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Espagne : Immigration Ceuta Melia Bis

Rédigé par leral.net le Vendredi 7 Mars 2014 à 14:53 | | 0 commentaire(s)|

Le contexte des migrations internationales n’a pas tellement changé depuis 2005 quand plusieurs jeunes africains avaient essayé par la voie terrestre qui sépare le Maroc de l’Espagne de faire leur entrée par la forteresse. Cette tentative qui s’était soldée comme tout le monde le sait de plus de 300 morts, avait occupé l’actualité en termes d’indignation et de préoccupation pour l’avenir des droits de la mobilité des personnes. Quelques mois après cette tragédie, cette même jeunesse africaine désespérée, victime en premier chef du mal développement que connaît l’Afrique, revient occuper l’actualité avec l’arrivée sur les côtes espagnoles des pirogues de fortunes (cayucos). Ces tentatives d’accéder à l’Europe à tout prix, ne sont que l’expression d’une jeunesse soif d’être utile, actrice et active de développement. En plus, elle ne réclame pas le ciel, si non le droit de pouvoir vivre dignement, si possible chez soi. Mais comme le dit l’adage Haal Pulaar « so yaadu yoonti joonde ko ayiiba » (quand arrive l’heure de partir, rester est un déshonneur.)


Espagne : Immigration Ceuta Melia Bis
L’été 2006 fut agitée et plein de pertes humaines que nous avions déploré pour les victimes et leurs familles, mais aussi en même temps indexé d’un doigt accusateur les causes, sans perdre de vue les enjeux pour les différents acteurs. Pour les dirigeants africains faute de pouvoir fournir de l’emploi et autres alternatives à cette jeunesse, le départ quelque part est un soulagement pour eux même, s’ils versent des larmes de crocodile devant les événements qui du reste, ont surpris le monde entier par leur envergure et forme. Pour l’Europe vieillissante, cette jeunesse robuste et formée dans certains cas est une solution à la régulation de la demande du marché de travail sur tout dans le cas espagnole dans les secteurs de la construction, l´agriculture et autres services.

Si on se rappelle bien, à l’époque, le gouvernement espagnole sous pression de l’opposition droite et épinglé par une partie de son électorat hypocritement réfractaire à l‘immigration avait mis en branle sa machine diplomatique pilotée para Miguel Angel Moratinos pour mettre la problématique migratoire du sud dans l’agenda européenne en convaincant ses partenaires retissant comme l’Angleterre et la France qui en avaient une perception différente.
En effet, cette réussite diplomatique se solde par la conférence de Rabat (2006) qui avait réuni d’une part 27 pays africains sous l’égide du Maroc avec l’absence notée et peut être voulue de l’Algérie qui du reste est une pièce dans la zone méditerranéenne et surtout sur les questions migratoires dans la zone. Et d’autre part du côté européen participeront 30 délégations de haut niveau en plus de la Commission représentée par le vice président Frattini, responsable à l’époque de justice, liberté et sécurité et la Commissaire aux Relations Extérieurs Benita Ferrero-Waldner. Entre autres observateurs, la présence du Haut Commissariat des Nations Unis pour les Refugiés en la en personne de M. Guterres.

Aussi bien la conférence de Rabat que celles qui vont suivre Paris (2008) et Dakar (2011), la terminologie migration et développement devient un instrument pour mener a termes les questions de régulations des flux migratoires en fonction des besoins du « patron » en le maquillant dans le discours de coopération, de respect des droits humains pour calmer les esprits critiques.

Avant, pendant et après les différentes conférences, les chancelleries européennes ont continué leurs actions pour convaincre certains dirigeants africains d’accepter les questions d’expatriation moyennant l’aide au développement dirigé à améliorer en principe les conditions de vie de leurs populations et dans certain cas de forme clair pour lutter contre l’émigration irrégulière donc une coopération policière plus que autre chose d´où le travail de contrôle des frontières comme la FRONTEX.

Depuis lors, les tragédies n’ont cessé sur la route Mali, Niger, Algérie, Maroc, etc. en passant par le désert, sauf que parfois cette réalité est passée volontairement sous silence jusqu’à ce qu’il se produit une situation médiatisée comme cette tentative de débarquement dont aujourd’hui certains tentent de voir seulement l’aspect de frontière, « d’envahissement, d´avalanche » mettant de côte les aspects et considérations humaines qui devaient primer avant tout.

