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Forte présence du chapelet dans la société sénégalaise : Preuve d’une fervente foi ou de l’exhibitionnisme religieux ?

La société sénégalaise est très attaché au fait religieux. Aussi, le chapelet y est-il très présent. Naguère, il était le propre d’individus d’un certain âge (adulte voire vieux). Aujourd’hui, une nouvelle tendance se dégage : les jeunes se sont appropriés cet objet de piété pour des motivations toujours pas évidentes à cerner. EnQuête a, dans sa livraison du jour, tenté d'en savoir plus sur ce qu'il est convenu d'appeler une tendance.


Rédigé par leral.net le Jeudi 16 Juin 2016 à 11:31 | | 0 commentaire(s)|

Dans les véhicules de transport en commun (cars rapides, bus tata, bus DDD et « Ndiaga Ndiaye »), le chapelet est du nombre de ces éléments qui frappent l’étranger qui débarque pour la première fois à Dakar. L’islamologue Tariq Ramadan les appelle « les phénomènes visibles », en faisant allusions aux minarets des mosquées en occident majoritairement chrétien. « Objet de dévotion consistant en une sorte de collier de grains enfilés, que l’on fait passer successivement entre ses doigts en récitant certaines prières », le chapelet est très présent dans la société sénégalaise. C’est assez normal dans un pays à majorité musulmane. Seulement l’on pourrait s’interroger sur son omniprésence dans l’espace public et surtout le regain d’intérêt des jeunes pour cet objet.

Terminus de la ligne 58 des bus « tata », à Fass Mbao, dans la banlieue dakaroise, Harouna Dème est au milieu d’une longue queue de passagers qui attendent l’arrivé du prochain bus. Il égrène son chapelet dans un brouhaha qui, visiblement, ne le dérange pas. À l’intérieur du véhicule, ils sont nombreux en a détenir un. Les uns égrènent le leur, les autres le portent autour du cou ou autour du poignet. « Tous les individus qui ont par devers eux des chapelets ne sont pas forcément de fervents croyants. Bon nombres le font pour être vus. C’est pour indiquer qu’ils ont commencé le « wird », ce qui sous-entend une certaine piété », fustige Moussa Diallo, étudiant au département d’anglais à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Un avis rejeté par Harouna Dème selon qui le fait que des individus égrènent leur chapelet sur la voie publique n’a rien à voir avec l’exhibitionnisme. Il est d’avis qu’ils ne peuvent pas le faire à la maison par manque de temps.

En cette matinée de mardi, 2e jour du ramadan, la chambre 15 du Pavillon R du campus social de l’UCAD est très animée. Les discussions vont bon train dans le local exigu. « Le wird, en tant que Tidiane, c’est une obligation, notamment le salat Fatiha. Le wird a été mis sur pied par le Marocain Cheikh Tidiane dont l’unique but est de se rapprocher davantage d’Allah », avance Alassane Thiam, un des occupants.

Dans un pays dominé par un islam de type confrérique, l’usage du chapelet fait l’objet de nombreuses controverses et varie d’une confrérie à l’autre. La longueur, la forme et la place du chapelet dans les pratiques quotidiennes des musulmans diffèrent, selon qu’on soit mouride, tidiane, layène et autres. Ces derniers sont d’ailleurs intransigeants par rapport au chapelet. « Si par hasard vous oubliez votre chapelet a la grande mosquée de l’Ucad. C’est par un morceau de bois qu’ils le prennent pour le sortir de la maison de Dieu », témoigne un étudiant niassène qui dit avoir assisté à une telle scène. Les wahabistes, eux, considèrent le wird comme un « Bida », c’est-à-dire un acte non recommandé par Dieu et qui n’a non plus été pratiqué par le prophète de son vivant. Donc une innovation religieuse, illégale et à bannir.

Couteau à double tachant, le chapelet n’est que cet outil par lequel le musulman fortifie sa foi et se rapproche de son créateur. Il peut aussi servir à faire du mal, par des prières négatives et autres actes mystiques. Tout dépend donc de l’usage qu’on en fait.

Source : EnQuête

Thierno Malick Ndiaye