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MAMADOU MOUSTAPHA GUEYE DIT «PETIT», MAIRE DE SOKONE «Latif a construit lui-même les éléments de sa propre défaite dans ses rapports heurtés avec…la population de Sokone…»

L’OBS – «J’ai fait la Seconde, la Première et la Terminale avec le Président Macky Sall, nous avons eu le Bac C ensemble…»

Après sa victoire historique sur Abdou Latif Coulibaly à Sokone, Mamadou Moustapha Guèye dit Petit, nouveau maire de la commune, livre dans cet entretien accordé à L’Observateur, les secrets qui ont conduit à la défaite du ministre chargé de la Bonne gouvernance. Petit Guèye, ancien camarade de classe du Président Macky Sall et du Premier ministre Aminata Touré, décline ses projets pour Sokone. Entretien…


Rédigé par leral.net le Mercredi 2 Juillet 2014 à 20:42 | | 0 commentaire(s)|

MAMADOU MOUSTAPHA GUEYE DIT «PETIT», MAIRE DE SOKONE   «Latif a construit lui-même les éléments de sa propre défaite dans ses rapports heurtés avec…la population de Sokone…»
Vous êtes vainqueur à l’issue des élections locales à Sokone. Comment avez-vous vécu cette victoire ?

D’abord, je remercie Allah. Au-delà du fait divin qui fait que les Sokonois m’ont élu avec ma coalition pour le Conseil municipal, j’ai accueilli cette élection avec beaucoup de sérénité et d’humilité. Cette élection a été le fruit de beaucoup de mois de travail bien structuré, bien conçu sur la base d’une vision, d’un engagement et aussi la construction d’une équipe de jeunes dynamiques et déterminés. Aussi, nous venons de tourner 45 ans d’histoire de tâtonnement et de gestion à l’informel. Il y a eu un moment de saturation. Les gens de Sokone avaient envie d’un nouveau type de leadership, d’une nouvelle forme de gestion, d’un nouveau discours, d’un nouveau programme, d’une nouvelle manière de penser et de faire. C’est la convergence de l’ensemble de ces éléments qui fait que me voilà aujourd’hui à la tête de la coalition victorieuse.

Est-ce que cela a été facile de faire face à un adversaire comme Abdou Latif Coulibaly, ministre de la République ?

A vrai dire, c’est au dernier moment que j’ai pensé à Latif. J’étais allé le voir quand j’ai eu des ambitions de briguer la municipalité pour lui demander de venir travailler avec moi. Je rêvais d’une élection à Sokone où il n’y aurait pas de perdant. J’avais un projet de ville à proposer et je pensais que lui, en tant qu’autorité, fils de Sokone, aurait dû contribuer, à mes côtés, à réaliser ce rêve. Malheureusement, probablement pour des raisons politiques, il m’a fait face. Ce n’est pas moi qui lui ai fait face. Parce que je me suis déclaré bien avant lui et je suis allé le voir. Il ne m’a pas soutenu et il s’est déclaré candidat en face de moi. Ce n’était pas un problème pour moi. Je devais simplement l’intégrer dans un groupe d’autres Sokonois qui ont des ambitions. J’ai travaillé à réaliser les miennes sans tenir compte de qui était là.

Mais est-ce qu’à un moment donné, vous n’avez pas eu peur de perdre devant Latif Coulibaly ?

C’est vrai que Latif est une personnalité qui a occupé de hautes fonctions et qui a beaucoup fait, qui est renommé dans le domaine du journalisme. Mais, je crois qu’en fait, il m’a facilité la tâche.

Comment ?

Je ne sais pas ce qui lui est arrivé, mais Latif a construit lui-même les éléments de sa propre défaite dans ses rapports heurtés avec certaines franches importantes de la population de Sokone, notamment les jeunes. Dans son discours également qui n’était pas souvent de conciliation et de consensus, il mettait en place lui-même les pièces qui le conduisaient à l’hécatombe. Je suis un expert en leadership et en voyant tout cela, ça m’a facilité la tâche. Et à un moment donné, j’ai fait le contraire de ce qu’il faisait et cela a porté ses fruits.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant la campagne ?

Pendant un an et demi, je suis allé à la rencontre des gens de Sokone, je les ai écoutés. C’est sur cette base que nous avons conçu notre programme. Les gens ont besoin d’être soutenus. Ils sont seuls, isolés dans leurs souffrances, leurs dénouements. La municipalité n’a absolument rien fait pour les aider. La solitude des gens de Sokone m’a beaucoup marqué. Et d’un autre côté, l’engagement et la volonté des jeunes de participer à la construction de la commune m’a aussi marqué. Il y a au moins 400 jeunes qui sont descendus de l’université pour venir voter pour moi. Pendant 9 mois, les jeunes m’ont aidé à asseoir l’appareil politique qui a conduit à notre victoire. Cela a été déterminant. Vous savez, pour gagner une première élection, il y a d’abord une préparation individuelle à faire. Les candidats doivent construire eux-mêmes cette force mentale, psychologique et une capacité de gérer ses émotions. Cela a beaucoup fait défaut à mon adversaire principal. Je crois qu’à un moment donné, il a plus ou moins pété les plombs du fait de la pression sociale et de certaines critiques. La deuxième chose, c’est la construction de relations durables avec les populations, des relations basées sur des valeurs d’entraide, de compassion, de présence. La troisième chose, ce sont les finances. D’ailleurs, l’une des difficultés pour nous autres qui venons pour la première fois sur le terrain politique surtout en face des candidats qui émanent du pouvoir, c’est leur force financière. Lors des derniers jours de la campagne, nous avons vu des tonnes de riz être débarquées à Sokone avec des espèces sonnantes et trébuchantes. Et ça, ce sont des choses qui devraient être révolues.

