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Les quatre faiblesses qui freinent l’émergence du Sénégal - Par Moubarack Lô

Depuis qu’il a accédé à l’indépendance, le Sénégal s’évertue à se placer sur la trajectoire du développement. A cet effet, les gouvernements successifs ont mis en place des plans et des stratégies, aussi bien au niveau global que sectoriel.


Rédigé par leral.net le Mardi 16 Juin 2015 à 15:15 | | 10 commentaire(s)|

Les quatre faiblesses qui freinent l’émergence du Sénégal - Par Moubarack Lô
Récemment, un Plan Sénégal Emergent a été adopté, avec pour ambition de mener le pays vers l’émergence à l’horizon 2035.

Malgré tout, plusieurs raisons me conduisent à penser que le Sénégal ne possède toujours pas les facteurs-décisifs qui lui permettraient de gagner le pari de l’émergence à brève échéance. Car, il traîne quatre faiblesses structurelles majeures qui handicapent lourdement ses performances économiques. Nous les analysons ci-après.



1. La politique politicienne est trop présente


L’émergence ne peut pas se réaliser dans un environnement où l’argent et la politique politicienne sont omniprésents dans la préoccupation des dirigeants et des populations, comme c’est le cas au Sénégal. Car, il est impossible, dans un tel contexte, de faire les bons choix et de conduire les réformes profondes dont les résultats ne se feront sentir que dans le long terme. Au contraire, toute velléité de réforme est tuée dans l’œuf par les protestations et les menaces de sanction dans les urnes. Or, c’est faire preuve de leadership que de savoir prendre ses responsabilités quand il le faut, en usant, au maximum, de la négociation et, si nécessaire, de la fermeté. Le peuple, dans sa grande sagesse, saura, à terme, reconnaître les fondements des décisions ainsi prises et en rendre grâce à ses leaders.



2. Notre peuple n’est pas mobilisé


Rien ne peut se faire de grand sans la mobilisation des populations qui doivent se sentir pleinement concernées par le défi du développement. Pour cela, il est important que les pouvoirs publics évitent de jouer la facilité dans leurs rapports avec les citoyens, leur fassent sentir que le pays est véritablement en crise et qu’il y a urgence à agir, les poussent à transcender les difficultés du passé, à avoir confiance en leurs capacités et à inventer un autre futur, et, surtout, mettent la pression sur eux pour qu’ils déploient leurs énergies jusqu’à la limite. Les Sénégalais sont tout à fait prédisposés à adopter les attitudes nécessaires pour développer leur pays, pour peu que les pouvoirs publics les convainquent d’en faire autant, par leur cohérence sur la durée, leur vertu et leur compétence.



3. Notre Service public n’est pas préparé pour relever le défi du développement




Les agents de l’Etat sont connus pour leur expertise et leur sens du service. Toutefois, ils ne sont ni motivés, ni formés, ni armés, moralement et matériellement, pour réaliser l’émergence. Nommés de manière discrétionnaire, parfois selon uniquement des critères d’appartenance partisane, et pouvant être relevés à tout moment, les directeurs d’entreprises et d’administrations, centrales ou locales, ne possèdent guère de visibilité pour proposer et mettre en œuvre des réformes tendant à améliorer la qualité des services rendus aux usagers.

Il importe dès lors d’introduire une nouvelle politique de gestion des ressources humaines dans l’Etat, mettant l’accent sur la promotion de l’excellence, le recrutement des responsables par concours, la conclusion de contrats de performances sur la durée à tous les niveaux hiérarchiques , et l’interdiction des activités politiques pour les chefs d’entreprises publiques et les directeurs d’administration.



4. Nous n’avons pas de stratégie pour nous insérer dans la mondialisation


L’économie sénégalaise reste irrémédiablement dominée par l’exploitation de ressources naturelles à faible valeur ajoutée (produits de la pêche, arachide, phosphates et tourisme qui constituent l’essentiel des exportations). Cette tendance lourde, qui prend appui sur les avantages comparatifs et les facteurs de base du Sénégal, est à la source de bien de nos difficultés.

Car, dans le nouvel environnement mondial, où c’est le savoir-faire qui est échangé plus que les ressources et les biens physiques, ne peuvent prospérer que les pays qui disposent d’une vue claire de leurs atouts et de leurs avantages compétitifs ainsi que de leurs faiblesses, qui veillent à mettre sur pied un environnement économique de standard international et à capter les meilleures pratiques (« benchmarking »).

Ces pays poussent aussi leurs firmes nationales à développer des stratégies de dimension mondiale et à coopérer entre elles plutôt qu’à capter les rentes de l’Etat et le maigre marché intérieur (souvent avec la complicité de l’Etat et/ou de certains fonctionnaires véreux) , à améliorer leur position compétitive et leur productivité, à identifier et à satisfaire, avec des produits sophistiqués et diversifiés, les besoins des consommateurs mondiaux, en éliminant autant que possible les intermédiaires -notamment en utilisant les Technologies de l’Information et de la Communication.

Ne pas avoir de stratégie innovante de cette nature et demeurer dans ses anciens paradigmes, c’est se condamner à la pauvreté et à l’exclusion des échanges mondiaux, comme les pays africains sont en train d’en faire l’amère expérience.



En définitive, la réalisation de notre rêve d’émergence dépend essentiellement de notre capacité à corriger les faiblesses relevées. Ma ferme conviction, basée sur les faits, est qu’elle exige un nouveau type de leadership, bien loin de ce qui fonctionne aujourd’hui dans le pays, et une nouvelle génération de leaders qu’il nous faut faire émerger sans tarder.

moubaracklo@gmail.com

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