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«Devenue plus forte, la Russie peut assumer la responsabilité du développement mondial », S. E. Dmitry Kourakov Ambassadeur Russe au Sénégal

Dans cette Interview Exclusive accordée à Dakartimes, toutes les questions d’actualité ont été abordées par le diplomate de la Russie Monsieur DmitryKourakov. Il a été sans détours durant notre entretien…Dans cette première partie, il se prononce sur la Coopération mondiale et ses enjeux


Rédigé par leral.net le Vendredi 7 Mai 2021 à 14:21 | | 0 commentaire(s)|

«Devenue plus forte, la Russie peut assumer la responsabilité du développement mondial », S. E. Dmitry  Kourakov Ambassadeur Russe au Sénégal
DAKARTIMES : Bonjour Votre Excellence, pouvez-Vous revenir sur le symbolique de la fête « Jour de la Victoire » en Russie? C'est quoi le sens sur le plan politique et histoire?

DMITRY KOURAKOV : Le 9 mai –le « Jour de la Victoire » de l'Union Soviétique dans la Grande Guerre Patriotique est une date particulière pour les citoyens de la Russie. Depuis le mois demai 1945, voilà que 76 ans se sont écoulés, au cours desquels plusieurs générations ont grandi. La carte politique du monde a changé. Il n'y a plus d'Union Soviétique qui ait remporté une victoire grandiose et écrasante sur le nazisme et qui ait réellement sauvé le monde entier. Cependant, jusqu'à présent, nous chérissons la mémoire des 27 millions de morts. Un tel prix n'a jamais été payé par aucun État dans toute l'histoire de l'humanité.

Cette guerre a été un coup terrible pour le peuple soviétique. L'agression allemande contre notre pays a été la plus brutale et la plus impitoyable. Hitler a cherché non seulement à briser notre volonté, non seulement à dominer la Russie et les autres républiques soviétiques qui faisaient partie de l'URSS, mais aussi à exterminer physiquement la quasi-totalité de leur population. Il incombait à nos ancêtres non seulement de défendre leur propre pays, mais aussi d'apporter une contribution décisive à la défaite du nazisme, à la libération du monde entier de l'esclavage fasciste.

La Seconde Guerre Mondiale est devenue la plus grande tragédie du XX-ème siècle, qui a coûté la vie à des dizaines de millions de personnes. La plus grande catastrophe humanitaire de l'histoire de l’humanité a été le résultat des aspirations agressives de ceux qui étaient convaincus de leur supériorité raciale, de leur exclusivité et de leur droit de décider,eux-mêmes, du sort des autres pays et peuples.

«La Victoire a créé le fondement de l'ordre mondial d'après-guerre sur le pilier de la sécurité collective et de la coopération interétatique, a ouvert la voie à la création de l'ONU. Voilà la réalité ».

Dans la vision des citoyens de la Russie, le «Jour de la Victoire» a embrassé tout: la fierté d'avoir défendu l'honneur et l'indépendance de notre Patrie, d’avoir protégé l'humanité de la menace la plus terrible qui ait jamais existé. Le sentiment d’un hommage et du plus profond respect pour ceux qui, avec leur courage et leur bravoure désintéressée, ont triomphé le fascisme. Le sentiment du deuil pour ceux qui sont tombés sur les champs de bataille pour défendre la Patrie. Il n'y a pratiquement pas de famille en Russie qui n'aurait pas perdu un de ses proches sur les champs de bataille de la Seconde Guerre Mondiale.

La Victoire a créé le fondement de l'ordre mondial d'après-guerre sur le pilier de la sécurité collective et de la coopération interétatique, a ouvert la voie à la création de l'ONU. Voilà la réalité.

Notre tâche aujourd'hui est de préserver la mémoire de l'exploit du peuple soviétique qui, avec son unité et sa solidarité, son travail acharné et son dévouement, son incroyable amour pour la Patrie, nous a procuré la paix, la liberté et l'indépendance. «Le Jour de la Victoire»est la fête qui unit toutes les générations. Nous nous souvenons de notre histoire et nous en sommes fiers.

Pourquoi le Peuple russe tient à célébrer cette journée du 9 Mai chaque année?
Comme Vous le savez, en Europe, aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux, le «Jour de la Victoire » en Europe (the V-E Day) est fêté le 8 mai. Cela est dû au décalage horaire. Le fait est que l'acte de capitulation de Berlin a été signé tard dans la soirée du 8 mai, alors qu’à Moscou c’était déjà le 9 mai. Dans certains pays qui se sont formés sur le territoirede l'ex-URSS, ainsi que là où vivent de nombreux immigrants de l'Union Soviétique, on célèbre la fête en honneur de la fin de la Seconde Guerre Mondialeau cours de deux jours – les 8 et 9 mai: le 8 mai est prévu pour les activités officielles, et le 9 mai est réservé pour ceux qui chérissent la mémoire de la célébration de cette journée en URSS.

