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La problématique du système électoral et l’iniquité du mode de scrutin.

Rédigé par leral.net le Mardi 11 Février 2014 à 08:51 | | 0 commentaire(s)|

Le préambule de notre constitution proclame l’inaltérabilité de la souveraineté nationale qui s’exprime à travers des procédures de consultations transparentes et démocratiques. Dés lors, il apparaît dans la pratique le choix du scrutin mixte dont le soubassement est une combinaison de l’application des règles de la majorité et de la proportionnelle pour les élections des listes aux législatives et locales.


 Même, s’il y a d’autres modes de scrutin et des types de suffrage qui sont différemment utilisés dans les  grandes démocraties,  l’essentiel est donc d’apprécier  leurs effets  et surtout de voir si  l’option faite par notre pays prend  réellement en charge l’expression de la liberté permettant de bien élire nos dirigeants et de leur doter une légitimité populaire.
 Dans son livre intitulé ‘’De la démocratie en Amérique’’, le juriste penseur  français, Alexis de Tocqueville, écrivait, je cite : « Nos contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies, ils sentent le besoin d’être conduits et l’envie de rester libres. Ne pouvant détruire ni l’un, ni l’autre de ces instincts contraires, ils s’efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un pouvoir  tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en songeant qu’ils ont eux-mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu’on l’attache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne».
 
C’est dire que les citoyens sont au cœur du processus. Ils contribuent à l’organisation de leur société et assurent la délégation de leur souveraineté à travers le choix des gouvernants et des représentants au sein des assemblées délibérative. Le principe de la démocratie prévoit la délégation de pouvoir mais elle doit être fondée sur la rationalité.
L’élection se fait par les citoyens au suffrage universel direct, lorsqu’ils choisissent eux-mêmes  leurs représentants ; au suffrage universel indirect, lorsqu’ils désignent un collège électoral composé de grands électeurs qui procèdent à leur tour au choix des élus.
I – La typologie des modes de scrutins et leurs effets
Le mode de scrutin permet le passage du décompte des voix à la désignation des élus et, comme dans toutes les démocraties majeures, il se repose fondamentalement sur deux piliers :
Le scrutin majoritaire qui constitue le mode le plus ancien de désignation des élus, attribut soit un siège (scrutin uninominal), soit plusieurs sièges (scrutin plurinominal).
·         Dans  le scrutin uninominal majoritaire à un tour, par exemple s’il y a des candidats en compétition, celui qui obtient le plus de voix emporte le siège, au prix d’une injustice dans la représentation. Et, il résulte  pour celui arrivé en deuxième position comme pour le troisième d’être sous représentés ; quelque soit le nombre de voix engrangées, ils n’auront pratiquement  aucun élu.
·         Par contre, avec le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, la réussite au premier tour est conditionnée par l’obtention d’une majorité absolue des voix. Faute de n’avoir pas atteint ce seuil, un second tour est organisé. Seuls les deux candidats arrivés en tête pourront y participer. A ce stade, le ou les candidats peuvent trouver la possibilité de conclure des alliances ou de report de voix pour remporter le siège.
·         S’agissant du scrutin plurinominal à la majorité à deux tours, il est aussi appelé scrutin de liste, car on vote pour une liste de plusieurs candidats (élections législatives, municipales). Dans les petites communes en France, le panachage est autorisé et l'électeur n'est pas obligé de voter pour une liste entière. Alors, il peut composer son bulletin à partir des noms figurant sur les différentes listes et les suffrages sont comptabilisés individuellement.
Le  scrutin proportionnel, il se déroule généralement en un tour et l'attribution des sièges se fait proportionnellement au nombre de suffrages recueillis par chaque liste. Le calcul des sièges s’effectue selon des différentes méthodes (quotient électoral, système de compensation et seuil fixé). 
Le scrutin proportionnel est aussi censé donner une image fidèle de la situation politique, il conduit à la stabilité des formations politiques et assure leurs indépendances des uns des autres. Il fait enfin primer une logique de coopération et de partage du pouvoir.
·         Scrutin proportionnel plurinominal avec prime majoritaire, le mode de scrutin est un peu différent, il s'agit d'un scrutin proportionnel de liste avec prime majoritaire utilisé dans les élections des grandes communes en France. Cela signifie que l'on attribue d'abord la moitié (50%) des sièges à pourvoir à la liste ayant obtenu le plus de voix ; puis les autres sièges sont répartis entre toutes les listes qui ont eu environ 5% des suffrages exprimés, y compris la liste majoritaire. 
 
