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Marie Teuw Niane: « La concertation sur l'enseignement supérieur démarre ce 09 janvier »

La mobilité du corps professoral, le vieillissement du personnel d'encadrement, la politisation de l'espace universitaire, la bonne gouvernance de l'enseignement supérieur, la nomination ou l'élection des recteurs, le désordre dans l'enseignement supérieur privé… autant de questions qui recoupent les préoccupations des universitaires Sénégalais.

Des questions qui seront soumises à l'appréciation des acteurs de la concertation nationale, dont le ministre de l'enseignement supérieure et de la Recherche annonce ici le souci du gouvernement de trouver des solutions concertées à tous ces problèmes avec des concertations qui démarrent ce 09janvier 2013. Dans cet entretien qu'il a accordé à Sud quotidien, Mary Teuw Niane, sans détours décline ses ambitions pour le sous secteur.


Rédigé par leral.net le Dimanche 6 Janvier 2013 à 13:51 | | 0 commentaire(s)|

Marie Teuw Niane: « La concertation sur l'enseignement supérieur démarre ce 09 janvier »
A l’université de Dakar le personnel est vieillissant et selon certaines estimations 60 à 70% du corps enseignant va décrocher d’ici deux à trois ans. Quelles sont les dispositions qui sont prises pour le remplacer, surtout si l’on sait que le recrutement se fait au compte goutte?

Je pense qu’il faut d’abord beaucoup pondérer vos chiffres. On a parlé du projet de financement et de gouvernance de l’enseignement supérieur axé sur les résultats. Le plan d’équilibrage des budgets des universités inscrits dans ce projet prend en charge l’évolution des universités de 2012 à 2017, en prenant en compte l’évolution des effectifs des étudiants et le respect d’un certain niveau de taux d’encadrement.

C’est par rapport à ce taux d’encadrement que le budget est évidement calculé pour procéder chaque année au recrutement d’enseignants qui permet de maintenir ce taux d’encadrement à un niveau convenable. Dans cette planification, il est clair que les retraités vont être remplacés et il y aura un recrutement supplémentaire d’enseignants. En tout cas, de manière générale, au niveau de plusieurs disciplines, nous avons formé beaucoup de Docteurs qui souhaitent simplement être recrutés. L’élargissement de la carte universitaire qui est un processus en cours, se fait sur plusieurs aspects. C’est la montée en puissance des universités autres que Dakar, l’arrivée de nouvelles universités, la croissance de l’enseignement supérieur privé, l’arrivée des Isep et des universités de métiers.

Tout ceci, l’un dans l’autre, va créer dans un horizon de 05 ans, une situation dans laquelle l’université de Dakar ne jouera plus son rôle d’université privilégiée d’accueil des bacheliers. Ceci va également nous amener à faire baisser les effectifs de l’UCAD. D’ici 04 à 05 ans, la réalité de la carte universitaire va changer. Dakar qui baisse en effectif verra son taux d’encadrement qui se relève. C’est aussi un renforcement de la qualité à travers non seulement les contrats de performance, mais aussi le fait que cette pression sur les enseignants, les équipements, les laboratoires… va baisser et revenir à la normale. Donc pour l’évolution de la carte universitaire, il faut bien mesurer que dans un horizon de 04 -05 ans, les effectifs de Dakar vont baisser.

Il se pose également la question de la mobilité des enseignants qui tendent à se sédentariser alors qu’au début, avec l’université de Saint- Louis, il y avait beaucoup de mouvement?

C’est vrai que l’Université Gaston Berger s’est beaucoup renforcée. Aujourd’hui elle a niveau d’encadrement très important qui fait qu’il y a peu de mobilité comparée à 1990. Mais il ya toujours une certaine mobilité dans les deux sens entre Dakar et Saint- Louis ou Ziguinchor et Thiès. Cette mobilité, elle va être codifiée et facilitée. Vous le savez aujourd’hui quand un enseignant quitte par exemple Ziguinchor pour venir à Dakar, il doit démissionner de son poste à Ziguinchor pour venir prendre un nouveau poste à Dakar et vice et versa.

Le Saes ne semble pas agréer une telle situation?

