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De l’« Affaire Lamine Diack » Par Jean-Marie François Biagui


Rédigé par leral.net le Samedi 19 Décembre 2015 à 09:18 | | 2 commentaire(s)|

De l’« Affaire Lamine Diack » Par Jean-Marie François Biagui
Selon une opinion assez largement partagée sous nos cieux, vous ne pouvez être au pouvoir, organiser des élections et les perdre. C’est que, en l’espèce, le pouvoir met à votre disposition des moyens colossaux.

En l’occurrence, pour sa réélection en 2007, le président Abdoulaye Wade en a usé, tous azimuts, y compris jusqu’à susciter des vocations présidentielles au sein de l’opposition, pour ainsi l’atomiser et l’affaiblir. C’était de bonne guerre. Mais le chef de l’Etat d’alors en abusa et, en 2012, il perdit le pouvoir, en dépit d’une opposition globalement relativement démunie en termes de moyens.

Pour sa part, en vue de sa réélection, le président Macky Sall parierait plutôt sur la « transhumance », par le truchement de laquelle il entendrait siphonner l’opposition avec son électorat. Pour ce faire, le chef de l’Etat usera, bien volontiers, des moyens, en augmentation d’année en année, que le pouvoir a mis à sa disposition. Nous verrons ce qu’il en adviendra en 2017, ou en 2019 s’il effectue les sept ans de « son » mandat.

En attendant, l’opposition se tromperait lourdement, si elle avait la mauvaise idée – pour s’être éventuellement fondée sur le prétexte de l’« Affaire Lamine Diack » – de se détourner de la générosité de celles et ceux des filles et fils du pays qui en éprouveraient le besoin ou la nécessité à son égard, où qu’ils se trouvent.

Or, qu’est-ce que c’est que l’« Affaire Lamine Diack » ?

Comme nombre d’autres compatriotes, le président Lamine Diack est à une station – du moins jusqu’à son départ de la présidence de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF, en Anglais) – où il ne peut que croiser quasi quotidiennement le « diable » sous toutes ses formes. Et quand il rencontre certaines personnes d’origine russe, sa cupidité présumée ou simplement sa faiblesse du moment vont l’amener à pactiser avec le « diable », à des fins personnelles, voire crypto-personnelles. Et peu importe, si sa fibre patriotique a vibré avant, pendant ou après la conclusion de ce pacte. La course après la « toute-puissance » à tout prix n’a-t-elle pas perdu plus d’un Sénégalais, y compris au sein du Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) que nous avons eu l’honneur de codiriger jadis ? Quoi qu’il en soit, jusque-là, tout va « bien ». Ou à peu près « bien ».

Puis survient, à la faveur d’une instruction judiciaire, l’obligation pour le président Lamine Diack de « moraliser » son acte et, plus particulièrement, de donner sens à ce qui n’en a point jusqu’alors. On lui demande notamment de le nommer, c’est-à-dire de donner un nom à ce pacte, conclu, disions-nous, à des fins personnelles voire crypto-personnelles.

C’est alors que, de notre point de vue, le président Lamine Diack découvre que l’« affaire » est trop grosse pour avoir du sens, et donc pour être nommée, pour porter un nom. Mais il y est tenu, il faut qu’il lui donne sens.

Or, dire que le pacte a été conclu à des fins exclusivement politiques, pourrait donner sens. Qui plus est, laisser à croire que l’opposition sénégalaise d’alors avait été financée avec l’argent généré par le pacte, dans le but ultime et prétendument patriotique de débarrasser le Sénégal du président Abdoulaye Wade, apparaîtrait à ses yeux comme une issue heureuse. C’est du moins ce qu’il croirait servir au juge instructeur français chargé de l’« affaire », laquelle passera, par cela seul, pour une « bombe » au Sénégal.

Le président Lamine Diack, avec lequel nous ne disposons d’aucune attache, même pas par procuration, a certainement contribué en son temps à l’effort de « guerre » contre le président Abdoulaye Wade. Mais, jamais nous ne saurions, en ce qui nous concerne, considérer les « cocontractants » du président Lamine Diack au Sénégal comme étant des individus véreux dans un tel contexte. D’autant que le président Lamine Diack pouvait, objectivement, avec ses salaires légalement et grassement payés en dollar ou en euro, se montrer bougrement généreux à leur égard.

Par conséquent, il conviendrait de ramener l’« Affaire Lamine Diack » à sa juste mesure. Soit à la mesure de cette affaire où notre compatriote reconnaît avoir une responsabilité, en tant qu’individu, et à titre personnel.

Apprenons, ou réapprenons, à cet effet, à initier ou à mener des combats politiques, en toute légitimité certes, mais à la loyale.
Tâchons, pour cela, autant que faire se peut, d’appréhender notre adversaire politique comme notre alter ego. C’est-à-dire, comme celui-là même qui, a priori, n’est ni pire ni meilleur que nous-même, quoiqu’il puisse éventuellement se révéler totalement autre a posteriori. C’est cela, aussi, l’éthique en politique.

Sous ce rapport, l’honorable député Oumar Sarr, arrêté puis incarcéré pour son appréciation de cette « affaire », n’a plus rien à faire en prison. De même que tous les journalistes doivent pouvoir continuer à faire leur job en toute quiétude.

Dakar, le 22 décembre 2015.
Jean-Marie François BIAGUI
Président du Mouvement pour le Fédéralisme
et la Démocratie Constitutionnels (MFDC-fédéraliste)