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Macky, le tonnerre gronde…

Le tonnerre survient lorsque le vent pousse dans les airs des nuages dont les porteurs de charge négative sont attirés vers les porteurs de charge positive. L’immense décharge électrique qui en résulte explique le tonnerre et les éclairs. Un Hadith de Ibn Abbas (Qu’ALLAH l’agrée) dit : « Des juifs sont venus voir l’Envoyé d’ALLAH (Paix et Bénédiction d’ALLAH soient sur lui) pour lui demander ce qu’est le tonnerre. Il répondit : « C’est un ange parmi les anges. Il est chargé des nuages ; il a avec lui des sabres faits de feu avec lesquels il dirige les nuages là où Allah le veut ». Ils dirent qu’en est-il du son qu’on entend » ? Il répondit : « C’est le cri des nuages. Il les dirige là où il lui a été ordonné ». Alors ils dirent : « Cela est la vérité ».


Rédigé par leral.net le Jeudi 9 Juillet 2015 à 17:22 | | 8 commentaire(s)|

Bien que toute parabole sur des Hadith rapportée à des faits de société, soit plus une spéculation intellectuelle qu’une morale spirituelle, il est néanmoins tentant de comparer l’actualité politique sénégalaise avec ce récit de la sunna prophétique. En effet, les nuages s’amoncellent au-dessus de la tête du Président Macky Sall. Ceux porteurs de charge négative se condensent. Il s’agit des réformes institutionnelles initiées par le Président, qui sont loin de rompre avec le pilotage à vue dont son prédécesseur avait fait sa marque de fabrique. Elles sont également à la traîne en ce qui concerne leur consolidation dans le renforcement des acquis démocratiques. Pire, elles occultent les recommandations des Assises Nationales approuvées certes avec quelques réticences et elles renient sélectivement les conclusions de la Commission Nationale de Réforme des institutions (CNRI). Il en est ainsi de la dépolitisation du Ministère de l’Intérieur longtemps réclamée par les acteurs politiques et ceux de la société civile, du non cumul des charges de Chef d’Etat et de chef de parti et encore de la non présidence du Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) par le Chef de l’Etat, pour une réforme de la justice qui lui donne plus de liberté et de pouvoir, afin d’aller vers la consécration de son indépendance.

Tout au contraire, le pilotage à vue est devenu un pilotage ciblé sur les intérêts partisans. Comme l’Acte 3 de la décentralisation qui, sans jeu de mots, est centralisé sur les intérêts de l’APR. Comme également la proposition de loi portant modification du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, votée récemment dans la confusion et qui confirme définitivement le retournement de veste : Dorénavant c’est »Le parti avant la Patrie ». Pour le reste des réformes institutionnelles caractérisées par des reniements aux aspirations démocratiques consensuelles, c’est le stand-by opportuniste et froidement calculateur, sous les yeux passifs et complices de grands partisans des Assises Nationales et des réformes consolidantes qui siègent dans le gouvernement.

Quant aux nuages porteurs de charge positive, ils se forment à l’horizon des perspectives électorales orageuses parce qu’incertaines. L’option référendaire ou le choix parlementaire pour respecter l’engagement du Président Macky Sall de réduire son mandat présidentiel de 7 ans à 5 ans, fait encore débat. Le dilemme en la matière, respecter sa promesse électorale ou respecter la Constitution, est plus que cornélien, il est périlleux pour le Président. La patate est tellement chaude qu’il l’a refilée au Conseil Constitutionnel, après avoir tardé et perdu du temps à la cuire.

Les sages du droit n’auront pas également la tâche facile pour résoudre ce casse-tête juridique qui consiste à répondre à cette question, même si elle est enveloppée dans un paquet de petites réformettes : Le Président peut-il réduire (le) mandat présidentiel ou (son) mandat présidentiel en cours ? La question n’est pas si simple, parce que comportant des conséquences lourdes de danger. Quel qu’en soient les hypothèses qui se présenteront, elles comporteront des écueils plus ou moins difficiles à surmonter.

1) Hypothèse Avis favorable : Le Conseil Constitutionnel donne un avis favorable pour un référendum qui une fois approuvé validera l’application de la réduction du mandat présidentiel en cours. Ce serait »la porte ouverte sur toutes les fenêtres » comme dirait l’humoriste Jamel Debbouze. En effet, si on admet et accepte la rétroactivité de la loi constitutionnelle, on installe une jurisprudence lourde de conséquences. Qui réduit un mandat peut aussi l’augmenter.

