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Dépigmentation: Au-delà d’une simple interdiction de la publicité


Rédigé par leral.net le Mardi 7 Janvier 2020 à 21:47 | | 0 commentaire(s)|

Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue Innocent Laïson, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentants. Ce combat exige une sincère réconciliation avec soi. Collectivement, il nécessite de la part du sociologue, une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine.

La mise en demeure adressée par le Conseil national de régularisation de l’audiovisuel (CNRA) à plusieurs organes de presse pour diffusion de produits dépigmentants et la sanction appliquée à Sen TV par l’arrêt de ses programmes pour sept jours (du 31 décembre 2019 au 6 janvier 2020), remettent au goût du jour, selon le sociologue Innocent Laïson, la question fondamentale de notre rapport au Noir. Car « il s’agit bien d’interroger les motivations profondes des hommes et des femmes noires à se dépigmenter ». A quoi répond cette tendance à s’éclaircir la peau ?

Notre source convoque d’emblée Frantz Fanon qui, en 1952 dans "Peau noire, masques blancs", au chapitre 3 consacré à "L’homme de couleur et la Blanche", avançait ceci : « De la partie la plus noire de mon âme, à travers la zone hachurée me monte ce désir d’être tout à coup blanc. Je ne veux pas être reconnu comme Noir, mais comme Blanc. ». Pour soigner ce trouble de la personnalité, le Noir part à la conquête de la Blanche. Et Fanon de dire : « Son amour m’ouvre l’illustre couloir qui mène à la prégnance totale… J’épouse la culture blanche, la beauté blanche, la blancheur blanche. Dans ces seins blancs que mes mains ubiquitaires caressent, c’est la civilisation et la dignité blanches que je fais miennes. »
On en est encore à ce stade, se désole le sociologue. Qui soutient que le traumatisme vécu pendant les siècles d’esclave et les années de colonisation a pour séquelles chez le Noir, un déni de soi-même, un sentiment d’infériorité face au Blanc.

« La dépigmentation cosmétique est considérée comme une mue (renouvellement du plumage) et procède d’une thérapie qui apaise ce trouble de la personnalité » poursuit-il. Comme la fille noire du « test de la poupée » du couple de psychologues américains Kenneth et Mamie Clark, « nous attribuons sans hésitation la sagesse, la gentillesse, l’intelligence et la supériorité dans tous les domaines à la poupée pâle et refusons obstinément de ressembler à la poupée brune ». Il faut à tout prix se débarrasser de cette couleur qui fait tache…sombre.

« On se souvient des joueurs de l’équipe du Zaïre qui s’étaient dépigmentés pour ‘’exprimer leur égalité’’ aux autres joueurs européens participant à la Coupe du monde de 1974. Aujourd’hui, il est courant de voir des enfants que les parents dépigmentent, à leur insu, prétextant leur ‘’offrir plus d’opportunités dans la vie, en améliorant leur paraître », explique de diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint Louis. Malgré les complications médicales connues et les coûts économiques onéreux qui en découlent, la dépigmentation est encouragée, selon lui, par le diktat des canaux de beauté dits modernes occidentaux.

La beauté est blanche. Et nous l’acceptons intérieurement. Et de s’interroger : « Combien sommes-nous à exhiber avec fierté notre compagne ou compagnon à peau blanche ou claire, voire xessalisée ? » Bien nombreux. Ainsi, abstraction faite de quelques résistants, principalement idéalistes, prônant une certaine authenticité africaine par la préservation de la peau noire, « un bon nombre a déjà fini de conquérir sa peau blanche ». Combattre le phénomène de la dépigmentation dans les communautés noires appelle, de l’avis du sociologue, à aller au-delà d’une simple interdiction de la publicité des produits dépigmentants.

« Ce combat exige, individuellement, une profonde introspection et une sincère réconciliation avec soi ; collectivement, une repensée et une rééducation portant sur les normes et valeurs symbolisant la beauté noire africaine ».





LE TEMOIN

Ousmane Wade