« Il est triste que même en Russie, il y ait des personnes qui ont repris les mythes répandus par ceux qui souhaitent oublier ces faits et qui croient que le moment est venu d'abandonner la célébration solennelle du «Jour de la Victoire».

Au Sénégal, comment comptez-Vous la célébrer?
Traditionnellement, nous célébrons cette fête au Musée des Forces Armées du Sénégal, et l'Ambassade organise une réception officielle. Cependant, les restrictions de Covid-19 ne permettent pas d'organiser des événements de masse, donc cette fois nous sommes obligés de nous limiter au format en ligne. L'Ambassade a installédans ces locaux une exposition consacrée aux anciens combattants et vétérans – parents de nos employés. En plus, des excursions virtuelles au principal musée d'histoire militaire de Russie – le Musée de la Victoire sur PoklonnayaGora à Moscou,seront organisés pour les élèves de l'école à l'Ambassade et des compatriotes.


« Nos détracteurs cherchent à diminuer le rôle de l'Union Soviétique dans la Seconde Guerre Mondiale et à la dépeindre sinon comme le principal coupable de la guerre, du moins comme un agresseur, aux côtés de l'Allemagne nazie, et répandre les thèses sur «l'égalité de responsabilité».

La Russie n'est-elle pas en train d'apprendre au reste du monde, le sens des valeurs historiques de son peuple ?

Malheureusement, la mémoire de la Victoire n'est pas sacrée pour tout le monde. Il est triste que même en Russie, il y ait des personnes qui ont repris les mythes répandus par ceux qui souhaitent oublier ces faits et qui croient que le moment est venu d'abandonner la célébration solennelle du «Jour de la Victoire». Plus le temps passe, plus on doit souvent faire face à l'inconscience historique.

Aussi amer qu'il soit de témoigner, nous voyons les tentatives de discréditer les héros, de générer artificiellement des doutes sur l'exactitude du chemin emprunté par nos ancêtres. Tant à l'étranger que dans notre pays, nous entendons parfois dire que la conscience publique en Russie est militarisée, et les défilés et processions du «Jour de la Victoire » n’ont pour but que d'imposer des sentiments belliqueux et militaristes au niveau de l'Etat. Ce faisant, la Russie rejetterait l’humanisme et les valeurs du monde «civilisé».

Nos détracteurs cherchent à diminuer le rôle de l'Union Soviétique dans la Seconde Guerre Mondiale et à la dépeindre sinon comme le principal coupable de la guerre, du moins comme un agresseur, aux côtés de l'Allemagne nazie, et répandre les thèses sur «l'égalité de responsabilité». Ils assimilent cyniquement l’occupation nazie, qui a coûté la vie à des dizaines de millions de personnes, et les crimes commis par les collaborateurs à la mission de libération de l’Armée Rouge. Des monuments sont érigés en l'honneur des complices des nazis. Dans le même temps, les monuments aux soldats libérateurs et les tombes des soldats tués aux combats sont profanés et détruits dans certains pays.

Cependant, de fausses interprétations de l'histoire sont introduites dans le système éducatif occidental avec des mystifications et des théories pseudo-historiques conçues pour minimiser l'exploit de nos ancêtres. On dit aux jeunes que le principal mérite de la Victoire sur le nazisme et de la libération de l'Europe ne revient pas aux troupes soviétiques, mais à l'Occident, en raison du débarquement en Normandie, qui a eu lieu moins d'un an avant la défaite du nazisme, au moment oùl'Armée soviétique libérait déjà la Biélorussie, atteignant en fait les frontières de l'Union Soviétique.

Nous tenons pour sacrée la contribution de tous les Alliés à la victoire commune dans cette guerre, et nous pensons que toute tentative de creuser un fossé entre nous est honteuse. Mais peu importe la volonté des falsificateurs de l'histoire, l’essentiel est que, le feu de la vérité ne peut pas être éteint. Ce sont les peuples de l'Union Soviétique qui ont brisé la colonne vertébrale du Troisième Reich. Voilà la réalité.

