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Les fondements de la culture de paix au Sénégal

A la fin du mois de décembre 2009, le président de la République du Sénégal, musulman et appartenant à la confrérie mouride, prononçait devant des enseignants de la génération du concret un discours qui suscita une vive émotion au niveau de l’opinion nationale qui craignit une remise en question de l’unité nationale et surtout du dialogue islamo- chrétien.


Rédigé par leral.net le Mardi 25 Mai 2010 à 19:17 | | 0 commentaire(s)|

Les fondements de la culture de paix au Sénégal
Cependant, les regrets et excuses du Chef de l’Etat, les marques de soutien et de sympathie de la communauté musulmane à la famille catholique et le rôle joué par le clergé ayant à sa tête, Monseigneur Adrien Sarr, aboutirent à installer rapidement un climat d’apaisement. Cet esprit de dépassement pour un commun vouloir de vie commune dans un Sénégal de paix est un legs de l’histoire. La paix est d’abord un état d’esprit. Elle est dans les cœurs et dans les esprits et découle de plusieurs valeurs érigées en véritables institutions sociales. Les fondements de la culture de paix proviennent sans nul doute du fait que le Sénégal est une terre de rencontre, un creuset ; ce qui fait de sa population, l’une des plus ouvertes du monde. Les ethnies ont souvent cohabité dans la vallée du fleuve Sénégal, dans les empires et royaumes débouchant sur un brassage (métissage), des relations de consanguinité et une communication facile entre elles. Le cousinage à plaisanterie s’applique à presque toutes les structures de la société, notamment, la famille, la classe d’âge, les alliés par mariage, les villages voisins …Le melting- pot ethnique est doublé depuis le 17é siècle d’un métissage racial au niveau des comptoirs notamment Saint-Louis et Gorée, prenant même une certaine ampleur avec le phénomène migratoire actuel. La France, en faisant du Sénégal un centre colonial à partir duquel s’organisent la conquête et l’exploitation de l’hinterland, favorise avec le développement des transports et de l’urbanisation à l’intérieur des frontières lignes, la cohésion nationale. L’ordre colonial se révélera comme un environnement propice à l’essor de l’islam confrérique sous l’impulsion de marabouts de la seconde génération (El Hadji Malick Sy et Cheick Ahmadou Bamba), transcendant les barrières ethnique, raciale et confessionnelle. L’érection du travail en culte, une intrusion des forces maraboutiques surtout mouride en est également un de ces facteurs, auxquels il faut ajouter la solidarité et l’hospitalité. Toutes les cérémonies ou fêtes (décès, baptêmes, cérémonies nuptiales, chants religieux…) revêtent un caractère populaire évitant certaines agitations comme les pillages ou les émeutes liées à la faim. La paix est aussi une question d’amour à l’endroit de son prochain y compris l’étranger. Le dialogue islamo chrétien va au-delà de la tolérance, si facilement galvaudée et à ce jour, les juridictions n’ont enregistré aucune instance relative à la discrimination raciale. Le cousinage à plaisanterie s’étend à une bonne partie des immigrés surtout d’origine malienne et guinéenne, à l’image des équivalences ou des correspondances entre des noms sénégalais et étrangers (Diarra, Traoré et Coulibaly ont pour équivalences respectives au Sénégal, Ndiaye, Diop et Fall)

Les chefs maraboutiques ont réussi à leurs missions de prosélytisme grâce à la paix avec l’Etat (colonial et néo- colonial) et au respect strict de la séparation des pouvoirs ou de la laïcité. Tous les partis politiques dirigés par des marabouts ont jusqu’ici été sanctionnés par les populations, même si la majorité de celle-ci est musulmane (95%). C’est l’exemple du parti de la solidarité sénégalaise (P.S.S) dirigé par Cheikh Tidiane Sy et Ibrahima Nias dit Bay, dissout après sa défaite en 1958 face au Bloc Populaire Sénégalais dirigé par Léopold Senghor pourtant de confession chrétienne. La sanction populaire s’étend aussi au Sénégal à tous les partis d’obédience révolutionnaire marxiste ou fondamentaliste musulman. L’islam sénégalais est pour ainsi dire modéré, aristocratique même et autonome par rapport au mouvement islamique international ou moyen oriental. Un autre atout de taille ; c’est la verticalité de la société sénégalaise selon les critères d’âge et de religion. Ainsi, à tous les niveaux, de la famille à la nation, existent des soldats de la paix ou médiateurs (tantes, oncles, personnes âgées, marabouts, prêtres…), armés d’autorité et de sagesse pour intervenir en cas de conflit. Les Sénégalais ont hérité d’une culture démocratique se traduisant par le multipartisme, la liberté de presse, une vie politique apaisée et une alternance au pouvoir.

Le Sénégal, havre de paix, a toujours été à l’écart des turbulences qui ont secoué bon nombre de pays de la planète comme les guerres de libération nationale, les guerres idéologiques ou guerre froide, les coups d’Etat militaires, les conflits ethniques et confessionnels.

La seule zone d’ombre est la Casamance ; mais cette guerre est irrégulière et semble depuis la mort du leader l’abbé Diamacoune Senghor une affaire de bandes armées incontrôlées. Il urge par conséquent à l’armée de sécuriser la région pour la protection des populations et des biens et à l’Etat de sensibiliser et de négocier avec le MFDC afin que s’instaure une paix définitive.

En effet, le seul combat qui vaille dans ce contexte de mondialisation ; c’est un Sénégal émergeant et de paix dans une Afrique unie.

Gana Fall
Docteur en histoire Vacataire à L’UCAD
Proviseur au Lycée de Bayakh
fallgana@yahoo.fr

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