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Le reniement de Saint Macky ( El Hadji Malick Sall)


Rédigé par leral.net le Dimanche 28 Février 2016 à 12:53 | | 0 commentaire(s)|

Pauvres sénégalais. Encore et toujours bernés. Hier Wade, aujourd’hui Macky. D’une forfaiture, l’autre. A la fourberie de l’un succède celle de l’autre. La continuité y gagne, non la rupture.
Quelques idéalistes, ceux qui n’ont pas le sens tragique de l’Histoire, s’étaient, en 2012, réjouis de l’engagement de Macky Sall à réduire son mandat. Ils saluaient alors la promesse de l’aube et l’émergence d’un printemps démocratique. Mais les récents évènements leur donnent tort : le président ne respectera finalement pas son engagement et son mandat ne sera donc pas réduit.
L’aube est une nuit ; le printemps une ère glacière…
D’aucuns, dans le camp du pouvoir, feignent de croire que le président aurait agi par idéal, qu’il aurait manqué à son engagement au titre de son attachement à la Constitution, qu’il aurait été contrit mais contraint de renoncer à sa promesse, que seul un légalisme exigeant l’a guidé.
Il n’en est naturellement rien. La vérité est que si le président de la République n’a pas réduit son mandat, c’est qu’il ne l’a pas voulu.
Contrairement à ce que pensent certains (« rari nantes », l’Eneide), le président de la République n’était nullement obligé de se conformer à l’avis du Conseil Constitutionnel. L’article 51 de notre Constitution dispose que « le président de la République, après avoir recueilli les avis du président de l’assemblée nationale et du Conseil Constitutionnel, peut soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum ». Le président peut…c’est donc là une faculté, une prérogative que lui confère la Constitution. En l’espèce, il lui était donc loisible de ne pas suivre l’avis du Conseil Constitutionnel. Tel n’était pas son choix.
Mais évitons d’entrer, ici, dans un juridisme étroit. La promesse du président de la République de réduire son mandat est moins une question de droit qu’une question de morale. Elle est moins juridique qu’éthique.
Il est des circonstances où les valeurs morales, éthiques doivent primer sur la loi, le droit naturel sur le droit humain. Des circonstances où l’homme, par un moralisme de bon aloi, est légitimé à se soustraire aux lois humaines au titre d’une loi supérieure, la loi d’Antigone qui prime sur celle de Créon. C’est ce que nous enseigne Sophocle dans sa célèbre tragédie. A Thèbes, Antigone fait le choix d’enterrer son frère Polynice contre la volonté de Créon qui règne sur la Cité. Nos cœurs, de tout temps, vont vers Antigone. Nos intelligences aussi.
Cette référence grecque se transpose aisément au débat qui nous occupe ici.
Le respect de l’éthique, de la morale et de la parole donnée, c’est la loi d’Antigone. L’avis du Conseil Constitutionnel, à supposer qu’il soit contraignant, n’est que celle de Créon. Le choix qui s’offrait au président de la République ne pouvait donc être cornélien. La loi d’Antigone prime sur celle de Créon. Et la légitimité sur la légalité, fût-elle constitutionnelle.
Le président avait donc l’obligation morale de respecter sa parole. Quitte à démissionner de ses fonctions. Mais il a, hélas, choisi, en ce funeste 16 décembre, de s’affranchir des exigences morales et d’éthique inhérentes à la fonction présidentielle. Foin de l’éthique, foin de la morale, foin de la parole donnée. Foin encore de l’exemplarité sans laquelle un président en exercice n’a aucune légitimité. Seul un légalisme de façade, non une conscience exigeante, a présidé à son choix.
La démocratie représentative a fait du peuple le cocu de l’Histoire. Les élites méprisent, ingrates, le peuple qui les a excrétées. Leur devoir est de le représenter. Impunément, elles l’ignorent et le trahissent. En démocratie, les élites doivent tout au peuple : leur élection, leur dignité, leur pouvoir, leur statut…Le gîte et le couvert. Ainsi, trahir le peuple, c’est d’abord une ingratitude. La négation de l’origine. Psychanalytiquement : le meurtre du père…
Il y a quatre ans, Abdoulaye Wade se reniait ouvertement devant la nation ébaubie. Aujourd’hui, Macky sall lui emboîte le pas. A chaque président, désormais, son « wax waxéet ».Pauvres de nous.
La responsabilité, toutefois, nous en incombe : les ovidés grégaires méritent leurs bouviers.
Seuls les fauves, des belluaires.

EL HADJI MALICK SALL ELIMANE DONAYE