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Manifeste pour une Justice forte et indépendante ! ( Forum du Justiciable)


Rédigé par leral.net le Mardi 19 Juillet 2016 à 15:55 | | 0 commentaire(s)|

Manifeste pour une Justice forte et indépendante ! ( Forum du Justiciable)
L’importance de la justice, sa place centrale dans notre démocratie et le rôle essentiel qu’elle joue dans l’équilibre de la société ne sauraient être discutés. Il n’y a pas de démocratie, de liberté ni d’équité si la justice n’est pas libre. C’est pourquoi l’indépendance de la justice, c’est-à-dire l’absence de toute soumission des magistrats dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle à des pouvoirs extérieurs, doit être une constante préoccupation.

Cette nécessité est solennellement proclamée par la constitution qui dispose en son article 88 que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif… ». Cette séparation des pouvoirs théorisée par MONTESQUIEU ainsi que les freins et contrepoids visant à éviter la prédominance de l’un de ces pouvoirs, figurent au nombre des principes les plus chers à toute démocratie véritable. Non seulement, ils garantissent à l’appareil judiciaire son indépendance, mais lui confèrent aussi la réalité d’un pouvoir considérable. Un pouvoir judiciaire indépendant, garantit aux justiciables que l’acte de juger sera seulement déterminé par les arguments du débat judicaire, en dehors de toute pression ou de tout préjugé. La justice joue un rôle essentiel pour l’équilibre de la société. Rien ne doit lui faire perdre son éminence, condition de son crédit et de son prestige. La nation entière lui doit un respect inaltérable.
Toutefois, l’on se rend compte que depuis quelques temps, la justice sénégalaise est placée sous les feux de la rampe. Nous assistons actuellement à une justice décriée, mise au banc des accusés, une justice dont l’indépendance est remise en cause.

C’est certainement ce qui a irrité l’Union des Magistrats du Sénégal (UMS)qui dénonçait déjà au mois de Février 2016 dans un communiqué rendu publicles immixtions intempestives du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de l’appareil judiciaire ainsi que le non-respect des décisions de justice par certaines autorités étatiques du pays. D’ailleurs, l’on se souvient encore que dans l’affaire opposant les élèves-maîtres au Ministre de l’éducation, que ce dernier avait manifesté un refus catégorique d’exécuter la décision rendue par la Cour suprême, bénéficiant mêmedu soutien de l’Assemblée nationale et du Président de la République, clé de voûte des institutions. Dans un Etat de droit, quand un ministre de la République refuse d’exécuter une décision de justice, ça devient très gravecar cela peut être érigé en jurisprudence. Dans le même ordre d’idées, l’on se souvient que dans le cadre de la traque des biens supposés mal acquis, le Président de la République avait soutenu avoir mis sous le coude certains dossiers de justice. Un geste qui pourrait expliquer la sélectivité notée dans les poursuites, qui viole les dispositions de notre charte fondamentale en son article 1 qui dispose « La République du Sénégal(…) assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine... »A côté de ces faits, on notele silence assourdissant de la justice sur certains dossiers qui interpellent directement ou indirectement l’Etat du Sénégal, comme dans affaire Lamine Diack, Pétrotim, Arcelor-Mital, Bictogo, les malversations signalées au Coud par l’OFNAC, protocole de rebeuss… Il est également regrettable de constater que le procureur de la République, maître des poursuites et représentant de la société n’a pas le réflexe de l’auto-saisine. Rares sont les cas où nous avons vu le procureur de la République s’autosaisir.

Aujourd’hui la justice sénégalaise est sur le point de perdre sa crédibilité et la confiance des justiciables, il est évident que le manque d’indépendance crée une certaine opacité dans le traitement des affaires, décourage les citoyens, fait naître en eux des prémisses de rébellion, renforce les disparités en même temps qu’il mine les valeurs démocratiques et favorise la perte de confiance. La justice comme disait le Procureur Général ARPAILLANCE« ne règne pas seulement par des décisions ; elle doit dominer surtout par la confiance qu’elle inspire ».

Fort de ce constat, l’on comprend aisément la réaction de l’Union des Magistrats du Sénégal qui dans un communiqué en date du 12 Juillet 2016 a exigé le départ du Président de la République et du Ministre de la Justice du Conseil supérieur de la Magistrature. Pour rappel, le Conseil supérieur de la Magistrature institué par l’ordonnance n°60-16 du 3 septembre 1960 modifié par la loi organique n°92-26 du 30 Mai 1992 est l’instance qui gère de maniéré générale la carrière des magistrats. Le conseil est présidé par le Président de la République avec le Ministre de la Justice comme vice-président, deux grandes personnalités qui incarnent le pouvoir exécutif. Alors une structure qui gère la carrière des magistrats et qui est dirigée par l’exécutif, pensez-vous un instant qu’on peut parler de séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice ? A cette question, le Forum du Justiciable répond par la négative.

Le fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature montre une dépendance absolue par rapport à l’exécutif or aucun système judiciaire ne peut fonctionner de manière juste et efficace s’il ne contient des garanties intrinsèques propres à assurer dans toute la mesure du possible, son indépendance, le respect des normes éthiques les plus élevées auxquelles sont tenus les juges.

Au regard de ce qui précède, nous exigeons le départ de l’exécutif du Conseil supérieur de la Magistrature. Mieux, nous invitons les Sénégalais à signer massivement la pétition pour obliger l’exécutif à quitter ce conseil.
Vive la justice, vive le Sénégal
Fait à Dakar le 19 Juillet 2016