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Interpellation des journalistes de "L'Obs" et du "Quotidien": Avenir "Senegaal bi ñu bëgg" s’interroge sur le bien-fondé des actes qui leur sont reprochés


Rédigé par leral.net le Vendredi 17 Juillet 2015 à 15:56 | | 1 commentaire(s)|

L’interpellation par la section de recherche de la gendarmerie, il y a quelques jours, des Directeurs de publication et de journalistes des organes de presse « l’Observateur » et « le Quotidien » et leur déferrement au Parquet, continuent d’émouvoir les professionnels de l’information et de susciter des questions chez les citoyens. Ces journalistes seraient poursuivis pour avoir, d’une part, publié des informations de secret-défense concernant le contingent militaire en instance de déploiement au Yémen et, d’autre part, retranscrit le procès-verbal d’audition du musicien Thione Seck dans la procédure judiciaire en cours sur l’affaire des faux billets de banque.
Au même titre que la majorité des citoyens, la Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » s’interroge sur le bien-fondé des actes qui sont reprochés à ces journalistes. Est-ce la publication des informations qu’ils avaient à leur disposition ou le fait de ne pas avoir voulu désigner, de bonne grâce, les personnes leur ayant fourni ces informations ?
La Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » rappelle à cet égard que la protection des sources d'information des journalistes, appelée aussi « secret professionnel », est à la base de la liberté de la presse, sous réserve, bien entendu, que les faits rapportés aient fait l’objet de vérifications et recoupements préalables. En tant que droit et devoir à la fois, la déontologie professionnelle des journalistes leur impose de prendre toutes les précautions pour que leurs sources ne puissent être identifiées, lorsque cette éventuelle identification risque de nuire à leur liberté de parole ou de mettre en danger leur situation ou leur sécurité et de ne jamais mentionner dans leurs articles des détails pouvant permettre d'identifier ces sources, a fortiori de livrer leur identité à quelque personne ou institution que ce soit.
Bien qu’une Convention internationale sur ce sujet soit en difficile gestation, toutes les démocraties avancées du monde l’ont inscrit dans leur droit positif.
Garanti en Europe par la Convention européenne des droits de l'homme et, depuis 2010, par la Convention européenne sur la liberté de la presse, le droit de protéger les sources journalistiques a fait l'objet d'une jurisprudence des plus protectrices de la Cour européenne des droits de l'homme, qui le définit comme une « condition essentielle au libre exercice du journalisme et au respect du droit du public d’être informé des questions d’intérêt général ».
De la même façon, les pays anglo-saxons ont l'habitude d'accorder ce droit à l'anonymat en priorité aux sources courant un risque (licenciements, discriminations, violences, etc.). Aux États-Unis, la liberté d'accès aux documents administratifs et informations classifiées, renforcée par le « Freedom of Information Act », est facilitée lorsqu'une source interne peut prendre le risque de signaler à des journalistes l'existence d'un document, en étant protégée par l'anonymat.
Au Sénégal, la loi n° 96-04 « relative aux organes de communication sociale, aux professions de journaliste et de technicien », qui régit pour l’instant la presse, est claire en la matière, en garantissant en son article 35 la protection du secret professionnel.
Dans tous les pays de démocratie, quelle que soit la portée de la notion de « viol du secret de l'instruction », la protection des sources d'information est estimée nécessaire, même en ce qui concerne des affaires judiciaires, pour que les journalistes puissent, soit recouper les informations émanant de l'institution judiciaire, afin de prendre du recul, soit d’empêcher l’étouffement d'une affaire, soit encore de recadrer les faits lorsqu'une partie du dossier est diffusée sans discernement.
Quant au « secret-défense », les exemples sont nombreux, notamment en France, de poursuites ou mises en examen pour « recel de violation du secret-défense » dans des affaires où des journalistes avaient publié des informations couvertes par le « confidentiel défense » et dont ils refusaient de révéler l’origine. Toutes ces affaires, bien que liées au renseignement et non à de simples informations sur la composition de troupes sensées entreprendre une mission de « sauvegarde de la paix », ont finalement abouti à des décisions de non-lieu au nom du droit à la protection des sources d’information.
L’arsenal législatif et jurisprudentiel en place dans ce domaine dans les différents pays étant très dense, nous ne saurions faire injure aux praticiens du droit et aux magistrats Sénégalais de penser qu’ils pourraient l’ignorer. Nous espérons donc, compte tenu de leur expertise et de leur indépendance et quel que soit l’état actuel de notre législation, que les principes juridiques fondamentaux seront respectés dans ces affaires et que le droit sera dit et rien que le droit.
La Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » se demande pourquoi le Sénégal, qui se targue d’être un Etat de droit, ne s’inscrirait pas dans une dynamique tournée vers la consolidation de notre jeune démocratie, plutôt que de chercher à museler la presse ? Certes, beaucoup d’efforts restent à faire pour moraliser la profession de journaliste, car la dépénalisation des délits de presse que les professionnels des médias appellent de leurs vœux, notamment à travers l’élaboration et l’adoption d’un Code de la presse, suppose certaines conditions, en termes de développement des capacités professionnelles et déontologiques d’une bonne partie des journalistes.
Jusqu’ici les membres de la Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg » étaient en droit de penser, à l’instar de la majorité des Sénégalais, que les services de la police, de la gendarmerie et de l’armée avaient les capacités et les moyens d'enquêter pour découvrir les sources des fuites répétitives qu'ils tentent d'enrayer sans devoir être obligés d’en passer par l’intimidation de journalistes qui n’ont eu que le tort de faire leur métier en donnant la bonne et juste information à l'opinion.
La Plateforme politique AVENIR « Senegaal bi ñu bëgg rappelle aux autorités que le droit à l'information plurielle du public est un droit « sacré », consacré par la Constitution en son article 8 ainsi que par les conventions internationales ratifiées par le Sénégal. La première des ruptures tant annoncées devrait commencer par respecter les textes et conventions auxquels notre pays a librement souscrit.

Dakar, le 16 juillet 2015