De deux référendums (2001 et 2015) validés par un même peuple, on entérine le dernier qui devient plus valable que le premier. Sur ce point essentiel, je renouvelle ma question déjà posée : Si Macky Sall voulait porter son mandat en cours de 7ans à 10ans, même pour des raisons d’Etat de force majeure (Guerre ou catastrophe naturelle-Que Dieu nous en préserve !-), devrait-on l’y autoriser ? Un Yahya Jammeh sénégalais pourrait un jour s’engouffrer dans cette brèche ouverte. Surtout si c’est la voie Parlementaire qui est utilisée, par le vote mécanique majoritaire qui permet bien des dérives.

Abdoulaye Wade a beaucoup joué avec les institutions avec des réformes à sa convenance. Le conseil Constitutionnel lui avait donné le feu vert pour un éventuel 3e mandat. Mais il s’était brulé les doigts avec sa tentative de réforme instituant le dauphinat de la vice-présidence et le quart majoritaire pour remporter les élections dès le 1er tour. Le peuple n’avait pas eu besoin d’un référendum pour rejeter ce funeste projet. Ce même Abdoulaye Wade avait pourtant modifié le mandat présidentiel pour rétablir le septennat en 2008 à la place du quinquennat établi en 2001.

Par bonheur, il avait oublié ou n’avait pas osé se l’appliquer durant son mandat en cours. Sinon les forces du 23 juin se seraient réveillées plutôt. La loi constitutionnelle ne dispose que pour l’avenir, ceci pour prévenir toutes dérives politiques. L’Homme en général et l’homme politique en particulier, a une tendance naturelle à abuser du pouvoir, surtout si c’est le sien. Macky Sall l’a expérimenté avec succès (pour le moment) par la proposition de loi de ses sbires de BBY modifiant le RI de L’Assemblée Nationale, à leur guise et profit. Henri Konan Bédié avait ouvert la boîte de Pandore pour constitutionnaliser »l’ivoirité ». Mal lui en prit. Blaise Compaoré s’est essayé au« Wadisme » et a récolté son « 31 octobre ». Alors attention danger !

Autre conséquence de cette hypothèse d’avis favorable du Conseil Constitutionnel donnant le feu vert à Macky Sall pour la réduction de son mandat, ce sont les méfaits et déboires politiques qui s’en suivront. D’abord les risques d’implosion de sa coalition BBY. Le syndrome AFP guette le PS qui nécessairement videra la question de la candidature de son parti. Khalifa Sall ou Macky Sall, le même nom de famille mais aucune parenté politique, That’s the question ! Ce sera la dispersion au mieux et la division au pire. Le PIT et la LD/MPT, grands partis »cokseurs » devant l’Eternel, depuis le PS en passant par le PDS et aujourd’hui l’APR, veillent au grain et scrutent l’évolution de la situation politique, pour se positionner.

C’est dire que la majorité présidentielle peut vaciller gravement et se disloquer, surtout si les transhumants viennent nombreux ajouter leur piment au »cebbou saleté ». Déjà que le chef de parti Macky a beaucoup de mal (Manque d’autorité ?) à tenir ses partisans. Voilà pourquoi il remet toujours à demain (2016) et la saisine du Conseil Constitutionnel et le référendum, pour ferrer et décrédibiliser ses frères-ennemis de sa coalition. Le trouble politique sera d’autant plus grand qu’il aura à organiser 3 élections (Référendum, législatives, présidentielles) sur une période d’une année (2016-2017). Des échéances lourdes de danger pour lui, parce qu’incertaines et aux conséquences imprévisibles. En tout cas il lui sera difficile de remporter les trois.

