leral.net | S'informer en temps réel

Les atouts du Sénégal - Par Pr Demba Sow

Le Sénégal est un pays ouest africain qui vit les mêmes problèmes de société et de développement que les autres pays du continent. Ces problèmes sont notamment la faible productivité de l’agriculture, un système éducatif peu performant, une industrialisation insuffisante, une insécurité alimentaire chronique, une économie dominée par l’informel, une urbanisation hors normes, une pauvreté pas encore suffisamment réduite, un système de santé non satisfaisant, une corruption quasi généralisée, un marché intérieur trop petit, un taux de chômage trop élevé, une gouvernance insuffisamment vertueuse, une menace du réchauffement climatique,... Cependant, dans plusieurs domaines importants, le Sénégal se singularise par rapport aux autres pays avec des atouts spécifiques réels dans un monde caractérisé par l’intolérance, la violence et l’extrémisme. Pour cela, le Sénégal peut être considéré comme un pays à part dans le continent africain. Ces atouts exceptionnels nous les devons à notre peuple, à nos hommes politiques et syndicaux, à nos guides religieux, à nos intellectuels et à notre société civile, à nos braves dames, à notre presse,…..


Rédigé par leral.net le Mardi 6 Octobre 2015 à 21:03 | | 0 commentaire(s)|

Les atouts du Sénégal - Par Pr Demba Sow
Notre démocratie est une réalité

En 2000, pour la première fois, le Sénégal a connu une alternance démocratique. Après l’adoption d’un code électoral consensuel suite à plusieurs élections violemment contestées, les conditions d’une élection présidentielle libre, transparente et démocratique étaient réunies. C’est sur cette base que les consultations électorales de 2000 avaient permis une alternance démocratique sans la moindre contestation. Ainsi, en 2000, les sénégalais avaient voté le dimanche et étaient allés travailler le lundi. Pour beaucoup de compatriotes et d'observateurs, c'était inattendu.

Pour les élections de 2007, le Président Wade avait consolidé les acquis du Code électoral consensuel avec les Cartes d’Identité Nationales et les Cartes d’Electeurs numérisées. Il n’éttait plus possible avec ces documents de figurer plus d’une fois sur le fichier électoral malgré tout ce qui a été dit avant et après les élections de 2007.

En 2012, malgré la tension près électorale provoquée par la candidature du Président Wade pour un 3ème mandat, notre pays a connu une 2nde alternance comparable à celle de 2000 à tout point de vue. Encore une fois, les sénégalais avaient voté le dimanche et étaient allés travailler le lundi.

Nous pouvons ainsi affirmer que nous avons un système électoral fiable, un dispositif de supervision des élections crédible, une administration républicaine, un personnel politique démocrate et des électeurs matures. C'est un atout important dans un continent où les élections sont trop souvent truquées et/ou les constitutions modifiées pour se maintenir au pouvoir. C'est cet atout qui permet au Sénégal de voter le dimanche et d’aller travailler le lundi comme les autres jours ouvrables. A l’état actuel des choses, il est impossible de truquer les élections au Sénégal quel que soit le titulaire du Ministère de l'intérieur. En effet, il ne peut plus y avoir un bureau de vote fictif et on ne peut voter qu'une seule fois par consultation électorale au Sénégal.

Dans chaque bureau de vote, siègent les représentants des candidats et de la CENA ainsi que les observateurs mobilisés par la société civile et autres partenaires qui contrôlent la régularité du vote. Chaque observateur et représentant de candidat reçoit le procès-verbal du bureau de vote après le décompte des voix. Dans ces conditions, il n'est pas possible de falsifier les résultats d'un bureau de vote. A cet arsenal de sécurisation du vote, il faut ajouter la presse qui donne en temps réel et en indirect les résultats du vote immédiatement après le décompte des voix.

Nos Guides religieux sont des régulateurs de la société

Nous avons la chance au Sénégal d’avoir eu des guides religieux exceptionnels par leur érudition, par leur sagesse et par leur engagement pour leur pays. Certains sont très connus et d’autres beaucoup moins. Ces pionniers de l’Islam au Sénégal ont formé des confréries fondées sur la pratique de la religion musulmane, le travail et la solidarité. Les sénégalais musulmans appartenant à ces confréries sont formatés sur ce triptyque (Foi, Travail, Solidarité) et ils constituent la majorité de la population musulmane du pays. Ces confréries continuent à se densifier après la disparition de leurs fondateurs et tout le monde reconnait la sagesse et l’érudition des khalifes généraux actuels qui perpétuent le travail de leurs ancêtres. Depuis l’indépendance de notre pays, ces sages sont les régulateurs de notre société.

