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Il y a 50 ans : La ‘’dualité du pouvoir’’, le 17 décembre 1962.

Rédigé par leral.net le Dimanche 16 Décembre 2012 à 17:01 | | 0 commentaire(s)|

A l’occasion du 17 décembre 2012, nous avons tenu à revisiter, à l’intention de la jeune génération, sevrée de l’histoire politique de notre pays, le livre du Président Mamadou Dia ‘’Mémoire d’un militant du Tiers Monde’’ ; édit. PUBLISUD, 1990, page 110 et 111.


Nous le faisons car certains, sur un aspect crucial de ces évènements continuent de soutenir que le Président Dia a tenté de perpétrer un coup d’Etat contre le Président de l’époque, Léopold Sédard Senghor, avec qui il a été loyal jusqu’au bout. Voici un entretien entre les deux hommes et un témoignage du Président Dia qui montre que s’il y avait dualité du pouvoir, ce n’était pas dans le but de disputer le pouvoir, ni de lorgner le fauteuil du Président (Senghor) qui avait parfaitement avalisé cet état de fait.

D’ailleurs, à l’intention de ses contempteurs, il a eu à faire cette réplique cinglante : ‘’On fait un coup d’Etat pour prendre le pouvoir. Moi j’avais tous les pouvoirs. Voici la suite de ce témoignage tiré du livre en question. :

3) La République du Sénégal et les taches de consolidation de l’indépendance.

‘’ Notre tâche était de mettre rapidement en place les nouvelles institutions sénégalaises, élaborer la nouvelle constitution. J’ai voulu tout de suite mettre Senghor à l’aise. ‘’Nous voici, maintenant, entre sénégalais. Partout se constituent des régimes présidentiels. Peut-être est-il venu, le moment d’instituer, à l’instar des autres, un régime présidentiel. Si c’est ton avis, j’en suis d’ores et déjà d’accord. Nous modifierons, en conséquence, la Constitution’’. Il m’a répondu : ‘’ Pas question de faire un régime présidentiel ! Au Sénégal, ce n’est pas la même chose qu’ailleurs… Tu as fais tes preuves, il faut que tu restes à la tête du gouvernement, que tu conserves tes pouvoirs de chef de gouvernement, de président du Conseil, type quatrième République’’. Nous ne sommes pas trop à deux, précisait-il. Je me contenterai d’être le président de la République. C'est-à-dire une sorte de (Mawdo : terme pulaar, désigne l’Ancien, l’ainé du clan, situé au sommet de la hiérarchie sociale)’’.

‘’C’est dans ces conditions, que la Constitution a consacré un régime bicéphale : Président du Conseil et Président de la République’’.

‘’ Il ne faudra pas plus d’un an, dit le Président Dia, pour que le même Senghor trouve que ‘’ce n’est pas tout à fait çà’’… Il est vrai que… j’avais les pouvoirs. Mais cela, il l’avait voulu. C’était son accord. C’était même sur sa proposition’’.

Au fait, Senghor n’était-il un peu …jaloux, quelque part, de la popularité du Président Dia ? En tout cas après l’élimination de son ami, et la révision de la constitution à son gout. C'est-à-dire conforme à ses ambitions (car le régime parlementaire institué par la suite ne l’était que de nom),il s’est senti épanoui pour faire le tour du monde, pour faire également étalage de ses connaissances littéraires et non à chercher réellement, à développer son pays. Au contraire, il s’est attelé à persécuter (les autres militants progressistes, Tidiane Ly Baidi Ly, Cheikh Anta Diop, etc ) et à combattre à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, tous ceux qui portaient la vision progressiste du président Dia. Voyons la suite :



‘’ J’avais les responsabilités ; les mesures impopulaires, c’est moi, aussi qui les endossait, qui les assumais. Il était, tout à fait normal qu’on parlât de moi, non seulement à l’intérieur du Sénégal, mais à l’extérieur, également. Dans les conférences de chefs d’Etats et de gouvernement, c’est moi qui avais le dernier mot, en tant que président de Conseil, nanti des pouvoirs… Je crois que ce sont beaucoup de choses qui ont dû le gêner, après. Ensuite, sur le plan des relations extérieures, quand on invitait le gouvernement du Sénégal, on invitait surtout, le Président du Conseil et, un peu moins le Chef de l’Etat car pour négocier, discuter des accords, l meilleurs interlocuteur c’était le détenteur des pouvoirs’’. C’est tout cela qui va créer un nouveau climat. Senghor ayant accédé à ses fonctions de Chef de l’Etat, le protocole s’est interposé entre nous, alors qu’il n y a jamais eu cela jusque là’’.

‘’ En effet, nous étions véritablement des camarades (…) Chef de gouvernement, je me préoccupais lors des cérémonies, de le pousser toujours devant, pour tenir compte du fait que c’était, lui, mon leader. Mais depuis que nous sommes entrés dans cette phase-là-lui, très sensible aux questions de protocole- nos relations personnelles ont été autres’’.

‘’Ecrasé par les taches de gouvernement, et lui, également, pris par ses obligations de représentation, nous ne pouvions nous voir aussi souvent que nous nous voyions auparavant’’.

‘’A cela s’est ajouté l’écran du protocole, et nos relations commençaient à se distendre’’

Voici là où gît le lièvre, la radicalisation du système économique !

