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Éventualité d'une coalition gouvernementale Apr-Pds, grâce présidentielle pour Karim Wade, survie de BBY… : Macky entre trois feux

La volonté clairement exprimée du président de la République, Macky Sall, d'élargir Karim Wade risque d'avoir des conséquences politiques sur la coalition Benno Bokk Yaakaar. Le dialogue national prend également des allures de retrouvailles entre le président de l'APR et ses anciens camarades Libéraux. On parle même d'une éventuelle coalition gouvernementale entre l'APR et le PDS. Pendant ce temps, les alliés qui tardent encore à se déterminer quant à leur soutien au Chef de l'Etat pour briguer un second mandat, veillent au grain. Ce jeu de dupes dans lequel, Macky Sall se retrouve entre trois feux, divise également des analystes politiques.


Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Juin 2016 à 11:15 | | 0 commentaire(s)|

Momar Seyni Ndiaye, journaliste, éditorialiste de SenePlus sur le débat national : "Il y a vraiment tromperie sur la marchandise"

Il faut reconnaitre qu'il y a ce qu'on appelle en français tromperie sur la marchandise. C'est-à-dire qu'on nous avait promis un dialogue national inclusif et à l'arrivée, on nous sert un dialogue direct entre l'Apr et le Pds. La finalité souhaitée est la libération de Karim Wade, mais on se rend compte que finalement on risque d'aboutir à une coalition gouvernementale entre le Pds et l'Apr.

Ceci fait beaucoup mal à l'opinion et à la grande majorité des électeurs sénégalais qui avaient décidé de renvoyer le Pds à la suite des élections de 2012. Le peuple avait condamné la pratique politique du Pds pendant 12 ans. Et voila que par la petite porte, le président Macky Sall risque de nous ramener le Pds dans une sorte de cogestion du pouvoir. Je pense que les Sénégalais ont bien compris la manœuvre qui est en train de se dérouler et qu'au moment opportun, ils tireront eux-mêmes les conséquences.

Cependant, il ne s'agit pas de condamner le principe d'un dialogue. Les retrouvailles de la famille libérale ne sont pas condamnées non plus. Mais, si ces retrouvailles doivent aboutir à une coalition entre le Pds et l'Apr, là effectivement il y aurait beaucoup de conséquences graves pour l'image du président. Parce qu'au fond, avec tout ce qu'il a dit sur la gestion du Pds, ainsi que le rôle joué par les responsables de ce parti dans l'affaissement de la morale et de l'économie du Sénégal, on ne comprendrait pas que par un tour de passe-passe, Macky Sall en vienne à se rabibocher avec le Pds pour se mettre dans la logique d'une coalition gouvernementale, même de les associer au pouvoir.

En ce moment-là, le peuple sénégalais pourra soit se manifester de manière très nette, soit attendre les prochaines législatives ou présidentielles pour signifier au président Macky Sall qu'il y a vraiment tromperie sur la marchandise, parce que ce qui était promis n'est pas ce qui a été fait. Le retour du Pds au pouvoir n'est pas une bonne nouvelle pour les Sénégalais qui ont encore des souvenirs très durs de ce qu'a été le régime de Wade de 2000 à 2012. Le dialogue national est souhaitable. Les retrouvailles entre le Pds et l'Apr ne sont pas gênantes. Mais, si ces retrouvailles doivent se traduire par une coalition gouvernementale entre le Pds et l'Apr, là les Sénégalais seraient fondés à dire à Macky Sall stop.

Je fais cependant la différence entre une possible libération de Karim Wade et la coalition gouvernementale qui se dessine entre le Pds et l'Apr. Si Karim Wade est élargi de prison, ce n'est que justice qui a été rendue. Parce qu'il a été injustement accusé, emprisonné, acculé et jeté en prison comme un malpropre sans l'ombre d'une preuve. De ce point de vue-là, la libération de Karim Wade me parait justifiée.

Moussa Diaw, enseignant chercheur en science politique : "Dans tous les cas, Macky Sall est politiquement gagnant"

Le débat national auquel participe le Pds constitue une avancée considérable pour le président de la République. Je dirais même qu'il engrange des points pour préparer l'avenir. Parce que se réconcilier avec le Pds est un élément important pour consolider son pouvoir et pour élargir aussi sa majorité. J'espère que ces rencontres vont se terminer dans de bonnes conditions, avec des débats approfondis sur l'ensemble des questions qui se posent au niveau national, à savoir les questions politiques, sociales. Et qu'il va en ressortir un consensus permettant de régler un certain nombre de questions au niveau national. Ça, c'est un aspect positif au niveau de ces rencontres.

Sur le plan politique, cela veut dire que le Pds va se rapprocher de l'Apr. J'ignore encore les modalités de ce rapprochement, toujours est-il qu'il y aura des discussions pour renforcer la majorité et éventuellement de gouverner ensemble. Si ce débat national réussit, cela va permettre d'ouvrir de nouvelles perspectives pour une recomposition politique du paysage sénégalais. Donc, il va y avoir une alliance beaucoup plus élargie et que le Pds pourrait éventuellement gouverner avec le président Macky Sall. Cela veut dire aussi que Macky Sall va assurer ses arrières pour affronter de manière confortable les prochaines échéances électorales. Bien sûr, ça va créer des dissensions au niveau de l'opposition qui est plurielle, et le Pds fragmenté. Il va y avoir une partie du Pds qui va rejoindre le président Macky Sall. Dans tous les cas, politiquement il est gagnant. A partir des résultats obtenus à l'issue de ce débat, il pourra redéfinir la carte politique du pays.

Toutefois, l'enjeu est que si les manœuvres politiques ne se font pas au profit des Sénégalais, ça risque d'éloigner les populations des hommes politiques. Ces manœuvres politiques devraient être accompagnés par d'autres manœuvres visant à trouver les solutions aux problèmes des Sénégalais, en termes de pouvoir d'achat, de création d'emploi, de santé et autres. Pour que ce consensus puisse aboutir, il faut naturellement tenir en compte les aspirations des Sénégalais. A défaut, il peut y avoir un retour de bâton, l'effet boomerang. Cela peut créer une désaffection de l'opinion publique par rapport à la chose politique.

Quant à la grâce présidentielle, elle peut bien avoir des conséquences. Parce qu'actuellement, on est en train de voir quelle piste prendre pour régler cette question de libération de Karim Wade. S'il y a grâce, ça ne résout pas tous les problèmes parce qu'il reste encore des promesses par rapport à la moralisation de la vie politique qui constitue un aspect très important dans la promesse électorale, c'est-à-dire de lutter contre l'enrichissement illicite. Et si le candidat du Pds sort de prison sans qu'il n'y ait de suite par rapport à la politique qui a été déclarée, il peut y avoir des déceptions auprès de l'opinion. Parce que l'opinion considère qu'il faut retrouver les milliards détournés pour les mettre au service de l'intérêt général. Là, il peut y avoir désaffection et des conséquences au niveau électoral.

L'autre aspect, même s'il y a grâce pour l'avenir de Karim Wade, ce n'est pas aussi clair qu'on ne le pense. Il peut bénéficier d'une grâce, mais il a un casier judiciaire et cela risque de représenter un obstacle majeur pour se représenter aux élections présidentielles prochaines.

Sud Quotidien