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Fête de l'indépendance française: La surprenante histoire de La Marseillaise

À l'heure où nos rues et nos maisons s'emplissent de l'hymne national, Le Figaro revient sur son histoire aussi méconnue qu'invraisemblable.


Rédigé par leral.net le Samedi 14 Juillet 2018 à 14:41 | | 0 commentaire(s)|

Allons Enfants de la patrie, Le jour de gloire est arrivé, Le drapeau tricolore est levé! Alors que les Bleus défendront demain l'honneur de la France au stade de Moscou que les chars défilent aujourd'hui sur les Champs-Elysées. Qui d'entre nous se souvient encore de l'histoire de La Marseillaise, apprise innocemment sur les bancs de l'école? Si l'on chante avec fierté les deux premiers couplets, l'origine de notre hymne est tout aussi inconnue que les cinq suivants (parce qu'il y en a sept?). Et pourtant, elle a de quoi vous surprendre.

● La création de La Marseillaise

L'un des hymnes les plus intemporels de l'Histoire n'est pas né à Marseille. Contrairement à ce que l'on croit souvent, et encore moins en 1789. S'il est bien l'œuvre d'un Français (c'est déjà ça), c'est en Alsace qu'il prend naissance pendant la guerre contre l'Autriche. Alors que le roi voit le pouvoir lui échapper, Louis XVI espère qu'une défaite militaire française lui permettra de restaurer son autorité et il déclare la guerre au roi de Bohême et de Hongrie le 20 avril 1792. Il ne savait pas encore qu'elle lui serait fatale, ni qu'elle engendrerait le chant de ralliement des Français pour les générations à venir. Après deux mois de combats désorganisés, le Baron de Dietrich et maire de Strasbourg réalise que les troupes françaises manquent d'un chant fédérateur et se tourne vers son ami, l'officier Rouget de Lisle, musicien aux heures perdues. Ce dernier s'y attelle dans la nuit du 25 juin 1792, et le lendemain, «Le Chant de guerre pour l'armée du Rhin» voit le jour.

Un chant interdit par Napoléon sous l'Empire

À la fin du mois de juillet, les troupes sont forcées de reculer devant la Prusse, venue en aide à l'Autriche. Des volontaires français sont alors appelés de toute la France pour renforcer les rangs. En août, les fédérés de Marseille débarquent à Paris, emportant avec eux ce chant désormais révolutionnaire, rebaptisé quelque temps plus tard «La Marseillaise». Sa genèse correspond donc à celle - non moins importante - de la République, puisque le 10 août ceux-ci envahissent les Tuileries et font enfermer le roi et sa famille, ce qui met fin à presque un millénaire de monarchie absolue.

Le succès de La Marseillaise est tel qu'elle est reconnue le 14 juillet 1795 comme l'un des «airs et chants civiques qui ont contribué au succès de la Révolution», avant d'être interdite par Napoléon pendant près de trente ans! La deuxième révolution de 1830 la remet sur le devant de la scène, avant qu'elle ne soit décrétée hymne national sous la troisième République (1879). Son passage à la postérité était assuré. Et pourtant, il n'existait encore aucune version officielle de La Marseillaise, ce qui provoquait régulièrement de jolis désordres musicaux lors de son exécution.

● Une écriture à plusieurs mains

On ne sait pas exactement de qui (ou de quoi) Rouget de Lisle tira son inspiration. Certains s'accordent à dire que les premières paroles du chant («Aux armes citoyens, Formez vos bataillons, Marchons!») évoquent le slogan d'une affiche publicitaire incitant à s'engager, que l'officier aurait croisé en quittant la maison du Baron de Dietrich. D'autres, qu'il se serait inspiré des écrits de Voltaire ou des vers de Boileau («Et leurs corps pourris dans nos plaines / N'ont fait qu'engraisser nos sillons» peut-on lire dans une ode de 1656). Troisième hypothèse, défendue par l'écrivain suisse Claude Mossé: la musique serait issue du premier mouvement du concerto pour piano n°25 de Mozart, composé huit ans plus tôt, - ce qui, soit dit en passant, ferait de La Marseillaise un hymne autrichien. On vous met toutefois au défi de la reconnaître...

Le chant n'eut pas plus tôt fait le tour de France qu'il fut remanié, modifié, allongé d'un septième couplet (aujourd'hui connu comme «le couplet des enfants»), probablement coécrits par le dramaturge Marie-Joseph Chénier (le frère du célèbre poète) et du juriste Jean-Baptiste Dubois.

Déjà, La Marseillaise ne cessait d'être reprise et réécrite, dans des buts aussi éclectiques que lutter contre le cléricalisme aux élections législatives de 1881 («Aux urnes citoyens, Contre les cléricaux, Votons, votons, et que nos voix dispersent les corbeaux»), commémorer la victoire russe sur les troupes napoléoniennes en 1812 («L'Ouverture solennelle» pour orchestre de Tchaïkovski, 1882), ou plus simplement lancer un single en devenir (le très fameux «All You Need Is Love» des Beatles).

Quoi qu'il en soit, Rouget de Lisle termina sa vie ruiné, emprisonné pour dettes et oublié de tous. La France ne rendit justice à son héros que bien tard, en 1915, quand ses cendres furent transférées aux Invalides lors d'une procession grandiose, dans l'espoir de renforcer l'élan patriotique nécessaire à la victoire. Il fut déposé au caveau des gouverneurs, «où il restera jusqu'à ce que soit votée la loi qui permettra de le transférer au Panthéon» écrit Le Figaro du 15 juillet 1915. Rouget de Lisle y repose encore, tous les présidents qui se sont essayés au transfert ayant échoué.

● Un hymne national très controversé

Aujourd'hui, La Marseillaise n'en finit pas de déchaîner les passions les plus contradictoires. Entre ceux qui veulent imposer son apprentissage à tous, ceux qui la sifflent pour signifier leur aversion envers la France et ceux qui veulent la faire interdire, on ne sait plus quoi penser. Rendue obligatoire à l'école primaire par Charles de Gaulle, elle a été immunisée contre les sifflements en 2003, un délit passible de 6 mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. Les supporters n'ont qu'à bien se tenir.

Il est vrai que ses paroles sont quelque peu datées, qu'elles correspondent au temps où de féroces soldats venaient piller et tuer jusque dans nos campagnes. S'il n'en est plus rien, ce chant n'en reste pas moins un hymne à la liberté, une résistance à l'oppression et à l'esclavage, que l'on trouve encore malheureusement trop sous d'autres cieux que les nôtres.

Longtemps critiqué sans jamais être modifié, ce refrain patriotique est solidement ancré dans la culture et l'histoire françaises. On ne change pas un patrimoine en un claquement de doigts, même si bon nombre d'artistes ont essayé. De Serge Gainsbourg à Léo Ferré, en passant par George Brassens, chacun y est allé de son couplet. Et Pierre Desproges d'ajouter: «Si les ministères concernés m'avaient fait l'honneur de solliciter mon avis, quant aux paroles de la Marseillaise, j'eusse depuis longtemps déploré que les soldats y mugissent et préconisé vivement que les objecteurs y roucoulassent, que les bergères y fredonnassent et que les troubadours y complussent», s'amuse-t-il en 1986. Mais La Marseillaise tient bon, elle a traversé les âges, elle tiendra encore un temps. Au moins jusqu'à demain.







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Alain Lolade