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Drame de Melilla : l'ambassadeur du Maroc blanchit largement leur royaume et partage la responsabilité

Le drame des migrants à Melilla continue de soulever des vagues et de frapper les attentions. Dans le sillage des autorités de son pays, l’ambassadeur du Maroc au Sénégal s’exprime sur cette tragédie. Dans cet entretien, Hassan Naciri blanchit les Forces de l’ordre marocaines en revenant sur les faits et décrit la situation des migrants au Maroc. Extraits d’une interview accordée au journal « Le Quotidien ».


Rédigé par leral.net le Vendredi 1 Juillet 2022 à 17:40 | | 0 commentaire(s)|

Drame de Melilla : l'ambassadeur du Maroc blanchit largement leur royaume et partage la responsabilité
Excellence, le drame des migrants à la frontière maroco-espagnole a ému l’opinion. Et chacun y est allé de son commentaire et de sa prise de position. Comment réagissez-vous à la suite de ce drame et de ce qui s’en est suivi ?

Avant toute chose, je voudrais en premier lieu présenter mes condoléances les plus attristées et mes sentiments de solidarité les plus sincères aux familles et proches de toutes les victimes, et mes vœux les plus sincères de rétablissement pour ceux qui ont été blessés. Je tiens à vous assurer que pour le Maroc et pour moi-même, toute mort est une mort de trop et tout blessé est un blessé de trop.

Le drame auquel nous avons tous assisté et qui nous a tous émus au plus profond de nous-mêmes, nous questionne, tous autant que nous sommes, et pas uniquement une seule partie. Il est facile de pointer du doigt, à tort et à travers, telle ou telle partie, mais est-ce la solution ?

Nous avons assisté et nous assistons depuis des dizaines d’années à des drames tout aussi douloureux les uns que les autres : attaques mortelles contre des migrants, morts en masse dans des camions frigorifiques, embarcations de fortune qui chavirent soit dans l’Atlantique soit en Méditerranée, à tel point que cette dernière est considérée comme le cimetière pour les candidats au passage en Europe. Tout ceci nous interpelle et interpelle l’humanité dans son ensemble.

Pour revenir à ce qui s’est passé dans la ville de Nador, au point de passage vers la ville de Melilla, les images qui ont circulé et qui circulent sur les réseaux sociaux, sont loin de refléter la réalité des faits et le déroulé des événements comme je vais vous le relater…

On a fait état de mort d’hommes, de meurtres dans le drame de l’émigration, qui s’est déroulé à la frontière entre la Maroc et l’Espagne, que les autorités de votre pays ont rejetés. Qu’est-ce qui vous fonde à soutenir le contraire de ce que les gens décrivent ou décrient comme situation dramatique ?

Le jour ayant précédé cet événement tragique, les autorités marocaines ont commencé une opération de ratissage des montagnes et forêts avoisinantes de Nador, où des milliers et des milliers de migrants subsahariens ont élu demeure et préparant l’un des multiples assauts dont ils sont coutumiers contre les postes-frontières.

Durant cette opération de ratissage, qui a pour objectif de mettre ces migrants dans les centres d’accueil en attendant de statuer sur leur situation, soit en les rapatriant vers leurs pays d’origine, soit en régularisant leur situation de séjour au Royaume, les migrants ont engagé de véritables batailles rangées contre les Forces de l’ordre à force de jets de pierres, car ils n’ont qu’un seul et unique objectif, passer de l’autre côté, vers cet eldorado rêvé qu’est l’Europe.

Sachant pertinemment que leur séjour – et quel séjour et dans quelles conditions – dans les montagnes et bois avoisinants de Nador, était désormais compromis, un certain nombre de migrants (environ 2000) ont décidé de tenter le tout pour le tout et de forcer le passage vers Melilla quoi qu’il en coûte.

Des vidéos montrent ailleurs une foule de migrants dans une sorte de réunion, où un meneur les invectivait et les mobilisait pour l’assaut.

D’autres vidéos montrent également le jour fatidique, leur marche à travers les rues de Nador menant au passage frontalier, armés de barres de fer, de bâtons, de pierres et parfois, d’armes blanches et prêts à en découdre avec quiconque s’opposerait à eux.

