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Lettre à Mesdames et Messieurs les députés de l’Assemblée nationale du Sénégal (Par Mamadou Abdoulaye SOW)

Objet : Plaidoyer pour la réécriture du texte de l’article 57 de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances et pour l’abrogation de l’ordonnance de 1963 fixant l’indemnité parlementaire


Rédigé par leral.net le Samedi 7 Janvier 2017 à 20:33 | | 0 commentaire(s)|



Mesdames et Messieurs les députés,

Dans son « Cours de Politique constitutionnelle » de 1872 (page 558), M. Benjamin Constant rappelait : « Le système représentatif est une procuration donnée à un certain nombre d’hommes par la masse du peuple, qui veut que ses intérêts soient défendus et qui, néanmoins, n’a pas le temps de les défendre toujours lui-même ».

C’est en ma qualité de membre de la masse du peuple, qui vous a donné procuration pour défendre ses intérêts, que je me permets de vous adresser la présente lettre dont l’objet principal est de vous sensibiliser sur l’obligation de réécrire les dispositions de l’article 57 de la loi organique n° 2011-15 du 8 juillet 2011 relative aux lois de finances (LOLF) qui continue de faire référence au Sénat supprimé depuis 2012 ; dispositions organiques sur le fondement desquelles vous venez d’examiner et de voter le projet de loi de finances pour l’année 2017.

Mesdames et Messieurs les députés,
Comme nous le savons, l’article 68 de la Constitution fixe les délais de discussion des projets de lois de finances et renvoie à la loi organique pour déterminer les conditions d’application de ces délais ainsi que les modalités de vote.

En 2012, vous avez adopté la loi constitutionnelle n° 2012-16 du 28 septembre 2012 qui restaura « la chambre unique comme seul organe du système législatif ». La révision constitutionnelle précitée s’était traduite par le remplacement des dispositions de l’article 68 de la Constitution. Je me suis demandé à l’époque pourquoi vous n’aviez pas modifié, dans le même temps, l’article 57 de la LOLF de 2011 qui reprend les dispositions de l’article 68 de la Constitution ?

En règle générale, l’abrogation de l’une quelconque des dispositions financières contenues dans la Constitution entraîne automatiquement celles de la loi organique relative aux lois de finances.

À présent, je me demande pourquoi vous n’avez pas profité du vote du projet de loi modifiant les articles 67, 72 et 74 de la LOLF pour abroger l’article 57 en question ?

L’initiative des lois appartenant aussi bien au Gouvernement qu’aux députés, je suggère, en l’absence d’un projet de loi du Gouvernement, qu’une proposition de loi organique soit introduite pour abroger l’article 57 de la LOLF.

L’abrogation par remplacement de l’article 57 de la LOLF devrait être une occasion favorable pour corriger les incohérences entre les dispositions financières constitutionnelles et les dispositions organiques ainsi que les lacunes et imperfections de certaines dispositions de la LOLF de 2011 (qui mériterait, si l’opportunité se présente, d’être soumise à un contrôle de constitutionnalité). Je ne reviendrais pas ici sur ces questions qui ont déjà fait l’objet d’une analyse dans ma contribution intitulée « Le projet de révision de la Constitution : une opportunité pour corriger les lacunes, insuffisances, contradictions et imperfections dans certains articles constitutionnels » et publiée dans l’édition du journal Le Soleil du mercredi 20 janvier 2016.

Mesdames et Messieurs les députés,

Avant de terminer, je voudrais saisir cette occasion pour vous faire part de quelques unes de mes réflexions sur le Règlement intérieur de notre institution parlementaire, qui mérite, à mon avis, d’être réformé aux plans de la forme et du contenu, afin d’être mis en conformité avec la Constitution et la LOLF.

Tout d’abord, je voudrais attirer votre attention sur la nécessité urgente de modifier l’article 2 de votre Règlement intérieur devenu inconstitutionnel à la suite de la modification de l’article 63 de la Constitution, qui instaure la session unique au cours de laquelle est examiné le projet de loi de finances de l’année.

Ensuite, je souhaite, avec l’adoption prochaine de la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui tarde à intervenir, que des modifications soient apportées quant à la distinction entre la procédure législative ordinaire et celle applicable aux lois de finances. À l’heure actuelle, votre Règlement intérieur ne fait pas ressortir distinctement la procédure législative applicable aux lois de finances. Certes, la loi de finances est une loi, mais elle est une loi obéissant à une procédure spéciale. Aussi, est-il suggéré d’insérer à l’intérieur du titre consacré à la procédure législative un chapitre réservé à la procédure applicable aux lois de finances en distinguant :

- les conditions de dépôt et de présentation des projets de lois de finances,
- la procédure de discussion des projets de lois de finances en commission,
- la recevabilité et la discussion des amendements financiers,
- la procédure de discussion en plénière et les conditions de vote des lois de finances.


Concernant les amendements financiers, il s’avère nécessaire de réexaminer les dispositions du Règlement intérieur y relatives, en prenant en considération, d’une part, le nouveau cadre d’allocations des crédits budgétaires fixé à l’article 12 de la LOLF et, d’autre part, les dispositions de l’article 58 de la LOLF qui ont des incidences sur les articles 60 et 78 à 80 du Règlement intérieur.

Enfin, faut-il rappeler que l’ordonnance n° 63-04 du 6 juin 1963 fixant l’indemnité des membres de l’Assemblée nationale demeure, en quelque sorte, la loi organique d’application de l’article 59 de l’actuelle Constitution, malgré le fait que plusieurs de ses dispositions soient tombées en désuétude.

On constate depuis plusieurs années que les dispositions de l’ordonnance du 6 juin 1963 se rapportant au nombre des membres de l’Assemblée nationale, aux conditions d’éligibilité, au régime des inéligibilités et aux incompatibilités sont transférées dans le Code électoral (Articles LO 142 et LO 151 à LO 166).

Sur la question des indemnités parlementaires, l’ordonnance de 1963 ne mentionne qu’une indemnité mensuelle égale « au traitement …afférent à l’indice maximum de la hiérarchie générale des cadres du personnel de la magistrature, du personnel militaire et des corps de fonctionnaires de l’État », à laquelle sont venus s’ajouter des indemnités de représentation, des indemnités de fonction et des avantages en nature prévus par l’article 102 du Règlement intérieur et non par une loi organique.

Le moment n’est-il pas venu de remplacer l’ordonnance du 6 juin 1963 qui continue de servir de fondement à la fixation des indemnités parlementaires ? J’espère que l’opportunité sera saisie, lors de l’adoption de la loi organique d’application de l’article 59 de la Constitution, pour prendre en compte les indemnités de représentation, les indemnités de fonction et les avantages en nature, mais également pour procéder à la mise à jour de l’indice maximum de rémunération applicable à l’indemnité parlementaire.

Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les députés, l’expression de ma haute considération.


Mamadou Abdoulaye SOW
Inspecteur principal du Trésor à la retraite
Dakar, Sénégal.
Courriel : mamabdousow@yahoo.fr

 

Ndèye Fatou Kébé