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CHANGEMENT DE «TÊTE » AU MINISTERE DE LA CULTURE : LATIF COULIBALY A PLUTOT BONNE PRESSE…


Rédigé par leral.net le Samedi 9 Septembre 2017 à 22:19 | | 0 commentaire(s)|

Abdou Latif Coulibaly est depuis ce jeudi 7 septembre, le ministre de la Culture ; un département désormais amputé de la Communication. Pour la plupart de nos interlocuteurs, c’est une très bonne chose, ne serait-ce que parce que cela devrait permettre au successeur de Mbagnick Ndiaye, de se «consacrer exclusivement à la Culture». Un secteur à la fois «spécifique» et «complexe», où l’on a parfois l’impression que ça «tâtonne»…
 
C’est en tout cas ce qu’en pense le Secrétaire général du syndicat national des travailleurs de la Culture, le comédien et opérateur culturel, Pape Meïssa Guèye, qui se réjouit de l’arrivée du nouveau ministre. «Un homme de Culture», qui serait donc tout à fait «à sa place». Idem pour Mbagnick Ndiaye, un «homme de Culture», lui aussi, et «du sérail», qui n’aura manifestement pas à baisser la tête, dixit le directeur des Arts, Abdoulaye Koundoul. Même si…l’ancien ministre de la Culture et de la Communication, a tout de même eu du mal à échapper aux jets de pierre du syndicaliste. Dans cet entretien croisé, vous entendrez aussi l’avis de l’artiste-chanteur et musicien Iba Gaye Massar, qui estime que les acteurs culturels avaient «entamé de bonnes choses» avec Mbagnick Ndiaye, et que le nouveau ministre de la Culture devrait veiller à ne pas tout bouleverser…
 
PAPE MEÏSSA GUEYE, SG DU SYNDICAT NATIONAL DES TRAVAILLEURS DE LA CULTURE : «Cela permettra au nouveau ministre de se consacrer exclusivement à la Culture»
Je pense que c’est une bonne chose. Il fut un temps où c’était le ministère de la Culture et du Tourisme, de la Culture et de la Francophonie, et récemment de la Culture et de la Communication. Mais là, comme ça devient un portefeuille, le ministère de la Culture tout simplement, peut-être que ça permettra au nouveau ministre de se consacrer exclusivement à la Culture. Je pense que c’est une bonne chose : mieux vaut avoir un seul ministère de la Culture, qu’un ministère couplé à d’autres secteurs.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL,  DIRECTEUR DES ARTS : «On continuera à faire ce qu’on faisait»
Ce qui va changer, c’est que nous n’avons plus ces deux entités, la Culture et la Communication. Maintenant, nous sommes cloitrés ou cantonnés seulement dans l’espace de la Culture. La Communication a été attribuée à un autre département, ça veut dire qu’on continuera à faire ce qu’on faisait dans le cadre de la Culture.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL : «Chaque joueur a une mission bien particulière»
Je ne me l’explique pas, mais je pense que ça a été pire à un moment. Nous étions pratiquement à une moyenne d’un ministre par an, cela s’est passé, nous n’en sommes plus à ce rythme-là, donc je pense que le président de la République…Je vais prendre la métaphore d’un entraîneur qui est là, qui regarde son équipe jouer, et qui, à lui seul, peut juger d’un moment ou d’un autre, pour faire des remplacements, et chaque joueur a une mission bien particulière, mais l’ensemble de ce que ces joueurs font individuellement, groupé, donne une lecture très claire de la façon de jouer de l’équipe.
 
PAPE MEÏSSA GUEYE : «…n’importe qui peut être ministre de la Culture»
(Rires) On avait déjà eu ça sous Wade hein, je pense que sous Wade on avait eu 12 ministres de la Culture. Ça veut dire que le secteur est complexe. On le dit même dans la presse : quand on ne sait pas où mettre un journaliste, on le met au Desk Culture. C’est pareil dans le Gouvernement, parce que la Culture, on peut la confier à n’importe qui. La Culture, c’est pourtant très complexe ; ce n’est pas le folklore. C’est très sérieux : il faut la confier à des gens du sérail, comme l’Education ou la Santé. Mais pour la Culture, n’importe qui peut être ministre de la Culture, n’importe qui, c’est des gens qui ne comprennent pas les enjeux de la Culture, et s’il y a trop de changements dans un secteur, cela signifie qu’on tâtonne, qu’on n’a pas trouvé la bonne personne, et nous sommes dans cela depuis très longtemps. Ce n’est pas seulement sous Macky Sall.
 
