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Entretien - Abdoulaye Bâ Nguer, auditeur et contrôleur de gestion : «aucun franc n’a été déboursé dans l’affaire des 94 milliards»

Membre du Pds version Oumar Sarr, Abdoulaye Ba Nger est très dynamique sur les réseaux sociaux. Ses prises de position et ses critiques millimétrées en font une icône. Ba Nguer est aussi un haut cadre de l’administration. Auditeur et contrôleur de gestion de formation, il a braqué ses projecteurs sur cette affaire de 94 milliards qui met aux prises l’ancien Directeur des Domaines, Mamour Diallo et son ancien collègue et non moins leader de Pastef, Ousmane Sonko. Interpellé par «L’As», il conclut de manière péremptoire, qu’aucun franc n’a été détourné dans cette affaire.


Rédigé par leral.net le Lundi 2 Septembre 2019 à 19:00 | | 0 commentaire(s)|

Vous êtes auditeur, vous venez de sortir une tribune sur cette affaire de 94 milliards qui défraie la chronique. Qu’est-ce qu’il faut retenir de cette affaire ?

J’avais fait des investigations personnelles basées sur le factuel depuis février 2019, aux fins d’établir la vérité des faits sur cette affaire ultra médiatisée depuis bientôt deux années. De quoi s’agit-il ? C’est l’histoire d’un patrimoine foncier TF 1451/R qui couvre une bonne partie de la ville de Rufisque et de Keur Massar et d’une superficie de 258,963 hectares, soit 2.589.630 mètres carrés, et appartenant à des familles lébous (Ndoye, Mbengue etc.). Ces familles léboues avaient contracté une dette d’environ 50 millions CFA auprès du défunt Djily Mbaye, par l’intercession du Khalife des Mourides de l’époque, Serigne Abdou Lahat Mbacké, moyennant une garantie sur ledit titre foncier 1451/R.

Après le décès de Monsieur Djily Mbaye en 1991, ses héritiers ont voulu, à travers leur société dénommée «SAIM indépendance», exploiter ou rendre bancable le titre foncier 1451/R qui appartiendrait à leur défunt père. Ainsi, une action en justice avait été menée par les héritiers de ces familles léboues propriétaires du patrimoine afin de reprendre leurs droits, ce que la justice fit.

Malgré toutes ces péripéties citées ci-haut, avec l’expansion démographique dans la région de Dakar, l’Etat du Sénégal, par des décrets d’expropriation, a utilisé la presque totalité de cet énorme patrimoine foncier pour divers investissements (environ 125 hectares, soit 1.250.000 m2) tels que l’autoroute à péage, les HLM Rufisque, ainsi que des Centres de Santé, des écoles entre autres, sans compter les lourds investissements prévus à l’avenir qui impacteront ledit titre foncier.

Ce qui poussa les héritiers des familles léboues à introduire une procédure auprès de l’Etat pour indemnisation suite à cette expropriation de fait sur leur patrimoine foncier. Ainsi, ce dossier qui attestait d’une créance des héritiers du TF 1451/R sur l’Etat du Sénégal, dormait allègrement dans les tiroirs de l’administration centrale malgré l'utilisation continuelle du patrimoine foncier par l'État au fil du temps. C’est à ce stade, entre 2016 et 2018, qu’entrèrent dans ce dit dossier, la société SOFICO (Société Financière, d’Intermédiaire et de Commerce) dont le propriétaire est M. Tahirou Sarr, les Cabinets ATLAS et MERCALEX tous deux gérés par Monsieur Ismaila Bä dit Isma Bâ.

J’ai personnellement mené une enquête au niveau des Impôts et Domaines de Rufisque, pour savoir que le mètre carré d’un patrimoine titre foncier vaut, dans une hypothèse basse, au moins 75.000 CFA dans la ville de Rufisque (Exemple : HLM Rufisque est dans la zone du TF 1451/R). Il est également bien établi que, après calcul suivant cette hypothèse basse, la valeur réelle de ce TF 1451 de 2.589.630 m2 est d’au moins 194 Milliards FCFA (2.589.630 m2 x 75.000 FCFA).

