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De la réforme hospitalière à la crise hospitalière : de l’irresponsabilité de l’Etat, du prix de l’affairisme syndical national, de la tactique syndicale locale erronée et/ou esseulée, Par Guy Marius Sagna


Rédigé par leral.net le Jeudi 14 Avril 2016 à 23:08 | | 0 commentaire(s)|

Si la crise scolaire est celle qui retient le plus les attentions, l’actualité est aussi marquée par la crise qui sévit dans le système sanitaire et social sénégalais. Celle de l’Etablissement Public de Santé (EPS) de Sédhiou, de l’hôpital général de Grand Yoff…sont des cas d’école. La crise à l’hôpital régional de Saint-Louis a atteint un tel niveau que plusieurs journaux dont le quotidien Le Soleil a été obligé de titrer dans son édition du mercredi 13 avril 2016 : « Grèves répétitives à l’hôpital régional, les populations de Saint-Louis manifestent leur colère ». « Non aux grèves incessantes », « les larmes de l’hôpital de Saint-Louis » sont entre autres les messages qu’on aurait pu lire sur les pancartes et banderoles de manifestants qui après avoir tenu une AG à l’intérieur de l’hôpital, alors que le Syndicat Unique des Travailleurs de la Santé et de l’Action Sociale (Sutsas) étaient en Sit-in dans l’enceinte de l’hôpital, ont marché jusqu’à la gouvernance pour y déposer un mémorandum. Les manifestants auraient demandé le départ des syndicalistes qui bloqueraient depuis 10 ans le fonctionnement de l’hôpital. Le journal Enquête de titrer le 13 avril : « Saint-Louis-Les populations ont envahi l’hôpital, hier. Chaudes matinée pour les grévistes du Sutsas ». L’affaire est grave !

Avant cela, dans le quotidien La Tribune du 29 mars 2016, les membres du Sutsas de St-Louis ont dénoncé la gestion patrimoniale des ressources financières de l’établissement. Le directeur, depuis un an à la tête de l’hôpital, a augmenté dès son installation sa prime de responsabilité de 300.000 à 600.000FCFA faisait savoir le SG du Sutsas Abdoul Ndongo.
Répondant aux accusations du Sutsas, dans La Tribune du 1er avril 2016, le directeur de l’hôpital dit que « la structure de santé est mieux gérée ». Pour prouver cela il montre la décharge du document signée par l’Ofnac et dans lequel il a déclaré son patrimoine à son arrivée à Saint Louis. Il dit être le premier directeur de l’hôpital à avoir révélé aux personnels que l’établissement reçoit une subvention de 844.725.265 FCFA de la part de l’Etat du Sénégal. Il révèle des éléments du rapport de passation de service du 25 avril 2015 marquant son arrivée dans l’hôpital. « d’un hôpital confronté à un problème endémique de trésorerie qui a fini de démotiver le personnel et de décourager les fournisseurs » ; « un hôpital au parc automobile quasi inexistant et au matériel médical vétuste. Le tout dans un contexte d’instabilité sociale chronique » ; « la dégradation de l’ensemble des indicateurs financiers. ».

De l’irresponsabilité de l’Etat

La réforme hospitalière libérale de 1998 est en crise. Faut-il sortir cette réforme de la crise ou faut-il sortir de cette réforme hospitalière en crise ? Telle est la question de fond dont la résolution passe par la sortie de cette réforme transformant les hôpitaux sénégalais en entreprise et en « no man’s land » pour la gestion démocratique. Le régime du président Macky Sall, tout comme ses prédécesseurs, a fait le choix de respecter lui aussi ce plan d’ajustement structurel appliqué aux hôpitaux et diktat des institutions de Bretton Woods.
A ce plan d’ajustement structurel il faut ajouter, pour comprendre la crise à Saint-Louis et au niveau des autres hôpitaux sénégalais, l’option parasitaire des différents régimes jusqu’à celui-ci. Les structures de direction sont des mangeoires pour ceux qui y sont affectés. L’argent de l’hôpital sert souvent aux autorités administratives, aux membres du conseil d’administration, aux directeurs d’hôpitaux et à leurs obligés…
Par ailleurs, le refus par tous les régimes d’une gestion démocratique du personnel et donc des nominations à la tête des structures sanitaires et sociales contribuent aussi à cette crise. Le directeur de l’hôpital de Saint-Louis en question a quitté l’EPS de Sédhiou en 2013 où il a fait ses preuves de la pire des manières. C’est d’ailleurs au courant d’une grève du Sutsas de Sédhiou contre sa gestion qu’il a été affecté à Roi Baudouin de Guèdiawaye. Le directeur de l’hôpital de Saint-Louis est membre du Syntras (un autre syndicat regroupant des travailleurs de la santé et de l’action sociale). Le Secrétaire Général (SG) national du Syntras est un syndicaliste tristement connu pour ses « Diagne Fada m’a dit » et « le ministre de la santé et de l’action social m’a dit ».
Que va faire l’Etat ? Affecter les syndicalistes du SutSas de Saint-Louis comme il l’a fait pour l’hôpital de Sédhiou ?

