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Demande de "Ngalakh" avec humour sur la toile: Une communion au-dessus de la diversité religieuse

Cette veille de Pâques a remis sur la toile les publications de Sénégalais sur le ngalakh distribué aux musulmans, le vendredi saint qui précède la fête. A cause de la covid-19, ce moment de communion n’a pas eu lieu l’année dernière, d’où les posts aux allures comiques demandant à ce qu’une pareille privation ne se reproduise plus. Pour les personnes interrogées, cette requête semblable à une obligation des catholiques, ne fait que souder les liens qui existent déjà entre les deux communautés.


Rédigé par leral.net le Mercredi 31 Mars 2021 à 14:37 | | 0 commentaire(s)|

Demande de "Ngalakh" avec humour sur la toile: Une communion au-dessus de la diversité religieuse
Ngalakh, un mets fait à base de mil, de la pâte d’arachide, de pain de singe et parfois accompagné d’autres aromes, revêt un caractère unificateur. Il est distribué par les Catholiques, le vendredi saint de la fête pascale. La préparation du ngalakh est un moment où la communauté musulmane rejoint les catholiques, pour leur donner un coup de main. La suite est connue, un partage sans distinction d’obédience religieuse. Pour cette année, le ngalakh est une requête ardente qui frôle une exigence, un dû. Cependant, tout est fait avec un brin d’humour.

En effet, des Sénégalais souhaitent que cette tradition, mise en veilleuse l’année dernière à cause des restrictions liées à la covid-19, soit perpétuée. Et ils s’y prêtent d’une manière comique. Sur les réseaux sociaux, des Sénégalais rivalisent d’ingéniosité pour sonner le rappel à la communauté catholique, qui a entamé sa dernière manche du carême. Au clin d’œil à des amis catholiques sur les statuts WhatsApp aux vidéos comiques sur Tik Tok, des posts sur Instagram ou Facebook, tout y est. Un poème inspiré de celui de Birago Diop, «Afrique mon Afrique» est rédigé dans ce sens. Il y a aussi une vidéo de l’artiste Marie "Ndiago", qui dans une logique de réponse à la forte demande, indique que de la bière sera versée dans le ngalakh, de sorte qu’aucun musulman ne pourra en consommer. Les exemples se comptent à la pelle.

A l’instar de ce Ndiago qui reproche à un musulman dans une vidéo qui circule sur la toile, une affinité excessive qui n’est mue que par le ngalakh ou encore ces images qui rappellent l’intrigue d’un film avec comme message final, « aurons-nous nos ngalakh ?».

Pour l’artiste et humoriste Mame Balla Mbow, c’est une bonne chose. «Ça ne fait que renforcer le dialogue islamo-chrétien. Déjà avec les évènements qui ont eu lieu récemment, cette attitude des musulmans ne fait que solidifier les relations de bon voisinage qui fondent le pays», soutient-il. L’artiste va plus loin, «je trouve même qu’il ne suffit pas de demander à ce que la distribution du ngalakh ait lieu cette année mais, il faut un rappel. L’année passée les musulmans ont été sevrés du ngalakh donc, il faut que les catholiques nous le rétribuent doublement», soutient-il au bout du fil. Le sociologue Abdou Khadre Sanogo partage l’unité que fait naitre la pratique. «Ça atteste la bonne santé du dialogue interculturel et religieux», dit-il.

Pour lui, «au-delà des appartenances familiales, il y a une sorte de cousinage à plaisanterie qui commence à émerger dans les rapports entre chrétiens et musulmans, lequel cousinage a fini d’installer un rapport spécifique entre ces deux communautés». Le partage du ngalakh est bien plus qu’un symbolisme mais, un communion autour de ce phénomène social, souligne-t-il.

Audelà du simple fait qu’il soit une sorte de mets fait de granulés, de pâte d’arachide et de pain de singe, le symbolisme est beaucoup plus puissant selon lui. «Le fait de mettre sur papier toutes les familles respectives qui doivent en recevoir, contribuent davantage à raffermir les liens entre Sénégalais», analyse le sociologue.

Ce rituel de partage comme à l’occasion des fêtes musulmanes, donne au Sénégal une spécificité qui lui est propre, poursuit-il. «Il y a une manière particulière de célébrer Pâques, qui est sénégalaise et que la spécificité, c’est d’en demander à des personnes qui ne partagent pas la même religion mais qui sont enclines à se sacrifier et même programmer des familles musulmanes, afin qu’elles puissent venir partager ces moments de communion comme c’est aussi le cas lors de la Tabaski et la Korité». Ça matérialise deux concepts, conclut-il «la sensibilité interculturelle des musulmans et des chrétiens et leur inter compétence». Ce qui débouche à son avis, sur un dialogue interreligieux extrêmement puissant.

ABBE ROGER GOMIS, ARCHIDIOCESE DE DAKAR : «Une excellente chose à promouvoir»

Il permet de renforcer les liens d’amitié entre chrétiens et musulmans. On parle beaucoup du ngalakh dans le cadre du dialogue islamo-chrétien. C’est une bonne chose que les gens fraternisent. Ces publications sur fond d’humour sont la bienvenue. Ça permet aux deux communautés de fraterniser. Le ngalakh sert de cadre de concertation, de dialogue islamo-chrétien. Ce n’est pas une pression qui est mise sur les chrétiens mais, ça montre l’attachement qu’il y a entre les deux communautés. J’ai vu des publications où j’ai été agréablement surpris. Elles vantent les mérites des catholiques, en saluant les qualités que l’on rencontre chez eux comme l’ouverture, la gentillesse, la disponibilité et la courtoisie. C’est une excellente chose qu’il faut promouvoir. En tant que prêtre, je trouve que c’est une bonne chose qu’on devrait continuer à promouvoir. J’ai même vu des musulmans qui ont fait des posters au nom de leurs amis chrétiens ; ce qui est une excellente chose à saluer et à mettre en valeur. Le ngalakh n’est pas une pratique religieuse, mais culturelle. C’est dans les pratiques culinaires du pays. Les chrétiens l’ont adopté parce que ça leur permet d’aller au plus vite, se libérer pour aller dans les différentes cérémonies de la Semaine sainte.






Sud Quotidien

Ndèye Fatou Kébé