Aujourd'hui, déformant le passé, les politiciens et propagandistes occidentaux veulent faire douter le public de la nature juste de l'ordre mondial qui a été approuvé dans la Charte des Nations Unies après la Seconde Guerre Mondiale.Ils ont adopté une politique visant à saper le système juridique international existant et à le remplacer par un certain «ordre fondé sur des règles».Ils veulent créer cet ordre basé sur le principe : «celui qui est le plus fort a raison» et selon la «loi de la jungle».

Pour les diplomates et les politiciens, le 9 mai est également une bonne occasion de rappeler que les Alliés se sont dénommés les Nations Unies en 1945. Ils se sont tenus côte à côte pendant la guerre. La prise de conscience de la menace commune face à l'idéologie inhumaine du national-socialisme a aidé les États dotés de différents modèles politiques et socio-économiques à surmonter les différences. La conviction que la défaite de l'Allemagne nazie marquera le triomphe de la justice et la victoire de la lumière sur les ténèbres était le facteur unificateur.

Après la guerre, les Alliés ont construit une nouvelle architecture des relations internationales basée sur l'idéal d'une coopération égale entre États souverains. La création de l'ONU était censée garantir que le triste sort de son prédécesseur, la Société des Nations, ne se reproduira plus.

Mais l'histoire a tendance à se répéter. C’est pourquoi la communauté internationale n’a pas le droit d’oublier les leçons de la Seconde Guerre Mondiale. L'une des plus importantes d'entre elles est qu'on ne peut pas flirter avec le mal absolu, dont l'incarnation est toute idéologie, tout mouvement politique basé sur le racisme, la haine et le culte de la violence. Il ne faut pas avoir l'illusion qu’on peut utiliser ce genre de pouvoir à ses propres avantages.


«Pour les diplomates et les politiciens, le 9 mai est également une bonne occasion de rappeler que les Alliés se sont dénommés les Nations Unies en 1945 ».


Récemment, le Président russe Vladimir Poutine a comparé le comportement des personnages du « Livre de la jungle » de Rudyard Kipling avec les démarches hostiles d'autres Etats envers la Russie, décrivant ce comportement comme un "nouveau sport" où les pays s'affrontent, "qui dira quelque chose de plus fort".A Votre avis, comment expliquer cette frivolité des rivaux de la Russie?

Bien sûr, le monde est conduit par la concurrence, y compris entre les grandes puissances et, à mon avis, les relations complexes actuelles entre l'Occident et la Russie sont largement déterminées par le poids économique croissant et le rôle plus actif de notre pays dans l'économie mondiale.

Je pense, que le problème le plus important dans les relations entre la Russie et l'Occident réside dans les visions radicalement différentes des parties sur elles-mêmes et les unes sur les autres. La Russie est une puissance renaissante, tandis que l'Occident voudrait la voir comme un pays en affaiblissement, dans le sillage de sa politique et en étant son réserve des matières premières.

Cependant, la Russie est devenue plus forte et peut assumer la responsabilité du développement mondial et jouer son rôle dans les relations internationales. Il est tout à fait évident que le développement de la Russie en tant qu’un État souverain fort n’est pas dans les intérêts de nos rivaux. De plus, l'idée même que notre pays peut prendre sa place appropriée dans le monde est inacceptable pour les États-Unis et leurs alliés. C'est avec cela que l'hystérie est liée, et il n'y a pas d'autre moyen de définir les déclarations qui résonnent presque tous les jours.


«De plus, l'idée même que notre pays peut prendre sa place appropriée dans le monde est inacceptable pour les États-Unis et leurs alliés ».

Comment se porte l'économie russe?

Le 17 décembre 2020, lors d'une grande conférence de presse, le Président russe Vladimir Poutine a noté que dans le contexte de la pandémie de coronavirus, la récession économique en Russie était de 3,6% et s'est avérée inférieure à celle des États-Unis et de l’UE. On a pu soutenir les industries les plus touchées par la pandémie grâce à des mesures d'aide financière aux entreprises et à la population. Il s’agit de l'octroi des congés de crédit, des subventions et des prêts préférentiels aux entreprises, du report et des exonérations fiscales pour les entreprises et les entrepreneurs, ainsi que des paiements directs aux familles avec des enfants mineurs. En général, 4,5% du PIB du pays (6,12 milliards USD) ont été alloués au soutien des citoyens, de l'industrie et à la lutte contre la pandémie.

Dans le même temps, il faut admettre que la Russie n'a pas réussi à éviter l'aggravation de certains problèmes sociaux: le chômage est passé de 4,7% à 6,3%, la pauvreté a légèrement augmenté –pendant 2000–2017 la Russie a réussi à réduire la part des citoyens pauvres de 29% à 12,3%, mais en 2020 cette indice a atteint 13,5%.