Est-ce que l’idée d’être maire de Sokone vous avait toujours animé ?

Non ! J’ai voulu apporter ma contribution au développement de Sokone. Je ne me rappelle pas, quand j’étais jeune, avoir une fois pensé être maire. Pas du tout. Je suis un spécialiste de politique de développement et de santé. J’ai passé ma vie professionnelle à aider les gouvernements à avoir des programmes, des plans et des politiques de développement. Et quand j’arrive à Sokone pour des vacances ou pour voir les parents, c’est là où je me suis dit que cette ville ne peut pas être comme ça et que si je mettais à la disposition de Sokone mon expérience, ma compétence, mon expertise, cela pourrait contribuer à améliorer le niveau de vie des gens. Et je me suis dit que, si je veux faire un programme utile, durable qui touche le grand nombre de la population, il me faut avoir le levier institutionnel qui est la municipalité au niveau local. Je suis venu à la mairie de Sokone pour servir.

Est-ce que c’est la première fois que vous entrez en la politique ?

Oui.

On vous accuse d’être proche de Rewmi d’Idrissa Seck. Qu’en est-il ?

Ma femme est une députée de Rewmi. J’ai aussi connu Idrissa Seck quand il quittait le gouvernement de Me Wade. Tous les jeunes Sénégalais, à l’époque, avaient apprécié Idrissa Seck pour son discours, sa cohérence et son intelligence. Je crois, sans risque de me tromper, même Latif l’avait apprécié. J’ai été dans la même classe que Macky Sall. Nous avons fait la Seconde, la Première et la Terminale au lycée Gaston Berger. Nous avons eu le Bac C ensemble. J’ai été dans la même classe de 6e que Aminata Touré, l’actuel Premier ministre. Donc, pour dire que j’ai d’excellentes relations avec tous ceux qui aspirent à diriger le Sénégal, pas seulement Idrissa Seck, mais Macky Sall et les gens qui l’entourent. Je suis un enfant du Sénégal qui a l’ambition de contribuer au développement de son pays.

Petit Guèye s’est révélé au grand public après sa victoire sur Latif Coulibaly. Qui se cache derrière la personnalité de Petit Guèye ?

Je suis né et j’ai grandi à Sokone. J’ai fait mes études au lycée Gaston Berger, puis à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. J’ai fait des études de Médecine. Après, j’ai travaillé avec les Ong, notamment Enda Tiers-monde. J’ai été directeur pour l’Afrique du Réseau des Ong de lutte contre le Sida. Ensuite, j’ai rejoint le programme des Nations Unies pour le développement, comme fonctionnaire international. J’ai été chef d’équipe pour l’Afrique, conseiller principal à New York. Je suis marié et père de quelques bouts de bois de Dieu. Je suis aussi un expert en Leadership, je fais partie de la cohorte de Mit (Massachusetts institute of technology) sur le Leadership. Et depuis juin 2013, je suis revenu au Sénégal pour ouvrir une entreprise qui s’occupe exclusivement de Leadership et de Communication non violente.

Et quels sont vos projets pour Sokone ?

Nous avons un programme axé sur 7 leviers. Il s’agit de travailler à l’aménagement, à l’assainissement et à la propreté de la commune. Sokone a un cadeau de la nature. Les 3/4 de la ville sont occupés par la mer. Nous avons l’ambition de construire une sorte de corniche pavée qui sera appelée la «Promenade des Sokonois». Nous avons aussi un quai de pêche qu’il faudra élargir et développer, le business de la pêche et de l’exploitation des produits halieutiques. Nous avons une commune où 47% de la population active sont constitués par les artisans. Donc, nous allons mettre un fonds pour l’Artisanat. Nous allons également stimuler et aider les jeunes à concevoir des projets. J’ai vu énormément de possibilités entrepreneuriales. J’ai été élu par les enfants qui ont dit à leurs parents : «Nous voulons Petit Guèye. Si vous ne voulez pas hypothéquer notre avenir, votez pour lui.» Maintenant, je suis le maire de Sokone, je dois protéger tous les Sokonois. Latif est un enfant de Sokone, je veux qu’il réussisse tous ces projets.

SOPHIE BARRO

( Les News )