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Décryptage Leral -Retour Maroc dans l’UA et crise gambienne: Abdoulaye Bathily, le coup de Jarnac tchadien et « l’échec » diplomatique sénégalais


Rédigé par leral.net le Jeudi 2 Février 2017 à 10:48 | | 0 commentaire(s)|


En faisant certainement ce qu’elle devait faire et en insistant sur le plaidoyer d’un retour du Maroc au sein de l’Union africaine et l’intervention militaire de la Cedeao pour enrayer la menace Yaya Jammeh, la diplomatie sénégalaise aura grillé la candidature crédible de Abdoulaye Bathily au profit du Tchadien Moussa Faki Mahamat au faîte de la présidence de la commission de l’UA. Qui gagne, perd.
 

A parcourir une chronique de Seidik Abba dans les colonnes de Le Monde Afrique, on perçoit, avec plus de netteté que la diplomatie sénégalaise, sans le vouloir, a plombé la candidature d’Abdoulaye Bathily à la présidence de la commission de l’UA. Dans cette réflexion, il y est noté comme raisons de la victoire du Tchadien d’une part « l’éclatement du vote des blocs régionaux » et « les dividendes de l’engagement anti-terroriste » et d’autre part le « vote anti-Sénégal ». Et c’est ce dernier point qui intéresse Leral.net. Pourquoi il y a eu un vote anti-sénégalais ? Que reproche-t-on à la diplomatie sénégalaise pourtant vantée jusqu’aux Nations-Unies ?
 
Explicitement, le Pr Abdoulaye Bathily, avec son parcours honorable, n’a pas été rejeté intuitif personae, mais, il a plutôt été au centre d’une guerre de leadership continental dans un axe compliqué et géostratégique Sénégal-Maroc-Algérie-Guinée-Tchad-Mauritanie qui a fini par lui porter un coup de Jarnac fatal.
 
C’est un coup à la loyale qui a coupé net les jarrets de la candidature d’Abdoulaye Bathily, qui pourtant, avait sa chance au vu de l’importance du poids diplomatique sénégalais. Illusion optique ou complexe de supériorité ? Allez savoir. Mais, c’est ce qui donne un peu plus de sens au constat de Mohamed Ly. Cet analyste, président du Think tank Ipode (Innovations Politiques et Démocratiques) estime que « la diplomatie sénégalaise est satisfaisante sur la défense de certains idéaux dans les instances internationales, mais, elle piétine un peu dans la diplomatie de proximité avec les voisins proches et les moins proches. » Accréditant l'idée que le Sénégal est un pays à diplomatie " Samba aalar"! 

Et dans les faits, la réussite électorale de Moussa Faki Mahamat n’a pas été la résultante du « fort rejet » d’Abdoulaye Bathily, mais plutôt de « l’action diplomatique de son pays, le Sénégal ».
 
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En effet, les relations heurtées latentes sur un air de coexistence pacifique entre le Sénégal et certains pays de la sous-région ont profité au ministre tchadien des Affaires étrangères sur le plan des votes.
 
Dans cette grille de lecture, on analyse deux points d’orgue à savoir le retour du Maroc au sein de l’UA quelques mois après que Mohammed Vi s’est déplacé en novembre dernier au Sénégal pour proclamer sa fameuse ligne verte, lors d’une visite d’Etat à Dakar.
 
Dans ce même ordre d’idées, « l’Angola, l’Ouganda et le Zimbabwe, qui ne souhaitaient pas le retour du Maroc au sein de l’UA, ont fortement soutenu la candidature de Moussa Faki Mahamat. "Ces pays ne voulaient pas donc qu’Abdoulaye Bathily traduise en actes les « exigences » du Maroc, super grande puissance royale et continentale". 

« Car, pour eux, le candidat sénégalais ferait le jeu du Maroc une fois élu à la présidence de la Commission ».
 
Mais pas que, parce qu'à tort ou à raison, il se dit du président Sall qu'il était trop prompt à s'éxécuter facedevant les "suggestions amicales" de ses amis français en particulier et occidentaux, en général.  

Sa présence à une marche "je suis Charlie" en France alors qu'à plusieurs endroits du continent, les attentats faisaient victimes sur victimes, il avait brillé par son absence tant physique que diplomatique n'est pas pour arranger cette perception.