Devant cette situation qui a indigné à plus d’une personne, le gouvernement espagnol et sa police se sont noyés dans leurs contradictions sur le traitement de la tragédie de 15 morts. Le traitement responsable devait être avant tout humanitaire avant de pouvoir être vêtu de quoi que se soit à dessein, comme on veut selon la sensibilité et les besoins de la clientèle électorale. L’Union Européenne aussi cible de notre doigt accusateur n’a pas manqué froidement bien entendu de tirer les oreilles à l’Espagne pour sa gestion désastreuse de la situation en voulant nous faire croire qu’elle n’est pas aussi responsable de ce qui se passe à la frontière avec le Maroc.

D’ailleurs, ce fait récent nous rafraichit la mémoire sur le traitement discriminatoire au quotidien de la police espagnole sur la les migrants africains qui vivent et travaillent dans ce pays (la descente de la police nationale sans autorisation au siège de l’ACRS Terrassa). C’est pour quoi, ce traitement ne nous étonne pas mais nous indigne pour la non assistance et traitement inhumain à des personnes en danger de la part de la Guardia Civile qui du reste n’est que le bras exécuteur de décisions politiques qui émanent des autorités politiques.

Vivant en Espagne, nous suivons de forme intéressée l’évolution de la situation sans perdre de vue aucun détail sur le traitement au niveau politique, des médias et autres acteurs comme ONG, Associations d’immigrants, etc. Devant ce suivi intéressé de la situation ma surprise est grande de n’avoir pas entendu la voix de gouvernants africains et des institutions diplomatiques et consulaires sur la question. Ça ne m’intéresse pas du tout en ce moment de deuil la possible gestion diplomatique en coulisse des chancelleries ou les possibles coups de fils réalisés s’il y en eu.

Devant cette situation, nous nous sentons orphelins de n’avoir lu ou écouté aucun communiqué de presse de nos dirigeants pour condamner cet acte criminel, de non assistance à des personnes en danger.(juste avant d’envoyer cette contribution j’ai écouté dans une radio de la place la descente du Consul général du Sénégal à Ceuta même si ce n’est pas suffisant, c’est à saluer). J’aurai comme agréable surprise un démenti de mes affirmations sur la réaction des dirigeants africains ici et là bas et comme démocrate je demanderai publiquement mes excuses à qui de droit.

Une fois qu’on termine de pleurer nos morts, je pense que la réflexion et le combat doivent continuer pour que le flambeau du plaidoyer ne s’éteigne pas. Certes les réactions de solidarité aux victimes et leurs familles se sont fait entendre au niveau des organisations de la Diaspora mais à mon humble avis, le plaidoyer politique doit aller encore plus loin en interpellant nos dirigeants par les moyens dont nous disposons et surtout en nous faisant du réseautage avec d’autres organisations qui ont dénoncé le traitement criminel de la police espagnole. Juste après ces événements précisément les ministres espagnoles portugais, français et marocain se sont réunis à Paris pour traiter de cette question. Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu une réunion dans une capitale africaine pour aborder la tragédie.

Dans deux mois une réunion de haut niveau est prévue à Bruxelles entre l’UE et l’UA et cette question sera à l’ordre du jour même si l’agenda était fixé il y a un peu longtemps. Il est important dans ce cas interpeller la plate forme AEP (Afrique Europe Plateforme de la Diaspora) et autres possibles organisations de droits humains comme la Rencontre Africaine de Défenses des Droits de l’Homme (RADDHO) pour faire arriver à l’UA et L’UE notre indignation comme organisations de migrants ou comme migrants soucieux du sort de nos compatriotes. Le plaidoyer peut se faire aussi par des actions symboliques pourquoi pas au niveau de l’Espagne procéder à une dévolution symbolique des permis de résidence et nationalité pour montrer que les droits humains sont au dessus des questions légales et administratives.

Pour ce faire évidemment il faut une structure qui prenne l’initiative de mener à bon port nos demandes et inquiétudes. La réflexion est lancée et à vous, vos commentaires et suggestions pour avancer dans le cadre de constitution de structures pour défendre le droit à la mobilité et le respect des droits humains aussi bien dans les pays d’origine, de transit que d’accueil.

Amadou Bocar Sam

Président de la Coordination des Associations Sénégalaises en Catalogne(CASC) membre fondateur de la Fondation des Emigrés Sénégalais(FES) et de la Fédérations des Associations sénégalaises et organisations sociales d’Espagne(FAOSSE)

Recueilli par Momar Dieng Diop