IBA GAYE MASSAR, ARTISTE-CHANTEUR ET MUSICIEN : «Nous avions entamé de bonnes choses avec Mbagnick Ndiaye»
Mbagnick Ndiaye est resté à la limite trois ans. C’est beaucoup par rapport aux autres mais nous avions entamé de bonnes choses avec lui, en espérant que maintenant ça va aller beaucoup plus fort. Mais moi je ne m’attendais pas à ce qu’on le change ou qu’on ne le change pas. Je n’ai pas d’attentes par rapport à ça parce que les gouvernements sont souvent changeants. Ça fait des années que les ministres de la Culture changent et rechangent. C’est à la limite dans les normes des choses même si ça peut porter préjudice dans la mesure où je pense qu’un ministère, on en s’occupe bien, en espérant que celui-là n’amènera pas d’énormes changements au niveau de certaines structures parce que sinon tout est à recommencer.
 
PAPE MEÏSSA GUEYE : «Pour moi, franchement, Mbagnick Ndiaye ne faisait pas le poids»
Ah oui ! Moi je m’y attendais, franchement, et je parle pour moi, il était trop manipulé. Le ministère était géré par la direction des Arts, le secrétariat général, le directeur de Cabinet. Pour moi franchement, Mbagnick Ndiaye ne faisait pas le poids, je ne sais pas s’il était trop bien avec les gens, mais Mbagnick n’était pas l’homme de la situation. Par exemple, il y a des fonds à la direction des Arts qui ne font jamais l’objet d’audit, c’est un groupe d’amis qui gère la Culture, les mêmes personnes gèrent tous les jours les projets-programmes culturels de l’Etat. Le Sénégal ne se limite pas à Dakar. Vous allez au niveau des autres centres culturels, vous voyez des experts en matière de Culture, mais ils sont laissés en rade.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL,  DIRECTEUR DES ARTS : « Les ministres viennent exécuter une…»
Chaque ministre vient avec son style de management, mais fondamentalement, il ne faut pas oublier qu’ils viennent exécuter une politique définie par le chef de l’Etat. Donc, au niveau du ministère de la Culture, nous disposons d’une Lettre de politique sectorielle de développement, qui donne les grandes orientations de politique culturelle dans les 5 ans à venir. Le ministre qui vient, est un manager, il saura mettre les énergies ensemble, il saura faire en sorte qu’il y ait de l’efficience, pour atteindre ces objectifs-là, ce que l’ancien ministre a fait, en son temps. Le changement de management intervient, et il (Abdou Latif Coulibaly, Ndlr) viendra continuer ce que son prédécesseur a eu à faire, et de fort belle manière.

PAPE MEÏSSA GUEYE : «Il y aura la Bonne Gouvernance au ministère de la Culture»
L’homme, Abdou Latif Coulibaly, on le connaît à travers ses positions, depuis le temps de l’ancien régime (présidence Abdoulaye Wade, Ndlr). Latif avait sorti un livre, «Comptes et mécomptes de l’Anoci». Je pense qu’il était engagé, et il a aussi eu à gérer le ministère chargé de la Bonne Gouvernance. Je préfère Latif à Mbagnick, parce que je pense qu’il y aura la Bonne Gouvernance au ministère de la Culture, et comme il a eu à le faire avec «Comptes et Mécomptes de l’Anoci», il acceptera aussi que les gens critiquent la gestion du ministère de la Culture. Je crois que Latif peut faire l’affaire en quelque sorte, parce qu’il n’est pas trop folklorique, comme Mbagnick Ndiaye, même si tous les deux sont des intellectuels. Mais je qu’avec Latif, on peut avoir de l’espoir. Qui vivra verra.
 
PAPE MEÏSSA GUEYE : «Le statut de l’artiste»
D’abord, que tout se passe le plus normalement possible, qu’il essaie de voir le travail qui se fait au niveau des directions du ministère de la Culture, et vraiment essayer de travailler une bonne fois sur le statut de l’artiste, pour que ça devienne carrément une réalité ; s’imprégner de chacun des secteurs de la Culture, en prenant langue avec les acteurs du secteur, ne pas s’en tenir à parler avec les autorités de ces mêmes directions. Il faut qu’il rencontre les acteurs, qu’il leur parle directement. Je pense que c’est nous qui vivons la situation. Nous maîtrisons la situation, nous connaissons le terrain.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL : «L’une des priorités  de M. le ministre  de la Culture…»
Les chantiers sont encore là, et nous espérons que le nouveau ministre de la Culture, en l’occurrence M. Latif Coulibaly, va continuer, prendre le relais, maintenir les acquis et aller encore plus loin. J’imagine que des chantiers comme le numérique et l’audiovisuel devraient être mis en avant, le chantier du droit d’auteur notamment, je dirais plutôt celui de la propriété littéraire et artistique, devrait aussi être de mise, mais aussi l’économie créative en général, qui devrait être l’une des priorités de monsieur le ministre de la Culture.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL : « C’est un homme de Culture, un écrivain»
Oui, parce qu’il ne faut pas oublier que du moment qu’il a été nommé, cela veut dire qu’il est bel et bien à sa place, et il ne faut pas oublier non plus que le ministre qui arrive, est un homme de Culture, parce que c’est un écrivain. J’estime qu’il est bel et bien à sa place, de la même façon que l’ancien ministre était bel et bien à sa place. Et voilà, il migre aujourd’hui vers une autre station, qui observe une certaine logique, parce qu’il va s’occuper de l’Intégration africaine, mais on sait très bien qu’aujourd’hui, parler d’intégration africaine, c’est parler aussi des politiques ; mais dans ces politiques-là, la Culture occupe une place très importante. Avec son expérience, je pense qu’il donnera beaucoup d’allant à ce ministère-là, qui s’occupe de l’Intégration africaine, du NEPAD, et de la Francophonie.
 
