Leral.net - S'informer en temps réel

Ligne républicaine, la posture de l’homme d’Etat face au tintamarre des hommes de détails - Par Mamadou Kassé

Conseiller Technique de Monsieur le Président de la république

Rédigé par leral.net le Mardi 26 Janvier 2016 à 18:53 | | 62 commentaire(s)|

« On ne peut rien attendre des hommes politiques pour lesquels le monde est un miroir reflétant seulement leurs désirs, leurs rêves et leurs craintes. »

Gustave le Bon


Le contexte politique actuel est fortement marqué par le débat sur le projet de révision de la Constitution sénégalaise proposé par le Président de la République. Les citoyens, à juste titre, commentent, proposent et polémiquent dans le sens de l’interprétation du texte fondamental, base des réformes prévues.
Autant dans la forme que dans le fond, partisans de l’opposition et du pouvoir, profanes et spécialistes en la matière, spéculent dans une contradiction féconde.
Dans ces échanges épiques, la question du retour du quinquennat et de son applicabilité immédiate ou différée ainsi que celle de la limitation des mandats semblent avoir les faveurs de la classe politique au risque même de détourner l’opinion des avancées démocratiques notoires que renferme le projet de révision proposé.
S’il est de notoriété publique que les polémiques vives constituent le ciment des démocraties, les intérêts à sauvegarder pour les uns vont, un peu trop souvent à mon sens, à contre-courant des lois et règlements qui encadrent notre vivre ensemble. La charte fondamentale dont il est question est au sommet de la pyramide des normes qui régissent la République en même temps qu’elle oriente nos lois et règlements censés aller dans le détail près des rapports entre les personnes.
Peut-on s’attendre à une once d’objectivité de la part d’opposants n’ayant à l’esprit que les prochaines joutes électorales et non l’avenir du Sénégal ? A priori non.
De la compréhension que nous avons de leur démarche, plus l’échéance sera proche mieux ce sera pour eux. Par conséquent, leur stratégie se résume en une phrase, tout faire pour que 2017 soit le prochain rendez-vous, quel que soit le moyen par lequel on y arrive. La trame de fond de la pensée pour eux, consiste à se donner, dans les meilleurs délais, les chances d’accéder au sommet à n’importe quel prix.
Leur déroute des trois dernières consultations (élections présidentielles, législatives et locales) dans une transparence transcendante a fini de leur donner le tournis. Vaincre ce torticolis revient pour eux à saisir, par tous les moyens nécessaires, cette aubaine que serait la réduction de deux ans du mandat présidentiel aux fins de tenter, une énième fois, de mettre la main sur l’appareil de décision et d’action publique. En somme, la névrose obsessionnelle du pouvoir est réellement pour ceux-ci incurable au point de doubler la cécité déjà vive d’une surdité troublante. A les entendre, la lecture de l’article 51 de la Constitution n’aboutit qu’à la seule conclusion que l’avis du Conseil constitutionnel ne lie pas le Président de la République.
C’est à croire que la perte de la mémoire est également au rendez-vous de ces patients délicats. Le Conseil constitutionnel dont ils vantaient le mérite lorsqu’il s’est agi de réclamer la troisième candidature d’un Président qui pensait avoir bloqué les exercices à deux mandats y compris celui au cours duquel une nouvelle Constitution est née, est quasiment vampirisée par les mêmes. Ce qui est choquant, c’est la propension à tirer la couverture de son côté en permanence pour la défense d’intérêts de groupuscules au détriment de l’intérêt général.
L’engagement ferme du candidat Macky SALL, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2012, ne souffre d’aucune contestation. Sa déclaration est publique et sans équivoques sur la volonté de sécuriser certaines dispositions de la Constitution notamment en ce qui concerne la limitation des mandats à deux d’une part, et l’inscription du quinquennat comme durée définitive de chaque mandat présidentiel, d’autre part.
