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DECRYPTAGE - Sida : peut-on guérir du VIH ?

Rédigé par leral.net le Mercredi 6 Mars 2019 à 13:07 | | 0 commentaire(s)|

Les grandes conférences sur le sida sont toujours l’occasion de nouvelles spectaculaires. La Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections, rendez-vous annuel de tous les cliniciens qui s’est ouvert ce lundi à Seattle, ne déroge pas à cette règle basique de communication. Est ainsi présenté le cas d’un deuxième patient, guéri du VIH après une greffe de cellules de moelles osseuses. L’occasion de faire le point sur les notions de guérison, de rémission, voir de stabilisation en matière de VIH.


Timothy Brown, lundi à Seattle. Le «patient de Berlin» est la première personne à avoir été guérie du sida. Photo Manuel Valdes. AP
Timothy Brown, lundi à Seattle. Le «patient de Berlin» est la première personne à avoir été guérie du sida. Photo Manuel Valdes. AP
Guérir du VIH, est-ce possible ?
La notion de guérison est délicate. Elle fait référence à deux cas très particuliers, dont le dernier vient donc d’être présenté à Seattle. Deux patients chez qui on ne trouve plus la moindre trace de virus.

La première histoire a dix ans. On l’appelait alors le «patient de Berlin». Timothy Brown, un jeune Américain avait été testé séropositif en 1995 quand il était étudiant dans la capitale allemande.

C’est après avoir reçu une greffe de moelle osseuse en 2007 pour traiter une leucémie, qu’il a cessé de prendre des antirétroviraux et surprise, il ne montrait plus aucun signe d’infection par le VIH. Les médecins qui le suivaient l’ont alors déclaré guéri. On a alors découvert que la moelle greffée provenait d’un donneur qui avait des cellules immunitaires mutantes résistantes au VIH.

Selon les estimations, 0,3% de la population est doté de cette immunité naturelle au VIH qui provient de la mutation d’un gène dit CCR5. «Je suis la preuve vivante qu’on peut guérir du sida», disait alors Timothy Brown.

C’est ce qui vient de se répéter avec un patient de Londres, chez qui on n’a pas retrouvé la moindre trace de virus, selon les chercheurs. Lui aussi a subi une transplantation de moelle osseuse, en recevant des cellules-souches de donneurs ayant une mutation génétique rare qui empêche le VIH de s’installer.

«En parvenant à une rémission sur un deuxième patient tout en utilisant une approche similaire, nous montrons que le "patient de Berlin" n’a pas été une anomalie», s’est félicité le principal chercheur Ravindra Gupta, professeur à l’Université de Cambridge. Mais il souligne «que la transplantation de moelle osseuse, intervention délicate, dangereuse et douloureuse, n’est évidemment pas une option viable pour le traitement du VIH».

Reste donc un modèle. Le VIH utilisant la plupart du temps le CCR5 comme récepteur pour s’intégrer à la cellule, la mutation dudit gène empêche manifestement le virus de pénétrer dans les cellules hôtes, ce qui rend les porteurs de cette mutation protégés du virus du sida. «Ces cas de guérison nous donnent des éléments de recherche passionnants», explique un chercheur français.

La rémission complète existe-t-elle ?
Oui, mais c’est rarissime. Petit retour en arrière. Les traitements antirétroviraux (ARV) sont apparus en 1996. Depuis ils se sont affinés, simplifiés et, surtout, sont devenus particulièrement efficaces.

Ainsi, plus de 90% des patients qui sont sous ARV ont une charge de virus indétectable, c’est-à-dire que l’on ne retrouve plus de traces de particules virales circulant dans leur sang. Mais pour autant, le virus n’a pas disparu ; il reste tapi dans des réservoirs, comme certains ganglions. Et dès que le patient arrête son traitement, le virus se reproduit.

Mais voilà, il y a des cas de rémission complète. En juillet 2015, une équipe de virologue de l’Institut Pasteur a fait état d’une rémission exceptionnelle. Il s’agissait alors d’une jeune fille de 19 ans née séropositive. Pendant les premières années de sa vie, elle a été traitée avec des ARV. Puis à l’âge de 5 ans, ses parents disparaissent avec elle pendant un an et demi. Elle ne reçoit plus de thérapie. Quand elle revient à l’hôpital, à 6 ans et demi, les médecins qui l’examinent sont surpris : aucune trace du virus, et aucune trace d’activité virale.

En 2015, douze ans après, alors qu’elle ne suit plus aucun traitement, elle va très bien et on ne décèle plus la moindre trace de virus dans son sang. «Elle est en complète rémission, mais c’est un cas rarissime», expliquait alors le docteur Asier Sáez-Cirión, virologue à l’Institut Pasteur. Cela ne voulant pas dire pour autant que le virus ait complètement disparu de l’organisme de la jeune fille.

Y a-t-il des patients qui vivent bien sans traitement ?
Oui. Il existe des groupes de patients qui vivent avec le VIH sans problème, sans que le virus ne se reproduise. Comme si leurs organismes avaient réussi à s’adapter.

Parmi eux, il y a ceux que l’on appelle les «contrôleurs du VIH». C’est un groupe très particulier de personnes qui ont été infectées par le sida, mais chez qui, sans le moindre traitement, l’organisme et le système immunitaire ont contrôlé la suite de l’infection. Le virus est certes là, dormant, mais il ne bouge pas, comme replié en silence.

Selon des études françaises et américaines, ils sont peu nombreux, entre 0,3% et 0,6% des personnes infectées à travers le monde. Dans les années 90, on avait mis en exergue l’histoire de prostituées kenyanes qui avaient été infectées mais vivaient depuis sans maladie. «Chez ces personnes, il y a un facteur génétique important», faisait remarquer Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche contre le sida et les hépatites.

Un autre groupe existe. Il s'agit de personnes qui ont été contaminées mais ont été traitées très précocement, c’est-à-dire très peu de temps après leur contamination. Elles ont reçu, alors, des thérapies pendant un certain temps. Mais pour des raisons variées, elles ont ensuite arrêté leur traitement et leur organisme a contrôlé le virus. En France, il y a quelques dizaines de patients connus de ce type, regroupés dans ce que l’on appelle la cohorte Visconti.







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