IBA GAYE MASSAR : «Il va vraiment pouvoir s’occuper de notre secteur»
Le ministère de la Culture tout court pour moi, ça peut être une très bonne chose que l’on puisse s’occuper de notre culture. Le nouveau ministre de la Culture, Abdou Latif Coulibaly est un homme de culture, c’était un écrivain, c’est quelqu’un qui a travaillé dans la communication. Il va vraiment bien pouvoir s’occuper de notre secteur qui est spécifique, surtout que ma demande est que l’on n’ait pas encore à attendre vraiment beaucoup de temps avant de nous occuper des problèmes fondamentaux que nous essayions de résoudre depuis des années ; notamment de nos gestions collectives de nos droits d’auteur.

Nous en sommes à un point très crucial, il faudrait que les rapports avec les organisations professionnelles soient fluides, que l’on puisse continuer ce que nous avons entamé, et que l’on ne soit pas retardé dans le temps. Je pense que lui, étant un homme de la culture, il sera à même de pouvoir impulser une dynamique dans certains domaines, ce qui a déjà été entrepris, mais aller beaucoup plus vite et d’une manière beaucoup plus efficiente, toujours en rapport avec les acteurs culturels qui sont la base fondamentale de notre Culture.
 
ABDOULAYE KOUNDOUL : «Un homme engagé, un homme du sérail»
Ce que je retiens de l’ancien ministre, c’est un homme engagé, un homme du sérail, qui a eu à mener de façon volontaire la conduite des projets qui étaient en latence, parce que beaucoup de ces projets ont connu quand même un aboutissement, grâce à lui. Je peux vous donner des exemples. Je pense qu’il ne faut pas oublier, et pour ce qui vous concerne, qu’il était le ministre de la Culture et de la Communication, et le Code de la presse a connu un aboutissement grâce à lui.

Ensuite, pour ce qui concerne la propriété littéraire et artistique, nous avons vu finalement que la société de gestion collective nouvelle, qui remplace le Bsda (Bureau sénégalais du droit d’auteur, Ndlr), la Sodav, a vu le jour, bien que la réforme continue, parce qu’il faut mettre en place encore des commissions. Le statut de l’artiste a connu un début, avec un premier draft déjà avancé, qui nous permettra de connaître beaucoup d’avancées, de savoir qui est artiste et qui ne l’est pas, et ensuite de définir les prérogatives et avantages liés à cette fonction.

L’autre aspect, c’est peut-être sur la protection sociale : on a mis en place la première mutuelle de santé des acteurs culturels, mais le non moins important, c’est aussi la mise en place du programme de réhabilitation des sites et lieux de mémoire, concernant notre patrimoine, et qui a permis de réhabiliter ou alors de reprendre beaucoup de sites du patrimoine, qui menaçaient ruine. Voilà, la liste n’est pas exhaustive, on peut continuer, et sur la diversité culturelle, là où le Sénégal a signé la Convention 2005 sur la diversité des expressions culturelles, nous avons attendu 10 ans avant de voir, sous le magistère de Mbagnick Ndiaye, le premier rapport quadriennal de l’Unesco, un rapport qui consigne un peu toutes les mesures et politiques engagées par l’Etat, pour booster ou alors donner encore de l’élan à la diversité culturelle.
 
PAPE MEÏSSA GUEYE : «Le président de la République était dans l’euphorie »
Ah là je ne pense pas ! «2017 Année de la Culture», je pense que quand le chef de l’Etat disait cela, il était vraiment dans une euphorie, parce que pour 2017, nous en sommes au mois de septembre, et il n’y a rien qui montre que nous sommes dans une année décrétée «Année de la Culture». (…) Je pense que 2017 est loin d’être une «Année de la Culture», et par respect pour le monde de la Culture, il aurait fallu dire au moins « 2019 Année de la Culture», et avoir le temps de préparer ça, parce qu’on ne peut pas décréter ça comme ça, et le faire au mois de février-mars, dans une grande euphorie comme ça et voilà…Jusque-là, rien ne montre vraiment que nous sommes dans une «Année de la Culture».
 
Théodora SY SAMBOU  et Mariame DJIGO

Ndèye Fatou Kébé