Serigne Fallou Mbacké, Serigne Abdou Asiz Sy Dabakh, Baye Niass, Thierno Saïdou Nourou Tall, Seydina Issa Rohou Laye et bien d’autres sages ont joué d’éminents rôles pour la stabilité du Sénégal et de ses institutions. Cette tradition bien de chez nous se poursuit encore. Les Ziaras annuels des confréries sont des occasions que saisissent les Khalifes Généraux pour délivrer des messages forts à l’intention des sénégalais et des autorités publiques. En 2012, n’eut été l’intervention du Sage Serigne Sidy Moukhtar Macké, Khalife Général des Mourides, sur la candidature du Président Wade, le Sénégal aurait pu basculer dans le cahot. Comme le faisait le regretté Dabakh Malick Sy, Sérigne Abdou Asiz Sy Al Amine, porte parole du Khalife Général des Tidianes, régulièrement, interpelle les sénégalais sur certaines déviations qui sont en train de pervertir notre société. Tout récemment, le Khalife Général des Mourides est intervenu pour inviter les jeunes Mbacké Mbacké à se ressourcer et à se conformer davantage à l’œuvre éternelle de Khadimou Rassoul.

Les confréries sont un atout pour le Sénégal. Leurs guides sont des sages régulateurs de la société. Les confréries constituent des barrières contre l’extrémisme politique, syndical et religieux. Préservons cet atout pour les générations futures mais on a des raisons de s’inquiéter du comportement de certains héritiers potentiels extrémistes qui semblent oublier leur mission dans la société.

La communauté chrétienne au Sénégal a également beaucoup fait dans le cadre de la stabilité de notre pays et de ses institutions. Avec Caritas, l’Eglise sénégalaise joue un rôle irremplaçable dans la lutte contre la pauvreté. Avec ses nombreuses écoles, la communauté chrétienne joue également là aussi un rôle sans égal dans la formation des jeunes sans distinction d'obédience religieuse ou ethnique.

Le Sénégal est un pays laïc mais l’Etat peut compter sur les confréries et la communauté chrétienne pour mener à bien sa politique de développement économie et social. Cependant, tout doit être fait pour éviter la politisation des relations Etat-Confréries-Eglise. Pour des raisons multiples, on peut comprendre cependant, la collaboration non politicienne Etat-Confréries-Eglise.

Notre presse est un contre pouvoir

La presse joue un rôle important dans la vie politique au Sénégal. Elle assume bien son rôle de contre pouvoir même si quelque fois elle est coupable d'excès. Grâce à cette presse, il n'est pas possible de dire n'importe quoi au Sénégal, qu'on soit du pouvoir ou de l'opposition, qu'on soit acteur de développement ou homme politique. Grâce à la presse il n'est plus possibles de falsifier les procès-verbaux d'élection. Grâce à nos médias, les sénégalais peuvent s'exprimer dans leurs diversité et dans la diversité de leur point de vue. Ce contre pouvoir est cependant fragile et dangereux ; fragile car peu rentable, dangereux car les tentations de corruption et chantage sont très fortes dans la corporation. Une des faiblesses de notre presse est qu'elle ne fait pas assez d'investigation dans le domaine du développement.
Soutenir de façon transparente la presse, c'est contribuer à consolider la démocratie et à combattre la corruption.

Nos intellectuels et notre société civile veillent

Ce sont nos intellectuels, en synergie avec ceux des autres pays africains, dans les partis politiques ou dans les universités, qui sont à l’origine de l’indépendance des pays anciennement colonisés par la France. Sans coup férir, ils ont obligé le Général De Gaulle à accorder l’indépendance à nos pays.

Au Sénégal, nos intellectuels ont continué le combat politique qui a abouti à la démocratie qui nous a valu les alternances de 2000 et de 2012.

La combativité de nos intellectuels et de la société civile à côté des partis politiques d’opposition sont des atouts pour la consolidation de notre système démocratique. Cette alliance qui se défait et se fait au gré des alternances au Sénégal est un système de veille et d’alerte de notre démocratie. Cependant, certaines déviations et exagérations notées avec certains intellectuels sont regrettables. Régulièrement, on entend des propos inacceptables dans les radios et on lit des contributions destructrices de la cohésion nationale dans la presse écrite et en ligne. On peut se féliciter cependant des réponses servies à ces intellectuels déviationnistes à chaque fois qu'ils se manifestent.

Nos grandes dames sont des actrices de développement

Le Sénégal est un petit pays mais qui a de grandes et braves dames. Nos dames leaders prennent toujours part au grand débat d’intérêt national et souvent c’est elles même qui initient et animent ces débats. Les analyses de ces leaders portent toujours sur les réformes à opérer pour améliorer le fonctionnement de notre société et donc de l’amélioration des conditions de vie des sénégalais, en particulier des plus vulnérables que sont les enfants, les femmes et les handicapés. Avoir de grandes dames au service du pays sans le moindre esprit partisan est un atout considérable que détient le Sénégal.

Ceux qui se lèvent tôt le matin savent que l’on rencontre plus de femmes que d'hommes dans les rues. Lorsque les hommes se rendent à la mosquée, les femmes vont aux marchés, dans les abris de fortunes pour vendre le petit déjeuner, dans les débarcadères pour acheter du poissons à revendre,... Au Sénégal, c’est connu de tous, lorsque les hommes n'ont pas ou ne donnent pas assez pour la Dépense Quotidienne, ce sont les femmes qui prennent le relais. Sans ces grandes dames, la pauvreté serait plus perceptible qu'elle ne l'est réellement.

