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La Crei en réforme - Par Madiambal Diagne

Au risque de nombreux procès d’intention, nous nous étions insurgés, à plusieurs reprises, contre les règles de fonctionnement de la Cour de répression de l’Enrichissement illicite (Crei). Nous avons toujours considéré que la procédure devant cette juridiction ne garantit nullement l’observance des règles essentielles d’un procès juste et équitable. L’air du temps était peut-être de hurler avec les loups et certains loups ne se rappelaient plus qu’ils étaient bien aphones au temps où nous, au Quotidien, nous croisions le fer avec Karim Wade du temps de sa toute puissance. Quel tribut n’avions-nous pas payé pour avoir bravé le fils du Président Wade, qui avait la haute main sur tout ce qui comptait dans ce pays ! Nous dénoncions sans aucune concession, ses pérégrinations à bord de jets privés ; nous dénoncions sa gabegie avec l’organisation du Sommet de l’Oci avec des villas présidentielles payées par le trésor public à plus de 20 milliards de francs et jamais livrées ; nous dénoncions la réfection de l’Hôtel King Fahd Palace à hauteur de plus de 25 milliards de francs et une réfection jamais achevée alors que le Radisson Blu a été sorti de terre avec le même investissement ; nous étalions à longueur de colonnes, ces affaires qui sont devenues les gros scandales de la République, comme le tunnel de Soumbédioune, la réparation de l’avion présidentiel La Pointe de Songomar, les concessions de la gestion du port de Dakar et des aéroports de Dakar et de Diass, de la Suneor, du Chemin de fer, des Industries chimiques du Sénégal ou de l’autoroute à péage et les extravagances du Plan Taakal entre autres.


Rédigé par leral.net le Lundi 26 Octobre 2015 à 12:51 | | 0 commentaire(s)|

La Crei en réforme - Par Madiambal Diagne
Il faut réfléchir par l’absurde ou même vraiment réfléchir comme un imbécile, pour penser qu’en relevant les tares de la Crei, nous étions dans une posture intéressée en défendant Karim Wade et ses acolytes. Que pouvions-nous attendre d’un Karim Wade en prison et que nous lui avions refusé du temps où il avait tout, où il pouvait se montrer prodigue comme il ne manquait pas de le faire au profit de ses amis ? Nous avions donc estimé qu’il fallait indubitablement une reddition des comptes et tous les actes de prévarication punis. Seulement, nous trouvions que l’activation de la Crei procédait d’un déni de justice. Aujourd’hui, Mme Aminata Touré, ancienne ministre de la Justice et ancienne Première ministre qui incarnait, plus que quiconque, la traque des biens mal acquis, a révisé ses certitudes. Dans une émission de télévision réalisée en partenariat entre Seneplus.com et Le Quotidien et enregistrée le 17 octobre 2015, elle réfléchit à haute voix en indiquant sans ambages : «Il faut faire évoluer la Crei vers des normes plus conformes à la démocratie (…) Il y a une réflexion qui est en cours.» Le Président Macky Sall lui-même a abondé dans le même sens hier sur le plateau de la chaîne française d’information continue i-télé. Nous ne disions pas autre chose. Il reste que les dénis de justice dans le cadre de ces procédures continuent. L’Etat du Sénégal viole ses lois en décidant déjà de la confiscation des patrimoines des personnes condamnées par la Crei. En effet, la conservation foncière a fini de muter au nom de l’Etat du Sénégal, des biens immobiliers considérés appartenir à Bibo Bourgi par exemple. La procédure apparaît on ne peut plus illégale dans la mesure où l’arrêt de la Crei, condamnant notamment Karim Wade, Bibo Bourgi et Pape Mamadou Pouye, n’est pas encore définitif pour cause de procédure de rabat d’arrêt en cours, initiée depuis le 25 août 2015 par les conseils de Bibo Bourgi. La loi organique 2008-35 du 7 août 2008 portant création de la Cour suprême dispose dans ses articles 51 et 37 qu’en matière pénale, la procédure en rabat d’arrêt suspend l’exécution des effets de l’arrêt en cause, à l’exception des condamnations civiles. En l’espèce, l’Etat du Sénégal ne peut, avant le sort définitif réservé à la demande en rabat d’arrêt, au plus qu’exiger le paiement des dommages et intérêts pour un montant de 10 milliards de francs Cfa prononcés par la Crei. Or, en procédant à la mutation des biens immobiliers, l’Etat exécute la confiscation des biens ordonnée par la Crei. Il s’y ajoute que certains des biens immobiliers sont inscrits au nom de personnes privées qui n’ont pas été installées dans la cause jugée par la Crei. La démarche apparaît ainsi doublement comme une forfaiture. Le même élan pour exécuter la décision de confiscation des biens s’est aussi traduit par la décision prise le 18 septembre 2015 par l’Etat du Sénégal de mettre des sociétés comme Ahs dans le patrimoine public. On se demande bien ce qui presse tant pour que l’Etat du Sénégal ne puisse pas attendre quelques mois encore, le temps de connaître le sort que la Cour suprême réservera à la demande en rabat d’arrêt. Dans cette affaire, l’Etat du Sénégal a pris de gros risques inutiles. Cet empressement qui, du reste, constitue une violation manifeste de la loi, à mettre la main sur les biens est sujet à caution et le Centre de règlement des différends internationaux (Crdi) à Paris, saisi en procédure d’arbitrage, peut légitimement s’étonner du fait que le Sénégal n’ait pas daigné attendre d’épuiser toutes les procédures internes avant de se mettre à exécuter la décision rendue par la Crei.
Dans un Etat de droit, la fin ne justifie pas les moyens. Une autre situation encore plus cocasse, est la décision prise de confier la gérance de Ahs tombée, de fait, dans le giron de l’Etat, à Abdoulaye Sylla qui était désigné par la Commission d’instruction de la Crei comme administrateur provisoire. La moindre des prudences aurait voulu que les autorités de l’Etat cherchent à savoir les conditions et les résultats de l’administration provisoire avant de continuer un quelconque bail avec l’administrateur provisoire. A ce que l’on sache, la désignation des organes dirigeants de sociétés de droit public au Sénégal obéit à certaines règles précises. Il y a lieu de s’interroger sur les fruits de l’administration provisoire quand on entend les syndicalistes de l’entreprise fulminer. Pourtant, Ahs a toujours été présentée comme une société florissante. En 2012, la société avait déclaré un bénéfice de 350 millions de francs et l’administrateur provisoire nommé en 2013, dans son premier rapport à la Commission d’instruction de la Crei, se félicitait de sa bonne gestion en annonçant avoir augmenté le bénéfice de plus de 12%. Des dividendes n’ont pas été distribués, on peut légitiment se demander ce qu’il advient de tout ce magot constitué depuis lors.