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Covid-19: Pourquoi l’Afrique doit encore attendre le vaccin?

Au moment où plusieurs pays du monde lancent des campagnes de vaccination contre la Covid-19, les Africains devraient patienter avant de pouvoir être vaccinés. Pourquoi ? Comment l’Afrique se prépare à recevoir les vaccins annoncés contre le coronavirus ?


Rédigé par leral.net le Mercredi 30 Décembre 2020 à 11:25 | | 0 commentaire(s)|

Covid-19: Pourquoi l’Afrique doit encore attendre le vaccin?
Le continent n’affiche à ce jour qu’un score moyen de préparation pour le déploiement du vaccin contre le nouveau coronavirus, dont la mise en circulation a commencé dans plusieurs régions du monde. Avec un score de 33% seulement, les pays africains restent très loin du niveau de référence qui est de 80%.

Excepté le Maroc, seul pays du continent qui a déjà lancé sa campagne de vaccination, les autres pays africains doivent encore attendre avant de recevoir et administrer le précieux liquide à leurs populations.

Cette situation a déjà poussé, fin novembre, la directrice régionale de l’OMS, Matshidiso Moeti, à inviter les gouvernements africains à « urgemment intensifier leur préparation ». La patronne de l’organisation spécialisée de l’Onu pour le continent prévenait alors, que « la planification et la préparation seront décisives pour cette tâche sans précédent » dans l’histoire sanitaire de l’Afrique.

S’exprimant, ce jour-là, au cours d’une conférence de presse virtuelle sur la situation épidémiologique du continent, Mme Moeti avait noté que les pays africains et les partenaires de son organisation, ont besoin « de plans de coordination nationale solides et complets, ainsi que des systèmes en place ». Selon elle, les Africains ont « besoin d’un leadership actif et d’engagement au plus haut niveaux des gouvernements ».

Les 47 pays africains couverts par l’Oms-Afrique ont reçu l’outil d’évaluation qui prépare à l’introduction du vaccin contre la Covid-19. Mais des défis liés au manque de financement, d’instruments de mesure et de communication avec les populations sont à relever. Pour atteindre ces objectifs, « la solidarité internationale sera impérative », avait estimé Mme Moeti.

Coût et accès

En dehors de l’aspect préparatoire et du déploiement, l’accès au vaccin constitue l’autre défi majeur à relever. L’OMS évalue le coût du déploiement en Afrique vers les populations prioritaires, à environ 5,7 milliards de dollars, soit plus de 3000 milliards FCfa.

Ce montant n’inclut pas les coûts supplémentaires de 15 à 20% pour le matériel d’injection et la livraison des vaccins, nécessitant des personnels de santé formés, une chaîne d’approvisionnement et la mobilisation des communautés. Il est calculé à partir de l’hypothèse d’un prix moyen du vaccin de 10,55 dollars par dose, sachant que deux doses seront nécessaires.

D’ailleurs, l’OMS collabore avec des partenaires comme « Gavi, l’Alliance du vaccin » pour garantir un accès équitable aux vaccins sur le continent. Cette organisation est membre de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (Covax). Celle-ci est en fait le mécanisme mondial de partage des risques pour l’achat groupé et la distribution équitable de futurs vaccins contre la Covid-19.

Selon l’anthropologue sénégalais, Ibrahim Niang, interrogé par APA, l’Afrique devrait toutefois rester sur ses gardes. « Il ne faudrait pas que les relations d’inégalités au niveau international affectent l’appropriation et la circulation des vaccins et que nous soyons pris dans le piège des relations internationales économiques et politiques qui nous dépassent », prévient le chercheur.

Déjà, « il faudrait que l’Afrique commence à parler d’une seule voix pour avoir une réponse cohérente et adaptée à nos différents contextes », recommande-t-il.

Selon l’analyse faite par l’OMS, seuls 12% des pays détiennent des plans pour communiquer avec les communautés, afin de bâtir la confiance et susciter une demande de vaccination. Cette situation témoigne une fois de plus, du travail qu’il reste à faire. Parce que « développer un vaccin sûr et efficace, n’est que la première étape d’un déploiement réussi », faisait remarquer Dr. Moeti.

Rôle des communautés

Il n’y a pas de doute que « si les communautés ne sont pas associées et convaincues que le vaccin protégera leur santé, nous ferons peu de progrès », avait-t-elle fait savoir, appelant d’ores et déjà les autorités à s’adresser aux communautés et à être « attentives à leurs préoccupations ».

Le Sénégalais Ibrahim Niang a beaucoup travaillé dans ce domaine de la communication, quand l’épidémie à virus Ebola est apparue il y a quelques années en Guinée. Pour lui, « s’il y a eu des résistances en Afrique par rapport aux vaccins, c’est parce que depuis le siècle passé, il y a eu énormément de tests qui ont été faits sur les populations africaines, particulièrement noires, sans le respect des considérations éthiques ». L’anthropologue juge donc le sentiment de peur, « normal », à cause des « souvenirs violents ».

Mais, relativise-t-il, « les vaccins sont acceptés par les communautés. Elles les utilisent et les réclament même parfois ». Tout dépendra en effet des réponses qui seront apportées aux questions suivantes : « Comment on en discute ? Quelle est la part d’appropriation des populations de ces vaccins ? Et comment les populations peuvent elles-mêmes contrôler leur efficacité et la sûreté du vaccin ? »

Répondre à ces interrogations est pour lui la seule voie qui permettrait à la future campagne de vaccination contre la Covid-19, de ne pas être perçue comme « une réponse autoritaire ».

Pour le Sénégalais, les chercheurs en sciences sociales devraient être sollicités pour « aider à voir sur quel levier s’appuyer pour avoir une mobilisation communautaire autour de la question du vaccin et de la dynamique de l’épidémie ».

L’OMS envisage de vacciner, d’ici à mars 2021, au moins 3% de la population africaine et espère atteindre 20% d’ici la fin de l’année prochaine.






APA