J’ajouterai, afin qu’on puisse bien se comprendre, que j’avais participé, en 2010, à une vente de TF de 150m2 dans la ville de Rufisque (Cité Serigne Mansour) au prix exact de 6 Millions CFA, donc à 40.000 FCFA le mètre carré en cette année 2010. Ce qui fait une bonne référence dans mes enquêtes et vérifications, d’autant plus qu’on est entre 2016 et 2018 dans le cas de ce TF 1451/R, objet du supposé détournement de derniers publics. Il y a même certaines personnes, au fait de l’actualité foncière dans la zone, qui prétendent que la valeur actuelle réelle de ce TF 1451/F est d’au moins 250 Milliards CFA. Certainement, ils se basent suivant une hypothèse haute sur le prix actuel du mètre carré d’un TF dans la Ville de Rufisque.

Mais ça ne date pas d’aujourd’hui …

Ainsi, en 2016, la société SOFICO contacte les héritiers du TF 1451/R pour un Rachat de la Créance. A la date du 10 juin 2016, la SOFICO conclut avec les familles propriétaires la cession de droits, actions et créances portant sur ledittitre foncier moyennant le paiement d’indemnités compensatrices de 2,5 à 4 Milliards FCFA. La même année, deux femmes parmi les héritiers légaux que sont OumyNdoye et Fatoumata Ndoye, ont contesté le rachat de créances par la société SOFICO, affirmant que le montant payé est en-deçà de ce qu’elles pouvaient obtenir.

A travers leur représentant, elles ont porté plainte, attestant que la Société SOFICO n’est pas en droit d’intervenir dans la procédure en tant qu’intermédiaire dans cette affaire d’expropriation. Ce qui est théoriquement vrai, car la loi interdit formellement tout intermédiaire dans les cas d’expropriation sur patrimoine foncier. Le Tribunal de Grande instance hors classe de Dakar déboute la société SOFICO dans son jugement n°1770 du 15 Novembre 2016.

La Société SOFICO interjeta appel, à la date du 08 Décembre 2016, au niveau de la Cour d’appel de Dakar, en défendant qu’elle n’est nullement intermédiaire dans cette affaire d’expropriation de patrimoine foncier mais bien propriétaire légal des droits, actions et créances sur le Patrimoine TF 1451/R, car ayant conclu avec les héritiers un rachat en bonne et due forme de cette créance, et qu’elle a déjà payé le montant conclu. Le 11 Janvier 2018, la Cour d’Appel de Dakar, dans sa Chambre 2, donne raison à la société SOFICO, en attestant que cette dite société est bien propriétaire légale des droits, actions et créances sur le patrimoine TF 1451/R, eu égard au rachat de cette créance auprès des héritiers en toute légalité.

C’est à partir de cet instant que les sieurs Djibril Dial, Amadou Cissé et Yéri Diakhaté ont contacté Ousmane Sonko et Ismaila Bâ par le biais du Cabinet ATLAS dont le gérant légal est le dernier cité. Là est apparue médiatiquement l’affaire du TF 1451/R, communément appelée l'affaire du détournement présumé de 94 Milliards FCFA. Le 04 Mai 2018, le parti politique PASTEF écrit au Procureur de la République du Sénégal pour, selon les termes de la lettre, un « détournement présumé de deniers publics » à hauteur de 94,783 Milliards CFA. Le langage administratif obéit à des règles connues de tous.

Le Lundi 06 Août 2018, en présence, entre autres, d’Amadou Cissé, de Yéri Diakhaté, Masséne Sarr, Djibril Dial, Saliou Ndiaye, Ismaila Bâ et Ousmane, le cabinet ATLAS dont le gérantlégal est Monsieur Ismaila Bâ, appelé communément Isma Bâ, signe un protocole d’accord avec une partie des familles héritières pour le recouvrement du patrimoine TF 1451/R de la famille, moyennant une commission de 12% Hors Taxe sur les montants de la Créance recouvrée (CF. Protocole d’accord ATLAS).