Les femmes sénégalaises sont de vraies actrices de développement mais pour des raisons multiples, ont rarement accès aux moyens de productions et au financement.

Le Sénégal à intérêt à prendre conscience que la gent féminine est un atout incontournable pour tout plan ou projet de développement économique et social du pays. Des réformes fondamentales plus importantes que la parité sont à initier pour impliquer davantage les femmes dans le développement du pays.

Notre métissage a produit un nouveau type de Sénégalais
L’Homo senegalensus est une réalité. Les sénégalais ont réussi par le brassage ethnique et culturel a créé un sénégalais nouveau. Ainsi, cet Homo senegalensus, qu’il habite à Oussouye, à Kanel, à la Gueule Tapée, à Médina Yoro Foula, à Saré Galo, à Khombole, mange la même chose et s’habille de la même façon que n'importe quel autre sénégalais. Le nouveau jeune sénégalais se marie avec la femme qu’il aime sans tenir compte de son appartenance ethnique (idem pour la jeune femme). Le nouveau Sénégalais a un faciès, un accent et une mimique reconnaissables dans tous les continents quelque soit son ethnie d’origine.

A l’université, dans les entreprises, dans les ministères, sur les terrains de sports, les nouveaux sénégalais sont jugés sur la base de leurs aptitudes, de leurs compétences et de leur talent et non sur la base de leur appartenance ethnique. Les noms de familles ne renvoient pas toujours à une ethnie. Il y a des milliers de Ka, Ba, Sow, Sall, Kane….qui ne sont plus des Peulhs. Il y a des Faye, Ngom, Badiane, Dione…qui ne sont plus des sérères. Il y a des Sané, Badiane, Diémé… qui ne sont plus des Diolas. Il y a des Cissé, des Sakho, des Dramé, qui sont des Socés et non des Wolofs .Il y a beaucoup de Ndiaye, Diop, Faye qui sont des Peulhs. Que dire aussi des enfants issus des mariages mixtes sérère-peulh, diola-wolof, peulh-wolof, ....

Ce métissage est une chance et un atout pour le Sénégal. La stabilité de notre pays, la libre circulation et installation des populations où elles veulent dans ce pays est liée à ce métissage qui nous a permis d’avoir des partis politiques, des syndicats, des médias non ethniques.

Cet atout est le ciment de notre cohésion nationale. Fortifions-le, préservons-le. Il y a des intellectuels en mal d’idée et sans doute frustrés qui sont en train sournoisement de remettre en cause cet acquis de notre nation. Nos jugements de valeur sur nos compatriotes doivent être fondés uniquement sur leurs compétences ou non et sur leur honnêteté ou non. L’appartenance ethnique est culturelle et rien de plus concernant la politique, le sport, travail,…..

Les différents Présidents qui se sont succédé à la tête du Sénégal n'ont jamais fondé le choix de leurs collaborateurs sur la base ethnique. Le Président Macky Sall, un vrai métisse, ne peut pas faire dans ce domaine mois que Senghor, Diouf, Wade, les archives sont là pour le prouver.

Notre cousinage lubrifie nos relations inter et intra ethniques

Le cousinage est un liant très fort qui contribue à la coexistence pacifique inter et intra ethnique au Sénégal. C’est un remède très efficace contre les malentendus entre individus et entre ethnie. Un diola et un sérère règlent toujours leurs différents par des blagues suivies de rigolades. Idem pour le Sérère et le peulh, le Diola et le Peulh, le Manjac et le Peulh. Entre le Peulh et le cordonnier ou le forgeron tout est permis quelque soit l’âge des protagonistes, tout se terminant par la rigolade et même par offre de cadeaux. Les Ndiaye sont les bourgs des Diop vice versa, les Sow sont les commandeurs des Barry, Dia, Anne, Sall, Ly, Camara, Wane, vice sans versa. Les Ba et les Diallo ou Ka ne se ratent pas. Ces cousinages sont des atouts pour notre pays. Cultivons-les, renforçons les, fêtons-les. Une journée nationale du cousinage au Sénégal est souhaitable. Si dans certains pays comme la RCA actuellement, les populations s’entretuent, c'est parce que sans doute il n’y a pas de cousinage là bas. Le cousinage inter et intra ethnique est un atout puissant de règlement des conflits de toute nature au Sénégal.

Vive le Sénégal

Nous avons un pays béni par nos guides religieux, un système démocratique qui n’envie aucun autre système, des intellectuels engagés dans le chant politique, une société civile alerte et vigilante, des femmes leaders réformatrices et des femmes travailleuses actrices de développement, une presse qui joue bien son rôle de contre pouvoir.
Prenons conscience de ces atouts, intégrons-les dans nos actions et comportements de tous les jours, positivons et avançons. Le développement est à notre portée avec tous ces atouts.

Pr Demba Sow
Ecole Supérieure Polytechnique de l’UCAD