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Contribution à la réflexion sur le Sufisme - Par Cheikhou Gassama

Un discours sur le Sufisme implique nécessairement une clarification préalable des concepts que sont « Raison » et « Esprit », « Suuf » et « Suufi », « Phaïla Suufi » et « Philos Sophos », « Suufi » et « Tasawuf ».


Rédigé par leral.net le Dimanche 30 Novembre 2014 à 15:10 | | 3 commentaire(s)|

Contribution à la réflexion sur le Sufisme - Par Cheikhou Gassama
La « Raison » et l’« Esprit » sont couramment confondus, comme étant une seule et même chose. Or, le mot « Raison » est un mot de la même famille que celui de « Rationnel », alors que le mot « Esprit » est un mot de la même famille que celui de « Spirituel » ; de plus, la « Raison » renvoie à une activité du cerveau, alors que l’« Esprit » renvoie à celle du cœur. Personne ne s’avisera à confondre « Cerveau » et « Cœur », même si, malheureusement, une confusion coupable est entretenue entre « Science » et « Philosophie », même si également, le mot égyptien ancien de « Ql » peut être doublement interprété comme étant à la fois « Qel » ou « Cerveau » et « Qol » ou « Cœur ». Pourtant, on parle bien, sans les confondre, de « Raison discursive » et de « Raison intuitive » ; le premier, renvoyant au cerveau et le second, au cœur.

Historiquement, le mot « Sufisme » dérive du mot égyptien ancien ou wolof de « Suuf » qui renvoie à ce qui est « bas, terre-à-terre, matériel » et qui, par altération, a fini par prendre le sens de ce qui se situe vers le bas, c’est-à-dire, « Sol, Terre ». En égyptien ancien comme en wolof, on peut faire le contraire de certains mots par la règle dite de l’article inversif « i ». C’est le cas de « Lonk et Lonk-i », « Wekk et Wekk-i », « Tegg et Tegg-i », « Laam et Laam-i », « Nes et Nes-i », « Kër et Kër-i », etc. En appliquant cette règle de l’article inversif « i », à ce mot de « Suuf », on obtient son contraire en « Suuf-i » qui prend alors le sens de « haut, élevé, spirituel ». Le « Sufisme » n’est donc rien d’autre que l’activité de l’esprit humain, l’exercice de sa spiritualité.

Selon la sagesse pharaonique, l’être humain, semblable à toute autre être animé, est bidimensionnel (en tant qu’Essence ou Ame ou Akhë et Apparence ou Corps ou Hotë). Cependant, doté de trois types d’instruments de saisie du réel (Organes de sens, Cerveau et Cœur), il se fait du réel, une perception tridimensionnelle (Matérielle, Rationnelle et Spirituelle). Quand l’être humain utilise ses organes de sens, pour saisir le réel, il s’agit d’Empirisme et d’activité matérielle ; quand il utilise son cerveau, il est question de Science et d’activité rationnelle ; quand enfin il utilise son cœur, on parle de philosophie et d’activité spirituelle. Philosophie et Sufisme constituent, par conséquent, une seule et même chose, deux façons distinctes de dire la même chose.

De façon têtue et ténue, l’origine de la philosophie est fixée en Grèce antique ; tandis que la philosophie est définie comme étant « l’amour de la sagesse ». Pourtant, l’adage rappelle bien que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron » ; autrement dit, le seul amour de la forge ne suffit pas à faire un forgeron. De même, l’amour de la sagesse ne suffit pas faire un sage ou un philosophe. Il y a là une volonté affichée de dénaturer et de travestir la réalité.

Lorsque des savants de la Grèce antique ont traversé la Méditerranée, pour venir en Egypte antique, en terre d’Afrique Noire, se faire instruire par l’élite noire africaine et s’éduquer, ils sont restés bouche bée, en voyant la manière de vivre et de se comporter, des Suufi ou Philosophes égyptiens, manière faite de quasi renonciation à la vie matérielle, aux plaisirs et aux facilités, pour se consacrer presqu’exclusivement à une vie spirituelle faite de savoir et de sagesse, mais aussi de beaucoup privations. C’est pourquoi d’ailleurs, ces Suufi ou Philosophes égyptiens étaient désignés sous le vocable de « Phaïla Suufi », qui signifie, « Payé avec des valeurs spirituelles ». Les savants de la Grèce antique ont alors (i) reconnu et exprimé leur incapacité à être des « Phaïla Suufi », (ii) reconnu et exprimé leur admiration et leur amour par rapport au mode de vie des « Phaïla Suufi » et (iii) grécisé l’appellation de « Phaïla Suufi ».

