses de la défaite dans une confrontation sont d’abord perceptibles dans la passiveté consistant à s’ajuster sur l’agenda de son adversaire, il faut que le camp présidentiel refuse de se déterminer en fonction des agissements de l’opposition. C’est une démarche compliquée voire absurde que de choisir d’encaisser des coups qu’on est en mesure de rendre ou d’éviter. Il faut rompre avec cette imprudence consistant à envoyer n’importe qui dans les studios radio et télévision défendre les intérêts de Bennoo : cette impression d’amateurisme et d’abandon de la coalition par ses fils est une des graves blessures qu’il urge de soigner.
Abdoulaye KHOUMA
Conseiller Technique/Présidence de la République
Responsable politique APR /Parcelles Assainies
DAKAR