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Je préfère la patrie, mais je défendrai mon parti avant la patrie !

Rédigé par leral.net le Jeudi 14 Mars 2013 à 21:50 | | 0 commentaire(s)|

La gouvernance sobre, vertueuse, de rupture prônée par son excellence le président Macky Sall, trouve tout son sens dans le fameux slogan inspiré par l’actuel locataire du palais de l’avenue Roume : « la patrie avant le parti ! ».


Je préfère la patrie, mais je défendrai mon parti avant la patrie !
Ce cri de ralliement est, pour le moins , dès sa première lecture , tellement impactant ; il est rassembleur et confère à son géniteur un préjugé favorable dans l’exercice de sa haute mission en termes d’équidistance entre les acteurs politiques , de respect de la séparation des pouvoirs , d’égalité des chances pour tous les citoyens , de lutte contre le clanisme et l’impunité bref de promotion de la bonne gouvernance .

Je salue l’initiative dans ses principes et dans ses fondements moraux mais émets de sérieuses réserves dans son application ; dès lors je ne pus m’empêcher de me demander s’il existait un antagonisme entre la patrie et le parti ? Etre militant empêcherait-il d’être patriote ?

Pour rappel, le mot patrie (Vater land ou Heimat en allemand ou father land ou birthplace en anglais) désigne étymologiquement, le pays des pères. Une version relativement moderne dit que la patrie est le pays, la nation pour laquelle on est prêt à se sacrifier ; c’est le lieu où l’on a ses attaches familiales et/ou émotionnelle. Le parti politique, lui, est une association organisée qui rassemble des citoyens unis par une philosophie ou une idéologie commune, dont elle cherche la réalisation, avec comme objectif la conquête et l’exercice du pouvoir.

Ainsi, de mon point de vue, la patrie et le parti sont intimement liés à l’image des deux lames d’une paire de ciseaux, l’une ne pouvant aller sans l’autre ; proprement le parti politique travaille pour la patrie et ses citoyens.

Pourtant cette noble réclame, chère au chef de l’Etat, semble l’éloigner du seul véritable outil dont il dispose pour bien diriger le pays et réussir son « yoonu yokuté », son parti politique en l’occurrence l’Alliance pour la République (APR). Il doit comprendre qu’il ne pourra rien réussir sans un parti politique fort ; absolument il doit s’adosser sur un APR massifié, exceptionnel appareil politique, pour asseoir davantage de légitimité, de confiance donc de sérénité dans l’accomplissement de sa mission. Un parti présidentiel ne doit pas douter de ses capacités, il doit être puissant et craint.

Tenir un conseil interministériel sur la communication gouvernementale avec une déclinaison précise des grandes orientations est pertinent ; mais il est encore plus judicieux d’identifier et de disposer au préalable d’une redoutable machine de guerre prête à livrer et à gagner les batailles de la communication les plus épiques. A ce jour la communication de l’establishment Sall souffre pour beaucoup d’une absence notoire de vrais défenseurs prêts à se constituer en sentinelles et boucliers pour le chef. La communication, qu’elle soit présidentielle ou gouvernementale, est purement politique et requiert des acteurs aguerris et dotés d’une culture politique éprouvée. Ici, elle poursuit deux impératifs : l’obligation d’existence et l’obligation de pertinence. Exister pour ne pas laisser la place aux autres (la nature ayant horreur du vide), être pertinent pour convaincre (même sans avoir raison).Je préfère la communication proactive à la communication de réaction ; l’APR doit imprimer le rythme en animant la vie politique du pays bref elle doit faire et défaire l’actualité.

Le balbutiement prêté à la communication gouvernementale n’est que le reflet d’un déficit criard en engagement militant noté du côté de la majorité; il en serait autrement que je serais particulièrement surpris tant les intérêts sont divergents dans Benno Bokk Yakaar. Au rendez-vous du partage du gâteau tout le monde répond présent non sans rappeler la fameuse rengaine « on gagne ensemble, on gère ensemble » mais quand il s’agit de défendre le soldat Macky aucun allié ne se mouille réellement ; sinon comment comprendre le silence coupable (quid de la solidarité gouvernementale ?) de ces derniers sur les sujets sensibles de l’heure que constituent la médiation pénale et la problématique de la mendicité au Sénégal. A quelques encablures des élections locales, la raison politique sinon la realpolitik commande d’affiner au mieux son image et d’éviter comme la peste toute attitude ou position susceptible d’entamer sérieusement sa crédibilité pour laisser au chef de l’APR et à son écurie le sale boulot. En réalité , Macky Sall est trop seul et exposé pour un président de la République , autrement il aurait sollicité l’avis et la collaboration d’une personne ressource autre que maître Elhadji Diouf ( si l’on en croit ses propres déclarations) sur un sujet éminemment stratégique , technique et politique qu’est la traque des biens mal acquis . Le militant engagé qui croit en un idéal politique, vit et porte les idées et projets du chef pour lequel il est prêt à assumer seul les erreurs au péril de sa carrière en se constituant volontiers « fusible » ; jamais il ne pensera convoquer un point de presse pour se dédouaner et tenter d’enfoncer son leader. Rien que pour cet exemple, je préfère le militant engagé à l’allié. J’admire, sans partager souvent ses méthodes, l’engagement militant du président Moustapha Cissé Lô, il est un modèle de cohérence et de courage politique.
Nous autres sénégalais, de quelque bord où l’on se situe, avons intérêt à disposer d’un exécutif fort, siège de toutes les espérances et espoirs en ce qu’il définit la politique de la nation, sans préjudice d’une réelle et nette séparation des pouvoirs. Gouverner, c’est prévoir mais c’est surtout prendre des risques pour un pays où tout est prioritaire ; ce qui suppose la nécessité de faire reposer l’action du chef de l’Etat sur un socle politique solide à même de lui permettre de porter et de proposer au peuple sénégalais les rêves les plus révolutionnaires et improbables.
Pour être véritablement efficace au service de la mère patrie, le Sénégal, absolument son excellence le président Macky Sall devra rapidement et inéluctablement faire de l’APR le parti le plus représentatif du landerneau politique national ; et ceci à tout prix.
Nous tenons d’Albert Einstein, je cite : « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ». En politique aussi.



Dr Mamadou Badara Seck
mamadoubadara@yahoo.fr