Ce sont ces trois considérations qui ont abouti à la formulation de « Philos Sophos » ou Philosophe. Les savants de la Grèce antique ont donc eu l’humilité de reconnaître et d’avouer leur incapacité à être des « Phaïla Suufi », tout en exprimant leur statut de simples admirateurs et d’amoureux du mode de vie de ces êtres exceptionnels, prouvant par là, que la Grèce antique n’avait pas connu et n’avait jamais pratiqué la vraie philosophie ; ce qui est tout aussi valable pour l’Occident moderne qui continue d’entretenir une confusion coupable entre « Science » et « Philosophie », entre une activité du cerveau et celle du cœur.

Si le terme de Sufisme désigne bien l’activité qui est rétribuée avec des valeurs spirituelles, par contre, il ne montre pas en quoi consiste cette activité. C’est ce vide que vient combler le vocable de « Tasawuf », qui dérive de l’expression de l’égyptien ancien ou du wolof de « Tas Sa Wuuf » ou « disperser ses biens », c’est-à-dire, renoncer à ses biens propres au profit d’autrui. Les religions s’accordent à reconnaître que l’homme de Dieu est justement celui qui est capable de renoncer à ses biens propres au profit d’autrui. Le Suufi ou Philosophe est donc celui qui met son corps, sa raison et son esprit, autrement dit, ses sensations, ses idées et ses sentiments, c’est-à-dire, son être tout entier, au service d’autrui, de sa communauté, de son pays, de l’humanité, de l’univers, … de Dieu. C’est l’attitude qu’on retrouve, du point de vu de la formulation, dans le principe du « oubli total de soi, totale abnégation envers les autres ». C’est également ce qui se retrouve dans le fameux « Jihaadu Nafsu ». « Tasawuf » et « Jihaadu Nafsu » sont donc des expressions identiques et portent la même signification et le même contenu.

On pourrait dire que l’activité humaine se résume en « Empirisme », « Rationalisme » et « Spiritualisme ». C’est à cette dernière que se rattache le « Sufisme ». Le « Sufisme » ou la philosophie, peut donc être défini, très simplement, comme étant le don de soi. Il fait intervenir, non pas le cerveau, la raison et les idées, mais le cœur, l’esprit et les sentiments. Dans l’activité matérielle et rationnelle, tout don équivaut à une perte sèche ; et, plus on donne, plus on s’appauvrit. Par contre, dans l’activité spirituelle, tout don équivaut à un gain multiplié par dix ; et, plus on donne, plus rapidement on s’enrichit. D’une manière générale, la vie est comme un champ agricole ; chaque action humaine équivaut à une semence qu’on enterre dans le sol. Or, on ne peut pas semer de l’arachide et récolter du riz ; on ne peut pas semer le mal et récolter le bien ; « on ne récolte que ce qu’on a semé ».

Avec le Sufisme, non seulement on ne récolte que ce qu’on a semé, mais on le récolte, quantitativement et qualitativement, multiplié par dix. L’acquisition de connaissances sensibles (ou empiriques) par l’exercice des organes de sens, est la base du rationalisme, connaissances sans lesquelles, point de science véritable. L’acquisition de connaissances rationnelles (ou scientifiques) par l’exercice du cerveau, est la base du spiritualisme, connaissances sans lesquelles, point de philosophie véritable. L’acquisition de connaissances spirituelles (ou philosophiques) par l’exercice du cœur, est la base de la marche de l’humain vers le divin, la base de sa fusion avec le divin, fusion qui est le but poursuivi par les « Baayfaal » ; et c’est à cela que consiste le « Tasawuf » du « Sufisme ».



Pharaon Cheikhou GASSAMA
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