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Journalisme et Communication : Le nouveau code de la presse doit faire la différence


Rédigé par leral.net le Jeudi 11 Février 2016 à 09:50 | | 0 commentaire(s)|

Journalisme et Communication : Le nouveau code de la presse doit faire la différence
Le nouveau code de la presse que les députés avaient refusé de voter va retourner à l’assemblée nationale après amendements. La question de la dépénalisation des délits de presse qui constituait la pomme de discorde entre les élus et les acteurs du secteur, notamment les journalistes, a été semble- il supprimée et la pénalisation maintenue pour sortir de l’impasse, d’après une voie autorisée, celle du directeur de la communication, relayée ces derniers jours par les organes de presse.

Cependant, il importe de noter que le législateur n’a pas pris en compte une question essentielle qui relève de l’éthique et de la déontologie, à savoir la confusion entretenue dans la pratique entre journalisme et communication. En effet, ce dernier vocable renvoie ici à l’activité de conseil, de gestion et d’organisation de l’information et des activités de communication au service d’une entreprise ou d’une organisation. Etant entendu que les deux termes « entreprises et organisations » sont génériques et renferment toute entité et toute forme de structure, publique ou privée réunissant des hommes et des femmes qui œuvrent pour des objectifs qui leurs sont communs. D’où la dénomination « Communication des entreprises et des organisations » désignant la discipline ou le domaine d’activités, appelée aussi communément « Communication d’entreprise » ou « Communication » tout court. Du point de vue des méthodes, des approches et des objectifs qu’elle poursuit, la communication est totalement différente du journalisme. En fait, un journaliste, travaille dans une rédaction. Et à moins qu’il ne soit partisan, il est au service de l’opinion publique et par conséquent au service des citoyens et de l’intérêt général, alors qu’un conseiller en communication ou une personne exerçant une fonction analogue (conseiller ou attaché de presse, chargé de communication ou de relations publiques, consultant en communication) est au service d’une organisation quel que soit son caractère, politique, économique, commercial, social, culturel, administratif, sportif, religieux ou autre. Donc, ces professionnels de la communication défendent les intérêts particuliers de ceux auprès de qui, ils sont engagés financièrement ou bénévolement.

Pour illustrer cette confusion au Sénégal, nombreux étaient les journalistes qui ont proposé leurs « services » aux formations politiques durant la dernière élection présidentielle et législative. A ce sujet, certains ont signé des articles clairement favorables au parti ou à la coalition de partis pour laquelle ils ont travaillé. C’est le lecteur qui a été finalement abusé, lui qui ne lisait plus un journaliste animé par un souci d’objectivité, mais un conseiller partisan et tendancieux. L’équilibre de l’information s’en est trouvé affecté. Il en est de même aujourd’hui de ces journalistes qui ont un pied dans une rédaction et un pied dans une entreprise ou une organisation (par exemple ONG) ou encore dans une institution publique (les ministères et les agences notamment) et qui entretiennent la confusion à tel point qu’on ne sait plus quel métier ils exercent. Car, ils quittent de plus en plus les rédactions, leur cadre professionnel par définition et se retrouvent dans un autre environnement de travail aux réalités différentes. Donc, la reconversion des journalistes qui vont en entreprise aboutit à un métier totalement différent. Dans la pratique, on ne peut pas être juge et parti. Jouer sur les deux registres constitue un coup porté à l’équilibre et à l’objectivité de l’information et par conséquent à l’éthique et à la déontologie des deux métiers. Le CORED doit aussi se saisir de cette question comme de celle relative au binôme journalisme et publicité qui sont incompatibles afin d’instaurer un large débat en son sein pour sensibiliser ses membres et éclairer les décideurs ainsi que l’opinion publique.

Pour revenir au nouveau code la presse, les pouvoirs publics sont interpellés. Le législateur doit combler ce vide et s’inspirer aussi des meilleures pratiques telle que cette sorte de mesure transitoire instaurée sous d’autres cieux et qui consiste, pour les ex conseillers en communication qui voudraient redevenir journaliste, à observer quelques mois de pause avant de réintégrer une rédaction.


Mouhamadoul Mokhtar Kane
Consultant en communication et en relations internationales, Président de l’APROCOM (Association des Professionnels de la Communication des entreprises et des organisations)
moukhtarkane@gmail.com