A suivre vos explications, les Forces de l’ordre ne sont pas à la base des pertes en vies humaines. Comment ont-elles alors agi au cours des douloureux évènements ?

Cette violence et cet acharnement sont également clairement visibles dans des vidéos montrant ces désespérés escaladant les clôtures jusqu’à rupture de celles-ci et leur chute qui a été fatale pour nombre d’entre eux.

Une autre partie de cette foule de migrants s’est, de son côté, ruée vers les passages piétons au poste-frontière, passages au nombre de quatre et qui sont conçus pour le passage d’une seule personne à la fois. Vous pouvez dès lors imaginer une foule de centaines d’êtres humains vouloir passer simultanément par ces entonnoirs. Des vidéos démontrent également comment cette foule était agglutinée, des personnes tentant de se dégager, en vain, et certaines d’entre elles foulées aux pieds et mortes piétinées.

Ces malheureuses victimes, décédées ou blessées, sont le résultat de ces bousculades et chutes mortelles et non des Forces de l’ordre, qui n’ont pas tiré un seul coup de feu.

Voici le contexte et le véritable déroulé que les images qui ont inondé la toile tentent d’occulter en essayant d’imputer les décès et les blessures aux Forces de l’ordre qui, il faut le rappeler et avec force, n’ont à aucun moment fait usage d’armes à feu dont elles sont dépourvues d’ailleurs comme c’est enregistré par les caméras.

Je tiens à réitérer ici que les Forces de l’ordre n’ont utilisé que les moyens conventionnels de maintien de l’ordre, à savoir des bombes lacrymogènes, des matraques ou encore des boucliers pour se protéger. D’ailleurs sur l’une des vidéos, vous pouvez voir l’un des migrants arborer le casque et le bouclier d’un des membres des Forces de l’ordre. Ce qui démontre, si besoin en est, que l’origine de la violence est l’autre partie.

Maintenant, je voudrais revenir sur certains faits que l’on essaie de faire passer pour anodins.

Premièrement, la majorité de ce groupe est composée de nos frères soudanais et éthiopiens ,venus de pays en guerre et en proie à l’instabilité. Parmi eux, certains ont un passé guerrier, sont entraînés et habitués aux théâtres de guerre et ce sont eux qui ont planifié et organisé cette attaque tragique et meurtrière.

Deuxièmement, comment les ressortissants de ces deux pays, Soudan et Ethiopie, ont-ils pu rallier le Maroc et quel a été leur itinéraire ? Il est de notoriété publique, et ça figure dans l’ensemble de la littérature onusienne qui s’occupe de la question migratoire, que les ressortissants de ces deux pays empruntaient généralement les routes libyennes ou tunisiennes. Comment ont-ils pu, dès lors arriver au Maroc si ce n’est à travers la frontière algéro-marocaine. C’est un fait que le Maroc n’a de cesse de dénoncer et de déplorer depuis des années déjà.

Certains pans de l’opinion vont jusqu’à vous accuser de ne pas admettre vos responsabilités dans ce drame de l’émigration…

Vous m’interpellez à propos des responsabilités, il est vrai que l’on serait tenté de dire que le Royaume du Maroc est le responsable direct d’une situation à un moment M. Mais ceci est d’une logique trop simpliste et de très courte vue, en raison de la complexité de cette question et de la multitude des intervenants et des responsables directs ou indirects.

Les évènements tragiques survenus à Nador, aux abords de Melilla, ne sont en fait que la partie émergente de l’Iceberg ou plus encore, une éruption due à des facteurs beaucoup plus complexes et profonds.

La gestion des flux humains est une responsabilité partagée dans la mesure où elle engage premièrement : les pays d’origine, pourvoyeurs de migrants pour moult raisons dont essentiellement la pauvreté, l’instabilité ou encore les changements climatiques et parfois c’est la conjugaison de tous ces facteurs.

La deuxième partie engagée, ce sont les pays de transit. Les troisièmes sont les pays d’accueil et, finalement, la Communauté internationale, dans son ensemble, appelée à gérer un phénomène naturel à caractère universel et qui existe depuis la nuit des temps.