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Intoxications alimentaires : Ce qu’il faut savoir pour s’en prémunir - Par Demba Sow

Rédigé par leral.net le Lundi 13 Juin 2016 à 13:04 | | 1 commentaire(s)|

Intoxications alimentaires : Ce qu’il faut savoir pour s’en prémunir - Par Demba Sow
Intoxications alimentaires : ce qu’il faut savoir pour s’en prémunir. Les toxi-infections alimentaires sont très fréquentes au Sénégal mais, comme dans les autres pays, développés ou non, elles sont rarement déclarées sauf si elles ont un caractère collectif ou foudroyante. La presse sénégalaise relate régulièrement des cas d’intoxication alimentaire collective entraînant souvent des hospitalisations et même des pertes en vies humaines. Le dernier cas rapporté par la presse est l’intoxication d’une trentaine de personnes qui ont été évacuées dans les structures de santé de la ville de Guédiawaye. L’intoxication serait due à la consommation de mayonnaise et de foie vendus par une gargotière (restauratrice de rue). Ces types de toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont fréquents au Sénégal. La TIAC de Guédiawaye va nous servir de prétexte pour donner quelques informations utiles pour les consommateurs et les restaurateurs. Causes d’intoxication alimentaire. Une intoxication alimentaire est due à l’ingestion d'aliments contaminés par des agents étrangers qui sont généralement des bactéries, des virus et des parasites ou des substances toxiques comme les pesticides et les métaux lourds. Les bactéries sont responsables de la plupart des intoxications alimentaires soit en tant que bactéries, soit par la toxine qu’elles libèrent dans l’aliment. Les produits alimentaires les plus cités dans les TIA sont d’origine animale. Les aliments à base de viande, de lait et d’oeufs sont des denrées à haut risque deTIA. Les facteurs qui favorisent les TIA sont nombreux : rupture de la chaîne du froid, températures de conservation et de consommation inappropriées, Date Limite de Consommation (DLC) dépassée, cuisson insuffisante, manque d’hygiène du consommateur et du restaurateur, emballage inadapté ou souillé, exposition prolongée des produits à l’air libre et à la chaleur, insalubrité du local où est servi l’aliment, utilisation de l'eau insalubre… Pour minimiser la probabilité de toxi-infection alimentaire, le consommateur doit avoir des informations minimales sur les aliments et leurs conditions de conservation, de préparation et de consommation.

Produits réfrigérés : Les produits réfrigérés sont à maintenir entre 2°C et 6°C, jusqu’à leur consommation. Toute rupture de la chaîne du froid rend la denrée alimentaire potentiellement insalubre. Les produits réfrigérés ont des durées de conservation relativement courtes (environ 3 semaines). Ce sont des produits à Date Limite de Consommation (DLC). La DLC est impérative, donc à respecter scrupuleusement Tout produit à DLC dépassée est potentiellement toxique. Il ne peut plus être consommé. Il doit être détruit obligatoirement car il est potentiellement impropre à la consommation humaine.

Produits congelés : Les produits congelés doivent être maintenus à des températures inférieures ou égales à-18°C. Les températures supérieures à -18°C ne garantissent pas que tous les micro organismes présents dans le produit alimentaire sont inhibés. Les produits congelés sont dits surgelés s’ils proviennent d’une matière première de bonne qualité, congelés de manière précoce et ultra rapide et maintenus à une température inférieure à-18°C. Sans rupture de la chaîne du froid, les produits surgelés sont sûrs et ne sauraient provoquer une TIA. Ils sont consommables même si leur date Limite d’Utilisation Optimum (DLUO) est dépassée. Au-delà de la DLUO, le produit est non commercialisable mais consommable même si le fabricant de l’aliment ne garantit plus ses qualités organoleptiques et nutritionnelles. La DLUO est indicative et non obligatoire. La destruction des produits à DLUO dépassée n’est pas recommandée car aux antipodes du développement durable. Les produits décongelés doivent être consommés immédiatement. Il est utile de rappeler que le froid ne tue pas les bactéries, il ne fait que les inhiber totalement (surgélation) ou ralentir leur métabolisme (réfrigération). Une fois l’aliment décongelé, les micro organismes retrouvent leur vitalité dans un environnement plus propice à leur prolifération. Il est ainsi formellement interdit de recongeler un produit décongelé. La décongélation des aliments doit être faite dans le compartiment à température positive du réfrigérateur et non à l’air libre, à la température ambiante, encore moins dans l’eau.

Produits stérilisés. Le traitement thermique appliqué à ces produits détruit tous les micro organismes causes potentielles de toxi-infections alimentaires. Ces aliments se conservent à la température ambiante. Les consommer n’expose pas à la TIA. Les aliments stérilisés sont des produits à DLUO. Ils sont consommables à DLUO dépassée, on ne doit pas les détruire tant que leur emballage garde son intégrité. Une fois le produit entamé, il doit être consommée immédiatement et le reste de la denrée est obligatoirement conservé entre 2°C et 6°C pendant 3 jours maximum. Le reste du contenu des conserves entamées doit être conservé si possible dans un contenant inerte (verre). En effet, une fois l’emballage de la conserve ouverte, il y a un réel risque d’oxydation du métal avec libérations d’ions dans le produit.