Et pour ne rien arranger, en dépit de la nécessité pour nos dirigeants de travailler à créer des Etats de droit, le Président a encore fait fi des réticences de ses prédécesseurs dans l'affaire Hissène Habré en acceptant de le juger au Sénégal au grand bonheur de son "ami", Idriss Deby Itno.
 

 Il ne faut pas aussi occulter d’autre part, les tenants et les aboutissants de la crise gambienne où l'ombre de l'affaire Hissène Habré n'a pas manqué de hanter maints pensées. Ces tensions ont été manifestes lors de la crise post-électorale en Gambie. « Alors que Macky Sall poussait pour le déclenchement d’une opération militaire afin de sortir Yahya Jammeh du palais présidentiel, le guinéen Alpha Condé a jusqu’au bout privilégié la voie diplomatique en vue d’obtenir une résolution pacifique de la crise. »
 

Le dénouement de la crise gambienne affirmée avec le leadership d’Alpha Condé aidé dans son boulot par le président Mouhamed Ben Adel Aziz a aussi montré au grand jour des divergences de points de vue et d’alliances. Le président mauritanien s’est coalisé avec Alpha Condé pour faire plier Yaya Jammeh, alors que la Cedeao était sur le pied de guerre.
 
Par ailleurs, cela conforte les crises latentes entre le Maroc, partenaire du Sénégal et la Mauritanie et l’Algérie avec notamment le conflit historique du Sahara occidental,
 
D’après le « Monde diplomatique », le conflit du Sahara occidental, territoire situé entre le Maroc, l’Algérie au nord-est et la Mauritanie à l’est et au sud, oppose cette ancienne colonie espagnole au Maroc depuis que le Front Polisario l’a déclarée indépendante en 1976 sous le nom de République arabe sahraouie démocratique (RASD), avec le soutien de l’Algérie. Les forces marocaines et algériennes s’y affrontent entre fin 1975 et 1976, faisant des dizaines de milliers de réfugiés en Algérie ».
 
La guerre d’embuscade avec le Front Polisario a finalement pris fin en 1991. Le Maroc contrôle et administre environ 80 % du territoire, tandis que le Front Polisario en contrôle 20 % laissé par le Maroc derrière une longue ceinture de sécurité, le « mur marocain ». Le statut final du Sahara occidental, qui figure toujours sur la liste des « territoires non autonomes » de l’ONU, reste à déterminer.
 
C’est pourquoi le Maroc n’est pas toujours en odeur de sainteté en lAlgérie. Le royaume chérifien et la Mauritanie étaient aussi entrés dans une éruption diplomatique. En effet, lors d’un meeting de son parti, le samedi 24 décembre dernier, Hamid Chabat a, de fait, déclaré que « la Mauritanie était une terre marocaine et que les enclaves du Maroc s’étendaient de Sebta [Ceuta, ndlr] au fleuve Sénégal ». 
 
Cela avait créé un tollé diplomatique sans précédent avant des excuses publiques pour une paix des braves de façade qui n’a pas visiblement facilité les choses.

Sans compter qu'au plus fort de la crise entre le Sénégal et la Mauritanie en 1989, le Maroc affirmait que la Mauritanie était un pays "voisin" tandis que le Sénégal était, lui, un pays "ami". Une coup de canif à l'unité du Maghreb arabe ?
 
Tous ces facteurs d’alliance et de géostratégie ont fait que Moussa Faki Mahamat avec 39 voix, a doublé Bathily et Cie en étant élu président de la Commission de l’UA pour les quatre ans prochains. Au jeu de " si tu n'es pas mon ami, tu es mon ennemi", le Sénégal par ses prises de position diversement appréciées sur le continent, a essuyé un fort tir de barrage contre ses choix de politique étrangère.

Que le candidat Abdoulaye se rassure ! Ce "procès" n'est pas le sien et il s'est dit tantôt que le poste de président de la Commission ne devrait plus être une affaire de blocs géographiques, d'alliances et ou de force de frappe diplomatique mais plutôt de programme avec des actions concrètes au service d''une vision pour le développement du continent.
 
Massène DIOP Leral.net