Non, ce sont des dispositions que personne n’agrée, cela signifie simplement qu’il faut réadapter les textes, les moderniser puisque nous avons des anciens textes. C’est la loi 81-059 qui date de 1981. Or, en 1981, il n’y avait qu’une université, l’Ucad. Aujourd’hui on a six universités, 05 plus la deuxième université de Dakar. C’est pourquoi ces textes ne sont plus adaptés. C’est ce que fera d’ailleurs la concertation nationale sur l’enseignement supérieur qui démarre début janvier et je peux même vous assurer que le premier atelier va démarrer le 09 janvier prochain. Cette concertation va nous permettre de réadapter les textes, car il s’agit de la mobilité des enseignants mais aussi des étudiants que codifie le système LMD.

Dans la réalité c’est une mobilité qui n’est pas encore facile et fluide. Lorsqu’un étudiant quitte Bambey qu’il passe devant une commission d’équivalence, ce n’est pas normal dans un même pays et dans un même système. Donc grâce aux nouveaux textes tout ceci va disparaître. Un étudiant va pouvoir avoir la possibilité de faire un semestre à Dakar et un deuxième à Thiès. De faire un semestre à Saint-Louis, un autre à Ziguinchor ou une année à Dakar et une autre à Thiès, ainsi de suite. Et ensuite c’est la mobilité des personnels administratifs, techniques et de service. Donc, il faut construire cette mobilité de telle sorte qu’il n’y ait pas d’interruption de carrière et qu’il n’y ait pas aussi de stress de personnel.

A cela, il faut ajouter aussi qu’avec l’Internet qui permet l’installation de salles visioconférence, beaucoup d’enseignants ou de PATS n’ont pas besoin de bouger. Aujourd’hui, il est possible de partager entre étudiants de plusieurs campus les enseignements d’un même professeur. Ceci est permis grâce aux équipements que vont amener les contrats de performance. Mais aussi grâce à cette université virtuelle qui est en gestation et qui devrait démarrer avant le 31 décembre 2013 et qui va permettre de rapprocher l’enseignement supérieur de l’étudiant.

L’Enseignement supérieur a toujours été considéré comme un parent pauvre du précédent plan à cause des options des bailleurs, mais aujourd’hui que les perceptions ont changé, on a autant besoin de l’enseignement supérieur que de l’éducation de base. Quelle est la place de l’enseignement supérieur dans le nouveau Plan décennal de l’Education et de la Formation (PDEF) qui va de 2012 à 2025?

Je pense qu’il y a un éveil de conscience et cet éveil est le changement d’attitude des partenaires. Aujourd’hui tout le monde comprend que pour aller vers la croissance, si on veut produire de la richesse, si on veut atteindre les OMD, il est indispensable de développer l’enseignement, la recherche et l’innovation. C’est aussi une des priorités du programme Yonnu Yokkuté du Président Macky Sall qui place l’enseignement supérieur au cœur de sa politique de développement économique. Dans ces pôles régionaux de développement économique, il accorde une place importante à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation. Je dirai que c’est un appel aux enseignants-chercheurs, aux enseignants, aux étudiants et aux étudiantes, à aller vers la connaissance et à se l’approprier, afin de l’utiliser pour construire un nouveau Sénégal qui permet à ce pays d’entrer dans l’économie du savoir.

Jadis un fleuron, notre enseignement supérieur est aujourd’hui ruiné par la politisation de ses acteurs disent certains. Partagez-vous ce point de vue?

La politisation partisane crée beaucoup de problèmes, lorsqu’elle se développe au niveau de l’espace de l’enseignement supérieur et je dirai même de l’espace tout court. Lorsque tout ce que l’on recherche en général c’est l’échec pour dire, vous voyez: «ils ne peuvent pas réussir». La politisation au sens noble du terme ne peut pas être absente de l’espace universitaire. Parce que c’est l’espace dans lequel sont formés les cadres de ce pays. Dans cet espace de liberté, d’esprit critique, la réflexion a un sens et l’action politique contribue à former le jeune et à lui donner la motivation, l’ambition pour participer à la construction de son pays. Ce qui n’est pas bon c’est un certain corporatisme à outrance, une démarche partisane destructrice à travers des luttes d’influence.