‘’Par ailleurs et surtout, il y a qu’il n’était pas d’accord, sur le plan politique, sur le plan des orientations, qui pourtant, avaient été définies par le Parti : la radicalisation de notre système économique… A tout cela, il n’était pas acquis. Et il s’y ajoute que ma politique commençait à susciter des craintes, du cotés de milieux capitalistes…’’

‘’Nous n’avions pas l’occasion de discuter de cette radicalisation, Senghor et moi, par ce qu’il l’évitait. Il ne m’a jamais contré sur ce plan. Il a toujours acquiescé. Un acquiescement du bout des lèvres, il est vrai. La suite devait le prouver’’.

Parfois on est tenté de dire que l’histoire se répète.

‘’Et puis il y eu maintes situations conflictuelles étouffées. Par exemples au niveau de l’Assemblée Nationale, les députés une fois, ont profité de mon absence du Sénégal pour se faire voter une augmentation de leur indemnité, alors que nous avions bloqué les salaires des fonctionnaires et des ministres ! Senghor l’avait approuvé ! Quand je suis rentré, j’ai demandé la réunion du Conseil National (du Parti, Ndr), pour faire rapporter ces mesures’’.

‘’De même, certains députés avaient contractés des dettes importantes auprès des anciennes SMDR. Dix millions, vingt millions, qu’ils ne payaient pas’’.

‘’ J’ai exigé le paiement de ces dettes. D’autres avaient pris des participations, des actions dans des sociétés anonymes qui venaient de se constituer. Quelquefois par personnes interposées… : leurs femmes, leurs enfants. J’ai dit que ce n’étaient pas normal ; ce n’était pas conforme à la ligne de notre parti. J’ai exigé que ces actions soient restituées… Quant à l’Assemblée Nationale elle avait décidé de s’octroyer, l’autonomie financière, de façon que les députés soient maitres de leur budget, puissent faire ce qu’ils veulent. Je me suis opposé. Ils ont passé outre… J’ai demandé que l’affaire soit portée devant le Parti’’.

‘’ C’est ça la motion de censure’’.

Nous pensons, qu’au regard de ce rappel historique, on se rend compte que le problème de fond qui opposait les Président Dia et Senghor, était essentiellement un problème de vision, d’orientations politiques, économiques qui n’étaient pas du goût des amis français du second, menacés dans leurs fortes positions économiques. Donc il est clair que si l’option et la vision du Président Dia étaient soutenues, on ne se mettrait pas là à disserter (comme le font certains économistes honteux), sur le fait que dans ‘’les années 60’ n le Sénégal avait un produit intérieur brut (PIB), supérieur que celui de la Corée du Sud qui nous a laissé en rade depuis longtemps. Nous disions récemment à un de nos amis, que le problème de l’Afrique, est dû au comportement d’une certaine élite félonne.

Tout le contraire de ce compatriote que le Président Dia, rend ici hommage. Il s’agit de Maitre Ogo Kane Diallo, membre du collectif des avocats à son procès.

‘’Quant à Ogo Kane Dialo, nous croyons lui devoir un hommage particulier. Pressenti par Ibrahima Sarr dont il était l’ami et alors qu’il n’était pas encore installé à Dakar, il n’hésita pas un seul instant. Il était un des rares militants d’extrême gauche, un des rares étudiants contestataires, qui, rentrés au pays ne s’était pas laissé séduire par Senghor. Il était un des rares à avoir résisté à la facilité et à la magouille. Resté pur et dur, parfaitement informés de tous les dessous moraux, psychologiques et politiques du procès, il mena une action efficace, à la fois dans les coulisses et sur le plan extérieur où il contribua largement à faire connaitre notre cause. Nous n’en voulons pour preuve que les nombreux témoignages et les pétitions qui ont afflué des différents coins du monde vers Dakar. Mais ce qui me rend plus sensible à son intervention à notre procès, c’est qu’il était un des chefs d’une opposition avec laquelle j’ai eu des heurts violents. Devant l’injustice et averti de l’enjeu du procès, il a, tout de suite, oublié les querelles d’antan pour se mettre au service de la vérité et de l’éthique politique’’.

L’éthique politique ! De nos jours, peu de gens s’en préoccupent. Voyons le comportement de nos gars, anciennement de gauche. Particulièrement celui de cette Dame, Pr. titulaire de chaire qui se contente, non seulement de remplir des fonctions semblables à celles d’une ‘’Dame de compagnie’’, auprès de la première Dame su Sénégal, mais se met au service de sa Fondation ‘’SERVIR LE SENEGAL’’, une ONG (Organisation Non Gouvernementale, plutôt Gouvernementale) douteuse, par ce que proche de la Présidence de la république. Et dire que sous le régime de Wade, elle combattait des magouilles pareilles. Ou semblait les combattre ?

Pour terminer, nous ne pouvons que recommander aux adultes et aux moins jeunes, la lecture de ‘’Mémoire d’un militant du Tiers Monde’’. Un livre plein d’enseignements aux plans : politique, économique, et historique

Dakar, le 16 décembre 2012.

Ababacar Fall-Barros.

Ex-membre du bureau politique d’AJ /Pads

Dakar.