·         Scrutin proportionnel plurinominal à un tour, ce mode est généralement utilisé en France pour les élections au Parlement européen. 
Le scrutin mixte, il combine les règles des scrutins majoritaires et proportionnels ; par exemple c’est  le cas de notre pays pour les élections législatives et locales.  La liste arrivée en tête reçoit automatiquement la totalité des sièges de la majorité et le reste réparti à la proportionnelle avec un quotient électoral, inclus la liste majoritaire.
II- Les incongruités du mode de scrutin sénégalais
 Le mode du scrutin majoritaire est pratiquement utilisé dans toutes les élections organisées par notre pays. Il est à deux tours pour les présidentielles et à un tour pour les législatives et locales. C’est cela qui  explique d’ailleurs toutes les difficultés et crée des disparités entre les élus. Est-il acceptable pour un même système électoral qu’il ait des personnes bien élues à deux tours (légitimité populaire) et d’autres élus simplement à un tour (‘raw gaddu’) ?
Le mode scrutin majoritaire à un tour est ainsi caractérisé par une très forte tendance à mal traduire en nombre d’élus le poids réel de leurs représentativités sur l’électorat. Il amplifie de manière considérable la victoire de la formation politique arrivée en tête, lui attribuant une part des sièges bien supérieur à sa valeur représentative.
 Par exemple, dans une commune où il y a 40 sièges à pourvoir. On se retrouve avec 3 listes en compétition, la première liste obtient 20000 voix avec 40%, la deuxième liste recueillit 19999 voix avec 39% et la troisième liste bénéficie 17000 voix avec 21%. Avec l’application du scrutin majoritaire à un tour, c’est la première liste qui va prendre tous les 40 sièges et les autres dont la somme de leurs voix dépasse la première liste n’auront pratiquement aucun  siège.
C’est une aberration, dans le mode de scrutin majoritaire à un tour, la liste de candidats ayant obtenu le plus de voix est élue et peu importe le nombre recueilli pour les autres listes !
La France a connu plusieurs modes de scrutin tout au long de son histoire, entre 1791 et 1871, c’est le scrutin de liste qui prévalait. A partir de 1871, la majorité monarchiste avait institué le scrutin de liste majoritaire départementale à un tour, la liste arrivée en tête remportait  l’intégralité des sièges à pourvoir dans le département et les candidatures multiples étaient  autorisées. Plus tard, en 1945, c’est le Général de Gaulle qui fait adopter le scrutin proportionnel et puis en 1958 le régime de la cinquième République instaure le scrutin uninominal majoritaire, pour l’élection des députés. Ce mode de scrutin avantage les grands partis et donne plus de visibilité aux majorités stables. Il est cependant dénoncé par d’autres partis politiques français, notamment les Verts, qui réclament des élections proportionnelles jugées plus équitables.
Bref, l’option de notre pays pour le scrutin majoritaire à un tour aux élections législatives et locales, viole le principe du parallélisme des formes et renferme beaucoup d’incohérences. D’autant plus, dans le nouveau code général des collectivités locales, il est indiqué aux articles 42 et 95 que c’est le conseil municipal ou départemental qui élit au scrutin à deux tours et, à son sein, le Maire ou le président du conseil départemental.  Ceci est également valable pour l’élection de président de l’Assemblée nationale. Toutefois, on ne peut pas vouloir une chose est son contraire ! C'est-à-dire, admettre dans la  composante  des élus qu’on choisisse pour le même mode de scrutin, les uns à la  majorité à un tour et les autres à deux tours.
La démocratie c’est aussi la capacité à s’entendre sur les règles du jeu qui transcendent les considérations de partis politiques et s’attachent aux valeurs immuables de la République. Notre conception de la démocratie ne doit pas seulement se limiter au respect du calendrier électoral et à l’existence des conditions pour la réalisation d’une alternance au sommet du pouvoir. On devrait alors mener la réflexion, procéder au toilettage des textes et travailler à avoir un mode de scrutin plus attractif.
                                                                                             


  Alioune  Souaré
  Ancien député et membre du comité directeur du Pds