Produits pasteurisés. Les produits pasteurisés se conservent à environ 4°C sur une période ne dépassant pas 3 semaines. Ils peuvent contenir des spores pathogènes ou non et des bactéries de dégradation sous formes végétatives. Toute rupture de la chaîne du froid rend ces produits toxiques. Ce sont des denrées à DLC qui doivent être impérativement détruits au-delà de la date limite. Les aliments pasteurisés sont de très bonne qualité du point de vu organoleptique et nutritionnel. Ils coûtent cependant plus cher que les produits stérilisés à cause de leur conservation obligatoire à basse température.

Les produits UHT (emballage sous forme de brique), bien que stérilisés à très haut et température sur une courte durée (140°C, 3 secondes) sont considérés comme des aliments pasteurisés à cause de leur très bonne qualité quasi identique aux aliments pasteurisés. Les produits UHT sont à DLUO.

Produits secs. Dans le lot des produits secs se trouvent les graines (riz, mil, blé, mais, fonio, arachide, niébé,…) les poudres (lait en poudre, farine de blé, de mil, de mais,..) et les épis de mil, de mais, des gousses d’arachide... Les ennemi de ces produits secs sont les insectes, les rongeurs et l’humidité de l'air. Pour demeurer propres à la consommation humaine, les produits secs doivent être mis à l’abri des insectes et des rongeurs par des moyens appropriés. Dans ces conditions sécurisés, les produits secs doivent être conservés dans des chambres à humidité faible, à l’abri de l’eau. Toute élévation de l’humidité dans les chambres de conservation ou de silos de stockage des produits secs entraîne facilement et irréversiblement la dégradation de tels produits les rendant inaptes à la consommation humaine. Conservés dans de bonnes conditions, les produits secs sont à DLUO. Ils se conservent sur une longue période et consommables à DLUO dépassée mais ils ne sont pas commercialisables. Les produits secs à DLUO dépassée ne doivent pas être détruits tant qu’ils sont salubres.

Produits cuisinés. La cuisson des produits alimentaires s’accompagne toujours de destruction des micro organismes et donc de stérilisation. Ainsi, consommés immédiatement après la cuisson, les produits cuits sont sans risque pour le consommateur. Mais exposé à la température ambiante, sans système de réchauffement du produit, le risque d’intoxication est réel surtout en période de chaleur. Pour minimiser la probabilité de TIA, les produits servis chauds doivent être maintenus pendant le service, obligatoirement, à des températures supérieures à 65°C. La gargotière qui a servi le foie et la mayonnaise responsables probables de l’intoxication de 30 personnes à Guédiawaye n’aurait pas respecté cette disposition obligatoire imposée aux restaurateurs. L’aliment servi était certainement à une température comprise entre 4°C et 65°C, zone de grand danger en sécurité sanitaire des aliments.

Produits impropres à la consommation humaine. Des aliments sont impropres à la consommation humaine lorsque leur ingestion nuit à la santé du consommateur. De tels aliments sont insalubres et sont à l’origine, selon l’OMS, de 2 millions de décès par an dans le monde, surtout des enfants. Les agents (dangers) qui sont à l’origine des problèmes d’insalubrité ou d’insécurité alimentaire sont d’ordre biologique, physique ou chimique. Le produit insalubre est en général répulsif et le consommateur n’a pas envie de le manger. L’apparence d’un aliment n’est pas cependant suffisante pour le déclarer impropre à la consommation humaine mais elle est suffisante pour déclencher une procédure de son analyse par un laboratoire accrédité si possible. Tenant compte de l'enjeu à la fois économique et sanitaire, un produit soupçonné d’être impropre à la consommation humaine doit être retiré du marché. Il ne doit être officiellement considéré comme insalubre que sur la base de résultats d’analyses effectuées conformément aux normes en vigueur. Le riz qui a occupé la une de la presse sénégalaise ces derniers temps ne semble pas avoir bénéficié de cette démarche responsable. Il a été déclaré impropre à la consommation humaine prématurément et c’est regrettable.

Pour la préservation de la santé des consommateurs, les gargotiers et autre restaurateurs, sans oublier les familles, doivent être sensibilisés pour qu'ils aient la bonne habitude de maintenir leurs produits servis chauds à des températures supérieures à 65°C et ceux servis froids à 4°C. S’il n’y a pas de TIA dans les Dibiteries et chez les Frokh Thiaya, c’est parce que ces restaurateurs servent leurs aliments biens cuits et toujours chauds. Je recommande aux familles et aux restaurateurs de bien cuire leurs aliments et de les servir toujours à des températures supérieures à 65°C car la viande au Sénégal est produite, transportée et vendue dans des conditions insalubres malgré un démenti superficiel et subjectif publié dans la presse, suite à ma contribution sur les abattoirs du pays. Je recommande également aux consommateurs et aux restaurateurs l’observation rigoureuse et continue des 5 clefs de l’OMS : Clef 1: Prendre l’habitude de la propreté;
Clef 2: Séparer les aliments crus des aliments cuits;
Clef 3: Faire bien cuire les aliments;
Clef 4: Maintenir les aliments à bonne température;
Clef 5: Utiliser de l’eau et des produits sûrs.

Pr Demba Sow
Ingénieur Frigoriste IFFI CNAM Paris