Le Jeudi 13 Septembre 2018, le même Protocole d’accord est transféré au Cabinet MERCALEX, toujours avec le même gérant légal Ismaila Ba, qui sera chargé du recouvrement de la créance sur le patrimoine TF 1451/R. Il est tout de même important de noter qu’après observation des deux protocoles, les gérants et les numéros de téléphone de ces deux cabinets ATLAS et MERCALEX sont identiques (Gérant Ismaila Bâ et Tel. +221 33 827 31 51) bien que n'ayant pas les mêmes adresses. Il faut aussi noter que la société SOFICO, après négociation avec l’Etat du Sénégal, a accepté de céder le mètre carré de titre foncier à 37.000 FCFA, ce qui est largement en-deçà du prix réel du marché qui se situe au moins à 75.000 FCFA dans une hypothèse basse comme expliqué ci-haut.

En somme, le contribuable sénégalais doit au moins 95 Milliards FCFA environ à la société SOFICO au lieu de 194 Milliards FCFA environ. Soit un gain d'environ 100 Milliards pour le contribuable sénégalais, dans une hypothèse basse dans le calcul. Tel est le résultat de l'entrée de SOFICO dans ce dossier. C'est certes une affaire bien juteuse pour la société SOFICO mais tout de même, tout à fait légale. On a aussi fait l’effort d’enquêter et de rechercher au niveau du Trésor public du Sénégal.

Il s’est trouvé qu’à l'état actuel, aucun franc n’est encore déboursé sur ce dossier du TF 1451/R qui est toujours en instance. L’Etat, étant un mauvais payeur, la société SOFICO cherchera certainement à avoir une attestation de créance sur l’Etat du Sénégal via une lettre de confort qu’elle placera au niveau des banques commerciales comme garantie certaine. Ce qui lui permettra de faire des prêts ou autres opérations financières dans les meilleures conditions. Ce qui est une affaire juteuse pour SOFICO mais tout à fait légale du point de vue de la loi.

N’êtes-vous pas à la solde d’une des parties que vous comptez blanchir ?

Absolument pas. Je ne connais ni d'Adam ni d'Eve, ni directement ni indirectement aucune de ces 3 personnes citées à savoir Messieurs Ousmane Sonko, Mamadou Mamour Diallo, Tahirou Sarr, et même j'y ajouterai Monsieur Ismaila Bä. Je n'ai jamais eu langue et je n'ai jamais été en face d'aucune de ces personnes précitées. J'ai volontairement décidé de mener ma propre enquête selon ma conscience professionnelle et ma citoyenneté active, suite à une petite alerte selon laquelle 47 Milliards FCFA auraient été décaissés du Trésor public pour le règlement d'une partie de ladite créance sur ce dossier.

Ça m'avait particulièrement choqué, et de là est née cette envie farouche de savoir la vérité et l'exactitude des faits sur ce dossier. 47 Milliards FCFA, c'est quand même 47 mille millions de FCFA, ce qui est extrêmement colossal en soi vu le niveau de pauvreté qui sévit dans notre cher Sénégal, notre Patrie. Dites-vous bien que je suis bien disposé pour toute citation directe à comparaître devant la justice, par n'importe quel requérant sur cette affaire.

Dans toute cette démonstration ci-haut, nous n'avons analysé et disséqué que les faits et uniquement les faits prouvés et documentés. Je suis maître en gestion à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, je suis auditeur et Contrôleur de Gestion de Profession ; alors on sait quand-même établir la traçabilité et l'historique des faits dans une affaire donnée. C'est exactement ce qui a été fait ni plus ni moins et sans aucune émotion.

Quand on a la Chronologie de la Propriété des Droits et Créances du Titre TF 1451/R à partir des arrêts de justice dont le dernier et le plus déterminant, celui de la cour d'appel de Dakar dans sa chambre 2 en date du 19 Janvier 2018, quand on a nos données issues des enquêtes au Trésor public sénégalais et aux Impôts et Domaines de Rufisque, quand on a les décrets d'expropriation sur ce TF des années 1990 jusqu'à maintenant, quand on a les différents actes administratifs authentiques tels que, entre autres, les différents protocoles d'accord des différentes sociétés susmentionnées, je pense qu'on peut aisément établir la vérité et l'exactitude des faits dans ce dossier dit de détournement de 94 Milliards FCFA.

Si on vous suit, aucun franc n’a été détourné dans ce dossier ?

Au stade de nos enquêtes et recherches, notamment au niveau du Trésor public de la République du Sénégal, aucun franc n'est encore déboursé sur ce dossier lié au TF 1451/R ; il est encore en instance dans les services du Trésor public. Je suis formel là-dessus.