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Excellence, vos enfants se courberont toujours pour ramasser des pierres

Notre combat commun est de travailler à ce qu’ils en lancent de moins en moins et qu’ils les assemblent les unes sur les autres pour l’édification du Sénégal dont nous rêvons tous.


Rédigé par leral.net le Mercredi 12 Août 2015 à 12:40 | | 0 commentaire(s)|

Excellence, vos enfants se courberont toujours pour ramasser des pierres
D’emblée, je joins ma voix à celle de tous les patriotes de ce pays pour m’indigner et condamner vigoureusement l’attaque que votre cortège a subie dans le campus social de l’UCAD. Le Seigneur vous a choisi, le temps d’une période, pour présider aux destinées de notre cher pays ; dès lors vous méritez respect, considération, sollicitude de la part de tout le peuple sénégalais. Manquer de respect à son président, c’est se manquer de respect à soi-même.

Seulement, Excellence, ce sont des jeunes inconscients du fait de leurs jeunes âges et se trouvant dans des conditions très particulières, qui ont lancé des pierres dans votre direction. Je ne pense pas qu’ils étaient conscients de leurs actes, la foule ne réfléchit pas. On a tous été étudiants pour comprendre l’instantanéité, la spontanéité, l’ivresse aveugle, les pulsions et les tensions qui rythment la vie de l’étudiant. Ce qui est arrivé à ces 4 étudiants, pouvait arriver à n’importe quel Sénégalais qui aurait fréquenté ces dernières décennies le bouillant campus universitaire, haut lieu de contestations et de revendications de toutes sortes. J’estime qu’ils ont eu la malchance de commettre le mauvais geste au mauvais moment.

Elèves, on a marché. Etudiants, on a encore marché

On a suivi les foules hystériques ; inconsciemment et plusieurs fois, On s’est courbés pour ramasser des pierres et on en a lancées ; Notre seule chance, est que nos pierres n’étaient jamais dirigées vers l’autorité.

Aujourd’hui que nous ne sommes plus en âge de jeter des pierres, nous sollicitons votre indulgence pour les quatre étudiants arrêtés.

Au nom de la jeunesse et de tous ceux qui ont été étudiants, nous demandons pardon pour ces jeunes car vous êtes leur père, vous êtes un guide ; montrez-leur le chemin et priez pour tous vos enfants. N’est-ce pas vous le père de la nation ?

Si vous les emprisonnez, vous emprisonnerez en même temps leurs mères qui ont placé tant d’espoir sur eux, vous emprisonnerez aussi des rêves, des espérances, des destins. Et qu’est- ce que vous y gagnez ? Pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font.

Excellence, sous votre magistère, certainement que vous en subirez davantage car vous avez fait le choix d’être devant et comme tout père, dans votre famille, ici le Sénégal, vous y trouverez toujours ce qui vous plait comme vous y remarquerez ce qui vous déplait. Mais vous resterez toujours le père de tout le monde.

Vous êtes un guide, vous êtes un recours et vous devez traiter tous vos fils de la même manière et cela ne vous grandira jamais si les leaders des jeunesses de l’opposition dite « significative » se retrouvent en prison.

Elu comme vous l’avez été, votre action doit transcender les clivages politiques, ethniques, raciaux. Vous symbolisez l’unité nationale et vous êtes le ciment de la concorde nationale.

N’écoutez point ceux qui vous demandent de sévir, ils n’ont rien compris et ils vous mettent en mal avec votre jeunesse ; un pays se construit par une vision claire, des choix stratégiques pertinents, mais dans la sérénité. Il y’aura toujours des foyers de contestation, mais il est de votre responsabilité de calmer et d’éclairer le jeu en invitant vos concitoyens vers de larges consensus incompressibles.

Dans un élan global participatif et inclusif, les règles du jeu doivent être fixées durablement par des réformes institutionnelles et judiciaires, seul vrai point de départ vers l’émergence du Sénégal qui vous est si cher.