En effet, il convient de rappeler que, dans le contexte, nous revenions d’un débat public poussé sur la légalité du troisième mandat du Président sortant, Abdoulaye WADE. Malgré les vives contestations ainsi que la polémique alimentée par les mêmes acteurs et les mêmes auteurs d’aujourd’hui, le candidat Macky SALL, dans sa posture républicaine avait déclaré bien avant le « verdict » qu’il se plierait à la décision du Conseil Constitutionnel qui était l’organe habilité à se prononcer en dernier ressort sur la question. Nous gardons en mémoire, puisqu’il nous en reste une, la décision du Conseil qui a validé la candidature contestée de l’ex président de la République et la décision du candidat Macky SALL qui s’ensuivit d’aller en campagne pour requérir le vote des sénégalais. Cette posture républicaine d’homme d’Etat aguerri lui a valu, en partie, le respect des citoyens qui l’ont porté au pinacle. D’une transparence totale, l’élection a été exemplaire tant du point de vue de la participation que de l’ampleur des suffrages portés au deuxième tour sur l’actuel Président de la République.
Le Président de la République a déjà rempli sa promesse de renoncer à deux années de son mandat puisque le projet qu’il soumet à l’avis du Président de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, conformément aux dispositions de l’article 51, propose un retour au quinquennat ainsi qu’une application de cette disposition à son mandat en cours. Au lieu de saluer ce geste historique, une partie de l’opposition, toujours dans ses manipulations d’un autre temps, anticipe sur la décision de notre Conseil Constitutionnel adulé hier par eux et acculé par eux aujourd’hui. C’est paradoxal, la situation est quasi surréaliste car, selon la position occupée la même posture n’est plus adoptée et l’on chante et danse au rythme d’un autre disque sur la platine.
Il y a lieu de comprendre que pour les hommes politiques qui n’ont en tête que les prochaines échéances électorales et ses joutes, les préoccupations ne demeurent pas les mêmes que pour les hommes d’Etat et non de détails pour lesquels, il apparait plus important d’avoir une ambition en direction des générations futures. C’est d’ailleurs, à la lumière de cette comparaison qu’il faut analyser le projet d’avenir économique et social consacré par le Plan Sénégal Emergent et la sécurisation nécessaire de notre charte fondamentale, longtemps injustement agressée, en cohérence avec les principes démocratiques et modernes qui régissent tout Etat de Droit.
L’idée selon laquelle, le Président de la République veut revenir sur son engagement est une vue de l’esprit ainsi qu’une tentative de l’opposition d’anticiper sur la vérité qui pourrait n’être profitable qu’à leurs différents calculs politiciens. Les mêmes qui, lors du débat ayant précédé la présidentielle de 2012, étaient en accord avec la suprématie du Conseil Constitutionnel sur les décisions majeures de constitutionnalité de toutes les dispositions légales, semblent s’opposer, aujourd’hui, au principe élémentaire de la légalité dans un Etat de Droit.
N’ayant rien à se mettre sous la dent, les partisans d’une élection rapprochée à tout prix ont décidé d’user de méthodes cavalières telles que la pression et les déclarations fracassantes sans fondement. La sérénité doit être de mise parce que le vouloir doit s’accommoder du pouvoir.
Au terme de l’excellent travail accompli par la Commission Nationale de Réforme des Institutions (CNRI), le Président de la République a fait part aux sénégalais, dans la plus grande modernité, par le biais de l’incontournable dispositif de communication digitale, de son projet de révision non sans avoir au préalable et de la manière la plus solennelle, lors de son adresse à la Nation le 31 décembre 2015, décliné les différents points de révision retenus.
On peut être profane mais logique en convoquant deux articles de la constitution : l’article 88 qui stipule « Le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Il est exercé par le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des Comptes et les Cours et Tribunaux. » et, l’article 51 qui stipule « Le Président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du Président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnelle au référendum. »
Mon interrogation, sans prétention, est simple, quel intérêt de demander un avis à une institution relevant du pouvoir judiciaire, indépendant du pouvoir exécutif, si ledit avis ne le lie en rien.
En toute logique, il me paraît irrationnel de proposer un renforcement du Conseil Constitutionnel dans le projet de révision en piétinant d’emblée ses avis dans le processus. L’esprit doit accompagner la lettre si la seconde ne traduit pas tout bonnement la première.
Je retiens surtout qu’au-delà de la réduction du mandat, qui pollue le débat, le projet de révision offre de nouvelles perspectives à l’opposition républicaine, renforce les pouvoirs de l’Assemblée nationale, assure la promotion de la gouvernance locale, valide les candidatures indépendantes à toute élection en même temps qu’elle sécurise la forme de la République.