Fin septembre 2020, le gouvernement russe a approuvé un plan national de relance économique. Le projet contient environ 500 initiatives, et le coût de sa mise en œuvre peut s'élever à environ 66,55 milliards USD. Dans son cadre il est prévu de ramener le taux de chômage en dessous de 5% et d'assurer une croissance des revenus réels des citoyens de 2,5% par an.

Au cours de la pandémie, la Banque de Russie a continué à réduire le taux directeur en 2020 et l'a baissé de 6,25% à 4,25% par an. L'indicateur est devenu le plus bas de toute la période post-soviétique. La réduction du taux de la Banque Centrale à un niveau record est une manœuvre très importante. Elle a aidé à la fois les entreprises et la population. L'argent est devenu moins cher et, naturellement, les particuliers et les entreprises ont commencé à prendre les fonds disponibles et à les utiliser pour des investissements, pour l'innovation et pour accroître leur bien-être. Tout cela, avec l'aide de l'État, a contribué à atténuer les dégâts causés à l'économie.

«Il est prévu de ramener le taux de chômage en dessous de 5% et d'assurer une croissance des revenus réels des citoyens de 2,5% par an ».


La pandémie de coronavirus a accéléré la numérisation de l'économie. Dans le contexte des restrictions liées au Covid-19en Russie, la part du commerce en ligne et des paiements électroniqueont considérablement augmenté. En outre, le secteur de la santé a reçu une impulsion notable de développement.

Selon des estimations d'experts, à cause de la pandémie et des lock-downspartout dans le monde, le secteur des services, ainsi que les petites et moyennes entreprises (PME), ont été les plus gravement touchés. En même temps, par rapport aux pays occidentaux où la part des PME dans l'économie dépasse souvent 60%, l'impact du coronavirus en Russie s'est prononcé plus faible car les PMEn’y font que les 22% de l’économie.

Pendant la pandémie, la faible dette publique et un niveau élevé des réserves étaient les principaux facteurs de stabilité macroéconomique en Russie. La poursuite de la reprise économique dépendra du rythme des vaccinations, du moment de la fin de la pandémie et de la levée d'un certain nombre de restrictions. La Russie espère qu'en 2021, la situation avec le Covid-19 changera pour le mieux.


«Aujourd’hui la Crimée est devenue l'une des régions russes les plus dynamiques. Même la pression des sanctions n’a pas pu l’empêcher. »

Avez-Vous le sentiment que les adversaires de Moscou craignent une alliance stratégique internationale entre la Russie et la Chine ?
Les documents signés par les dirigeants de la Russie et de la Chine soulignent toujours que l’interaction stratégique bilatérale et le partenariat multiforme n’existent pas contre qui que ce soit, mais exclusivement dans l’intérêt de nos peuples et de nos pays. Nous recherchons un équilibre des intérêts, nous avons de nombreux domaines où il a été trouvé et est mis en œuvre pour le bénéfice de nous tous.

Moscou et Pékin prônent la construction des relations interétatiques sur les principes de respect mutuel et de prise en compte des intérêts réciproques, de justice, de non-ingérence dans les affaires intérieures. Nous rejetons les jeux géopolitiques à somme nulle, les sanctions unilatérales illégitimes auxquelles recourent de plus en plus souvent nos collègues occidentaux.


«Pour la Russie, la Chine est un véritable partenaire stratégique et un vrai ami. Nos relations économiques se renforcent de jour en jour. »



Pour la Russie, la Chine est un véritable partenaire stratégique et un vrai ami. Nos relations économiques se renforcent de jour en jour. La coopération russo-chinoise en politique étrangère demeure un facteur de stabilisationde la situation globale et régionale. La Russie part du principe que notre dialogue de confiance et de respect mutuel avec la Chine doit servir d'exemple à d'autres pays, y compris à ceux qui tentent de construire des relations avec la Russie et la Chine sur des principes quelque peu différents, pas entièrement égaux.

Cela n'est pas acceptable pour nous ou nos amis chinois. La Russie et la Chine continueront à construire leur politique étrangère coordonnée de manière créatrice, constructive, flexible, en faisant toujours preuve d'une volonté de compromis, mais uniquement sur la base du respect mutuel, en recherchant un équilibre des intérêts et, bien sûr, dans l'intérêt d'élargissement de la coopération économique mutuellement avantageuse.


«Les grandes entreprises russes souhaitent participer à des projets d'infrastructure, au secteur énergétique et à l'agriculture du Sénégal ».