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Le témoin Ngarba Akhaye, ancien fossoyeur à la Dds: « On utilisait des sacs de riz comme linceul »

Après le passage du témoin Mahamat Maki Outman, dans le cadre du procès Hussein Habré, place à Ngarba Akhaye, cultivateur de son état, âgé entre 65 et 75. Cet ancien camarade de Clément Abaifouta à la prison des « Locaux » était, par le passé, fossoyeur. Il a, par ailleurs, montré à la Chambre africaine extraordinaire les traces de chicotes qu’il a reçu lors de son arrestation.


Rédigé par leral.net le Mardi 29 Septembre 2015 à 10:01 | | 0 commentaire(s)|

Arrêté le 11 juin 1986 à minuit dans son village, M. Ngarba Akhaye a fait face, ce lundi, à Dakar, aux juges des Chambres africaines extraordinaires (Cae), pour témoigner contre Hussein Habré ancien Président du Tchad. Il révèle avoir passé trois jours à la Dds avant d’être transféré à la Brigade spéciale d’intervention rapide (Bsir). « J’ai passé 3 jours à la Dds et 3 personnes sont venues me chercher pour m’amener à la Bsir pour me demander où étaient les vaches », a raconté M. Akhaye aux Cae. Il a, par ailleurs, étalé sa souffrance dans la prison des « Locaux » où il a trouvé Clément Abaïfouta. « J’ai été emprisonné au camp des martyrs avant d’être transféré à la prison des « Locaux ». C’est là-bas que j’ai trouvé Clément Abaïfouta. On m’a intégré à l’intérieur de cette commission qui se chargeait d’enterrer les morts. Si quelqu’un meurt dans la prison, c’est nous qui nous chargions de prendre le corps et de l’enterrer », relate-t-il non sans indiquer tout ce qu’il a subi comme torture à la prison. Ils ont utilisé la méthode « Arbatacha » pour me torturer. Ils m’ont aussi attaché dans un pneu.

Par ailleurs, le deuxième témoin du jour a expliqué à la Chambre comment lui et ses camarades fossoyeurs s'occupaient des morts avant leur enterrement. « On utilisait des sacs de riz comme linceul. On en mettait un sur la tête et l’autre sur les pieds. On mettait deux personnes par trou », explique-t-il à la Chambre.

Pour lui, la mort de plusieurs prisonniers était due principalement à alimentation de mauvaise qualité. « Ils mangeaient uniquement du riz sec sans sauce. Mais, après le rapport du médecin, ce dernier a proposé du mil pour remplacer le riz. On nous a aussi amené du sorgho pour préparer de la bouillie de sorgho », renseigne-t-il.

« Abakar Torgo et Aba Moussa venaient chaque nuit dans la prison avec une liste pour dire que telle personne est libérée ou exécutée »

Parlant de la libération des prisonniers détenus dans la prison des « Locaux », M. Akhaye informe aux Cae que Clément Abaifouta, Ngarba Ousmane ont été libéré avant lui. « Abakar Torgo et Aba Moussa venaient chaque nuit dans la prison avec une liste pour dire que telle personne est libérée ou va être exécutée. M. Torgo venait régulièrement à la prison. Les corps étaient récupérés les mardis, mercredis et jeudis », souligne-t-il. Avant de sortir, narre-t-il, on nous demandait de prêter serment pour dire : « Je n’ai rien vu ni entendu dans la prison ». Aussi, ajoute-il qu'on les a pris en photo et ces photos ont été envoyé dans les postes de police et frontaliers parce qu’ils ne pouvaient pas quitter le pays. « Ils nous ont même remis des papiers de libération. Pour mon cas, j’ai été libéré le jour du référendum proposé par Hussein Habré. Mais Hadji, responsable à la Dds, a refusé de signer le papier de ma libération. C’est Abakar Torgo qui est intervenu devant Hadji pour que je sois libéré », raconte-t-il.

À en croire M. Akhaye, les femmes emprisonnées dans la prison les « Locaux » avaient leur propre lieu de détention. « Durant mon séjour, il y avait des femmes dans la prison, comme Anna, Madina, etc. », soutient-il. Le Procureur Mbacké Fall de rappeler au témoin sa déclaration où il affirmait avoir assisté à la torture d’une femme du nom de Madina dont il a réfuté les assertions tenues lors de son audition par le juge tchadien. « Je n’ai pas assisté à la torture de la dame, mais j’ai vu la femme boitiller lorsqu’on l'a amenée dans sa cellule », a-t-il précisé.

Fara Mendy