2) Hypothèse Avis défavorable : Le Conseil Constitutionnel lui signifie qu’il ne peut réduire son mandat en cours, même par la voie référendaire, pour non rétroactivité de la loi Constitutionnelle et par obligation de respect de la Constitution sur laquelle il a prêté serment. Moustapha Cissé Lo, Oumar Youm, Bécaye Diop et Mankeur Ndiaye qui ne sont pas des « quantités négligeables » dans l’entourage du Président, continuent de défendre la thèse de la supériorité du serment constitutionnel sur la promesse électorale, malgré la fin de la récréation déjà sifflée. Les tergiversations se poursuivent donc et créent la confusion et le doute. Le Conseil Constitutionnel leur donnerait ainsi raison. Quelle désolation ! « Ô rage, Ô désespoir, Ô duperie et duplicité ennemies ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie » ? Que faire alors ? S’adresser au peuple et lui dire : » j’ai voulu mais je ne peux pas, donc je continue jusqu’en 2019 ».

En effet, ce serait une terrible infamie. Et nous voilà dans le fond du problème concernant l’éthique en politique et l’usage du « Wax waxeet » en démocratie. C’est compromettre le jeu démocratique que de promettre une chose pour être élu et se renier une fois élu. C’est rompre le lien de confiance qui devrait nécessairement exister entre le citoyen et son représentant à qui est confié un mandat pour exprimer et concrétiser les vœux de son mandant. Les révoltes populaires ainsi que les graves et meurtrières crises socio-politiques trouvent leur origine dans ces abjections dont sont capables les hommes politiques, particulièrement dans les démocraties africaines en devenir.

Le Président Macky Sall, en excluant catégoriquement toute idée de démission dans cette problématique aigue de cette idée saugrenue de réduction de son mandat, recherche les voies et moyens de sauver la face et de se tirer d’affaire. Pour preuve et illustration de cet état d’esprit, la dernière sortie malencontreuse dans la presse de Ismaila Madior Fall son brillant universitaire et conseiller constitutionnaliste, qui malheureusement s’est dévêtu de ses habits de juriste pour revêtir ceux de politicien. Il affirme : »

En réalité, il n’y a pas vraiment en l’occurrence, d’avis favorables ou défavorables. Il faut que les gens comprennent bien : l’avis sollicité ne portera pas que sur le mandat, mais sur un projet de révision qui contiendra plusieurs dispositions dont celle relative au mandat. Le Conseil »devra » se prononcer sur la manière (la faisabilité) dont le Président veut procéder pour réformer la Constitution et sur le contenu (la substance) de la réforme. En fonction de ses réponses juridiques attendues, le Président va envisager la suite politique ». Explication de texte : Ni avis favorables ni avis défavorables, donc avis neutres sans accord ou désaccord sur la volonté du Président. En dehors de l’injonction faite au Conseil, M. Fall cherche à le réduire au rôle de « chambre d’enregistrement ». Comment donner un avis neutre sur la faisabilité et la substance mêmes d’une modification constitutionnelle sans exprimer une position favorable ou défavorable ? Le Conseil Constitutionnel ne veille t’-il pas sur la Constitutionnalité des lois par des avis pour ou contre ?

Par-delà cet enfumage conceptuel, se cache l’opération de « package juridique » qu’on veut renouveler, après l’avoir essayé à L’Assemblée Nationale avec la récente proposition de loi modifiant son Règlement Intérieur, pour faire passer dans un même sac des lois progressives et régressives. Macky ayant maintenant fini d’installer ses juges confortablement, il espère compter sur leur compréhension ou docilité, pour ne pas lui chercher des poux sur la tête.

Jouer à jongler avec les institutions, peut se révéler dangereux voire périlleux. La liste est longue des Chefs d’Etat qui ont été emportés par les tripatouillages et autres tripotages des lois fondamentales de leurs Etats, pour se maintenir au pouvoir ou le conforter à leur convenance, oubliant qu’à Dieu seul appartient le pouvoir absolu et éternel. Macky n’a pas appris des erreurs pourtant flagrantes de son prédécesseur ni de celles de ses homologues africains qui se sont brûlés les ailes pour les mêmes causes. Laurent GBAGBO aveuglé par le pouvoir disait : »On gagne ou on gagne ».

Disons à Macky, en toute clairvoyance : »C’est en 2017 ou en 2017 ! ». Dans notre culture sénégalaise, les anciens lançaient toujours des avertissements par des paraboles, je m’inscris dans cette tradition pour rappeler que : Le tonnerre gronde toujours sourdement avant d’éclater….

CHERIF BEN AMAR NDIAYE
Kaadoubitimrew.com