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La France rejette le Tafta. Qu’attend l’Afrique pour rejeter les APE ?


Rédigé par leral.net le Lundi 4 Juillet 2016 à 22:09 | | 0 commentaire(s)|

Au moment où la Cédéao met la pression sur le Nigéria et la Gambie pour qu’ils signent les Accords de partenariat économique (APE), la France par la voix de son Premier ministre Manuel Valls vient de rejeter toute idée de signature de l’Accord transatlantique de libre échange (Tafta) avec les Etats Unis. Par parallélisme des formes, l’Afrique doit aussi rejeter les APE parce que nous avons plus de raisons de rejeter les APE, que la France en a pour rejeter le Tafta.

Le dimanche 26 Juin dernier, le Premier ministre français Manuel Valls déclarait devant les militants PS à Belleville-sur-Mer en Seine-Maritime en Normandie que « Dorénavant, aucun accord de libre-échange ne doit être conclu s’il ne respecte pas les intérêts de l’Union. L’Europe doit être ferme. La France y veillera. Et moi, je vous le dis franchement, il ne peut pas y avoir d’accord de traité transatlantique. » Pour rappel, le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (Transatlantic Trade and Investment Partnership - TTIP) aussi appelé Trans-Atlantic Free Trade Agreement - Tafta (Accord transatlantique de libre échange) est un projet d'accord commercial instituant une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et l'Europe. Lancé depuis 2003, il peine à se concrétiser du fait des lenteurs de l’Union européenne.

J’avais déjà, dans une contribution intitulée : « Signature des Ape, le Président Sall signe l'arrêt de mort de l'économie sénégalaise », donné les raisons fallacieuses invoquées par l’Union européenne pour bloquer les négociations avec les Américains. Je disais qu’en vérité, « l'UE veut juste protéger ses agricultures et éleveurs. Parce qu'avec la puissance des multinationales américaines, la signature de l'accord provoquera l'envahissement du marché européen par des produits américains qui provoqueront le déclin du secteur agricole européen ». Manuel Valls, par sa sortie, vient de confirmer mon analyse quand il martèle que le Tafta «imposerait (...) une vision qui serait mauvaise pour notre économie ». Voilà qui est clair. Loin de moi l’idée de clouer au pilori le Premier ministre français, au contraire, je salue son courage et sa ténacité à défendre les intérêts de son pays. La sortie au vitriol de M. Valls contre le Tafta doit servir d’exemple aux dirigeants africains. Ils doivent comprendre qu’on ne doit pas avoir d’état d’âme quand il s’agit de défendre les intérêts de son peuple. A présent, la question qui se pose est de savoir si le Président Macky Sall, ancien président en exercice de la Cédéao a défendu comme il se doit les intérêts de son pays ? Pour moi, la réponse est non.

Il nous faut des Thomas Sankara, Patrice Lumumba… Le discours de Valls selon lequel le Tafta « ne va pas dans le bon sens » devait être celui des dirigeants africains face aux APE. Mais ils n’ont pas eu le courage de le faire. Toutefois, je les invite maintenant à s’engouffrer dans la brèche ouverte par Manuel Valls pour dire : « lesAPE ne vont pas dans le bon sens » et « il ne peut pas y avoir d’accord ». Il faut craindre que malgré la brèche ouverte, qu’il n’y ait aucune dénonciation des Africains. Car il faut être courageux pour le faire. Et il me semble que c’est ce qui manque à nos dirigeants. D’où le regret de ne pas avoir aujourd’hui des Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Sékou Touré -même si je ne le porte pas tellement dans mon cœur… pour dire NON à l’Europe sur les APE. En attendant, espérons qu’avec la sortie de Valls, les dirigeants de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) vont mettre la pédale douce dans la pression exercée sur le Nigeria et la Gambie pour qu’ils signent les APE. En effet, lors du Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao qui se tenait début Juin à Dakar, la Cédéao a demandé au Nigeria et à la Gambie de «prendre des mesures urgentes pour la signature » des Accords de Partenariats économiques-APE AO-UE. De cette dénonciation du Tafta par Manuel Valls, il ressort que nos dirigeants font fausse route en signant les APE. Parce que si la 9ème puissance économique mondiale, la France en l’occurrence, rejette un accord de libre-échange entre pays riches du fait des effets dévastateurs de cet accord sur son économie ; les dirigeants africains doivent réfléchir mille fois avant de songer engager des négociations sur des accords de libre de libre-échange entre pays très riches et pays très pauvres. Parce que nous n’avons pas les mêmes armes. Or, avec les APE, c’est un face-à-face entre un homme disposant d’une bombe atomique (Europe) et un autre disposant d’un fouet (Afrique) à qui vous demandez de se faire la guerre.

Bravo aux intellectuels, hommes politiques et leaders de la société civile qui disent non !

La vérité est que nos pays ne tireront aucun profit des APE qui n’ont aucun fondement logique en matière développement pour l’Afrique, si ce n’est pour l’Europe. Parce le vieux continent est dans une logique de conquête de nouveaux marchés pour ses entreprises et accroître ainsi son développement en appauvrissant davantage les pays pauvres. Cette position moralement abominable est une vision ultra-libérale qui prédomine aujourd’hui dans les institutions internationales. Il appartient aux autorités africaines de s’entourer d’hommes et de femmes capables de leur fournir de bonnes analyses et des positions à défendre pour préserver nos intérêts. Or au Sénégal, les collaborateurs du Président de la République l’induisent en erreur en lui faisant croire que les APE sont profitables à l’économie nationale alors qu’il n’en est rien. On a beau essayé d’être optimiste, mais il faut vraiment désespérer de nos dirigeants et hommes politiques. Surtout que les Parlements qui devaient nous défendre se distinguent par une soumission inconditionnelle au Palais. C’est pourquoi il ne faut rien attendre des députés, car si le projet est soumis à l’Assemblée nationale, il passera comme lettre à la poste.
C’est le lieu de saluer et remercier les intellectuels, hommes politiques et leaders de la société civile qui se mobilisent pour faire capoter ce projet destructeur de nos économies embryonnaires. Car le salut viendra de ce côté et non des hommes politiques. Et c’est triste !

Fait à Paris le 4 Juillet 2016
Par François Mendy
Journaliste
Master 2 Développement et Coopération internationale
Université Paris 1 Patéhon-Sorbonne
francomendy@gmail.com