Après les frissons, les émotions et les passions, les événements du campus universitaire commandent une lecture froide pour leur appliquer la juste réplique. La situation globale de l’école sénégalaise interpelle et il est de votre responsabilité de vous poser les bonnes questions ci-après :

Est-ce que vous avez décliné la meilleure vision, voire la meilleure orientation pour l’école sénégalaise ?
Si oui est-elle bien appliquée ? Auquel cas, est- elle bien comprise des destinataires ? Dans l’affirmative, est-elle acceptée ? Comment en est-on arrivé à ce chaos généralisé de notre système éducatif malgré tous les moyens consentis ?

Ma conviction de simple citoyen est que la démarche entreprise jusqu’ici pour solutionner les problèmes de l’enseignement supérieur reste discutable. L’érection non judicieuse d’universités et d’iseps sur l’étendue du territoire va plus nécessiter de moyens humains, financiers, logistiques pour l’enseignement supérieur, et donc va créer davantage de problèmes qu’il n’en résout. Il faut certes créer de nouvelles structures d’accueil pour nos bacheliers mais le choix des sites et des filières doit nécessairement reposer sur des critères plus pertinents et plus globalisants que les seules ressources naturelles disponibles dans le terroir.

Régler durablement la problématique de l’enseignement supérieur, c’est maîtriser les flux entrants en érigeant des ponts entre l’enseignement général et la formation professionnelle et technique ; c’est aussi opter pour des formations supérieures courtes dont les curricula seront articulés aux impératifs de développement et de façonnage de citoyens modèles.

Le constat est alarmant dans un pays peuplé majoritairement de jeunes et qui doit relever le défi du développement ; au Sénégal les enfants sont dans la rue et non dans les écoles et les ateliers. Ils sont mendiants, marchands ambulants, tabliers, conducteurs de Jakarta, lutteurs, oisifs.

Dans un pays où la langue est libérée, les gens ne font plus attention aux conséquences des messages qu’ils délivrent à la jeunesse ; « A 13 ans, on ne doit pas travailler pour nourrir ses parents ; à cet âge on doit se former dans les écoles et ateliers ! »

Cher Président, pour vous il doit y avoir nécessairement une vie après le pouvoir ; faites le job et Dieu vous montrera encore le chemin. Ne vous fixez pas sur un second mandat car nous préférons l’intensité dans l’action à la durée dans l’action et Saint Augustin disait : « La peur de perdre ce que l’on a, empêche d’atteindre ce que l’on est ». Cette présidence ne doit pas être une fin pour vous, mais une étape pour couronner sur l’international une vie professionnelle déjà si bien remplie.

N’oubliez jamais Allah dans les actes que vous posez et pardonnez Ses créatures car Dieu aime ceux qui pardonnent. La meilleure de Ses créatures, le prophète Mohamed (PSL), atteint par les pierres, avait pourtant pardonné et avait sollicité la miséricorde de Dieu pour le peuple de Taîf qui l’avait lapidé.

Cheikh Ahmadou Bamba avait pardonné à son retour d’exil. Qu’est-ce-que le saint n’a pas subi dans ce périple ? Le Président Mandela a pardonné après avoir été injustement détenu dans les geôles sud- africaines pendant un quart de siècle.

Sur cette terre, tous les grands hommes ont enduré de très dures épreuves mais tous ont vite fait de pardonner à leurs bourreaux et Dieu les a davantage élevés au- dessus de leurs semblables ; je vous souhaite le même destin.

Le Seigneur vous a choisi et vous a doté d’un destin exceptionnel, unique. En dix ans et successivement il a fait de vous directeur de société, ministre, ministre d’état, premier ministre, président de l’assemblée nationale, Président de la République. Il vous a suffisamment préparé pour répandre par votre personne Ses nombreux bienfaits sur Ses créatures du Sénégal. Vous ne devez jamais rompre ce pacte qui vous lie au Ciel. Absolument vous devez peser sur le destin de la nation sénégalaise. Vous avez l’obligation de réussir cette si lourde mais exaltante mission. Et ceci passe par le Travail, rien que le TRAVAIL dans le pardon !

Avec notre plus grand respect.

Dr Mamadou Badara Seck

mamadoubadara@yahoo.fr