De l’affairisme syndical national

Que va faire le niveau central du Sutsas ? Se taire et ne rien faire comme il y a quelques mois à Sédhiou ? Il faut rappeler que le SG du Sutsas de l’hôpital de Sédhiou, pour cause de lutte syndicale, a été affecté à l’hôpital régional de Louga. Le niveau central du Sutsas n’a ni protesté contre l’affectation d’un SG local ni effectué une descente à Sédhiou pour rencontrer la base comme il l’avait promis.
Se partager des billets de pèlerinage aux liens saints, recevoir des enveloppes en espèces sonnantes et trébuchantes, faire du lobbying pour des affectations et des formations…voilà les spécialités pour lesquelles les responsables syndicaux nationaux de la santé et de l’action social sont passés maitres es sciences.
Le problème c’est que l’Etat n’a pas les moyens d’acheter tous les travailleurs de la santé et de l’action sociale. Et tous les travailleurs de la santé et de l’action sociale ne sont répondent pas aux sirènes sonnantes et trébuchantes. Et là où il y a injustice il y a lutte.
Du coup, nos affairistes et carriéristes syndicaux frappent parfois sur la table et se taisent dès qu’on paie le Nepad pensant que cela calmera pour trois mois au moins les travailleurs de la santé et de l’action sociale. Ils font la politique de l’autruche quand il y a des luttes locales et attendent l’issue du rapport de force entre leurs propres bases et les directeurs d’hôpitaux. Quand le directeur arrive à écraser les velléités locales c’est tant mieux. Quand le ministère arrive à étêter le syndicat sans trop de bobo c’est mieux encore. Il fut un temps où c’était impensable d’affecter pour sanction un simple membre du Sutsas.
Quand ça dure comme à Saint-Louis, ça devient compliqué. Le ministère, le SG national, le directeur d’hôpital et même le gouverneur négocient. Et si le SG national peut retenir ses troupes c’est bien. S’il peut aussi sacrifier ses camarades on ne fera pas la fine bouche. Il sera rétribué pour service rendu à la paix sociale.

De la tactique syndicale erronée et esseulé

Rappelons d’abord que ce qui se passe à l’hôpital régional de Saint-Louis est le résultat d’une politique nationale définit par les institutions de Bretton Woods, présentée comme la vision du chef de l’Etat et appliquée par le ministre de la santé et de l’action sociale avec la complicité de syndicalistes collabos. C’est cela qui est le plus déterminant dans ce qui arrive à Saint-Louis.
Cependant, il faut étudier aussi les responsabilités locales.
La tactique de grèves « incessantes », pour parler comme ces populations de Saint-Louis (dont il faut d’ailleurs aussi questionner le caractère spontané ou manipulé de leur manifestation), est erronée. Les travailleurs en général et ceux du secteur de la santé et de l’action sociale en particulier ont tendance à s’enfermer dans leurs luttes. Même quand ces luttes prennent en charge des revendications qui ne prennent en compte que les intérêts des populations. Du coup, les travailleurs sont coupés du peuple. Et ce peuple dont une partie est tenue par des politiciens réagira en défaveur des travailleurs au pire des cas et dans l’indifférence au mieux des cas. Mais quelque soit le cas ce n’est pas bon pour les travailleurs.
Peut-on être durablement un îlot de refus syndical à l’hôpital régional de Saint-Louis ou ailleurs dans un syndical national aux ordres du ministère ou du palais ? C’est cela aussi la question que beaucoup de cas comme Saint-Louis posent. Sans qu’à ce stade de notre réflexion qu’on puisse le dire pour Saint-Louis, il arrive que le SG local soit un béni oui oui du SG national. De deux choses l’une. Aucune lutte locale n’arrivera au stade de la radicalisation ou quand la lutte est radicale c’est la pluie des affectations qui tombent. D’où la responsabilité pour les militants syndicaux honnêtes de travailler à changer leur syndicat et à se lier aux militants honnêtes des autres syndicats.
Les SG nationaux, au lieu de soutenir par tous les moyens possibles et imaginables leurs camarades des localités et des hôpitaux négocient la revalorisation des indemnités des membres de conseil d’administration des hôpitaux.

Solidarité aux travailleurs de la santé et de l’action sociale de l’hôpital régional de Saint-Louis et d’ailleurs et aux populations de l’ancienne capitale de l’AOF et d’ailleurs.

Guy Marius Sagna
Jeudi 14 avril
Guy Marius SAGNA email: guymarius_sagna@yahoo.fr