Je pense qu’il est temps que tout le monde comprenne que l’espace universitaire a besoin de paix et de stabilité pour nous donner les bras, les cerveaux indispensables, à construire le développement et à défendre notre dignité.

La question de la désignation du recteur taraude toujours les esprits. Selon Les enseignants, les recteurs doivent être nommés par leurs pairs et non par une autorité politique. Quelle est votre opinion sur cette question?

C’est une des questions qui sera nécessairement prise en charge par la concertation nationale pour l’avenir de l’enseignement supérieur. Parce que la question de la gouvernance est au cœur de la réforme de l’enseignement supérieur. C’est vrai, c’est une revendication très ancienne. Beaucoup de pays procèdent à l’élection du recteur, c’est le cas du Niger, du Bénin, de la Côte d’Ivoire. Les pays développés n’ont pas la même démarche. Certains élisent, d’autres font des appels à candidatures. Pour un pays comme le Canada, ce sont des appels à profils et les gens se présentent devant des comités de sélection qui évaluent les candidatures avant de faire des propositions. C’est à partir de ces propositions que les recteurs sont nommés.

Je voudrais d’ailleurs dire que nous avons eu une innovation toute récente qui est le choix du coordonnateur de la deuxième université de Dakar. Il y a eu un appel à candidatures, une sélection avec trois noms qui ont été proposés au Président de la République qui a choisi le professeur Oumar Guèye, professeur de Chimie au niveau de la Fac de Sciences et techniques de l’UCAD. Donc il y a plusieurs schémas possibles. La concertation fera des propositions et le Président prendra la décision qui est la meilleure pour notre pays.

Que vous inspire la prolifération d’universités privées, n’est il pas temps de mettre un terme à cette situation que certains qualifient de «sauvage»?

Si à certains moments les gens ont peut être fermé les yeux, c’est fini maintenant. C’est terminé pour plusieurs raisons. D’abord, parce que dans cet espace, il y a des structures d’enseignement privé de qualité qui ont pu se forger et qui ont tendance même à devenir des multinationales en Afrique. Tellement la qualité de leur formation est reconnue, elles commencent à essaimer dans beaucoup de pays. Nous avons des institutions d’enseignement supérieur privé de qualité et nous en avons de moins bons. La création de l’ANAQ est un élément extrêmement important de régulation au niveau du secteur de l’enseignement public comme privé. Nous parlons beaucoup dans ce pays de bonne gouvernance, de transparence, de reddition de comptes, dans l’enseignement supérieur.

Quand on parle de cela on pense plus à la gouvernance des universités, à la gestion financière et administrative, des services sociaux (COUD, CROUS), des bourses… Cela est régi par le respect des manuels de procédures. Par exemple, la mise en place du LMD répond à des manuels précis de procédures. Il faut une autorité indépendante, autonome capable de vérifier si les conditions sont respectées. Elle doit être à même de prendre et de faire prendre des sanctions et c’est ce rôle que va jouer l’ANAQ.

Comme je le dis, l’ANAQ va d’abord informer, communiquer pour que tout le monde comprenne les règles du jeu. Ensuite, l’ANAQ va faire des évaluations aussi bien des enseignements, des formations, des institutions et va ensuite proposer des sanctions positives ou négatives qui peuvent s’appliquer à une institution privée comme publique. Grâce à la mise en place de l’ANAQ et grâce au contrôle a priori de la direction de l’enseignement supérieur, grâce aussi au contrôle a posteriori du CAMES, nous aurons un cadrage désormais de notre enseignement supérieur qui va faire que les institutions incapables de respecter les règles vont simplement disparaître.

Pouvez-vous assurer que la réforme des titres se fera dans le sens souhaité par les enseignants?

La réforme des titres et grades est nécessaire puisqu’elle est liée au système LMD. Maintenant les modalités d’application vont dépendre d’abord des conclusions de la concertation nationale sur l’enseignement supérieur et des accords qu’ils vont avoir avec le gouvernement. Nous en discuterons et les conclusions de ces discussions permettront de savoir comment cela va s’appliquer. Mais elle est indispensable à la réforme LMD.

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