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Morgue de hôpital de Louga : "Il y a des gens qui viennent nous demander des orteils, les doigts …de disparus"


Rédigé par leral.net le Mercredi 18 Avril 2018 à 13:53 | | 0 commentaire(s)|

Le journal "L’Observateur" a ouvert ses colonnes aux personnes qui s’occupent des morts à la morgue de l’hôpital de Louga et les vigiles de cimetière à Louga. Ils font des témoignages inédits et bouleversants auxquels ils font face dans leur tâche quotidienne.

"Nous nous acheminons tout droit vers la fin du monde. Les gens sont aujourd’hui, prêts à violer tous les interdits dans l’unique but de réaliser leurs rêves. Parfois, j’ai peur quand des gens viennent vers moi pour me demander le reste du savon utilisé pour un bain mortuaire. Je ne sais pas pourquoi ils viennent discrètement jusqu’à l’hôpital pour le solliciter, mais en tout cas, il (le reste savon) est très convoité par les charlatans. Il paraît qu’ils l’utiliseraient pour lutter contre la cleptomanie.

Certains n’hésitent pas non plus à solliciter les cheveux, les ongles, les doigts ou d’autres parties du corps du cadavre. Ils nous font des propositions les une plus alléchantes que les autres, mais à chaque fois, je les rabroue, car je ne comprends pas comment une personne dotée de raison peut-elle se permettre de déranger le sommeil de nos morts pour règler uniquement un besoin bassement matériel
", confie le cœur meurtri, Baba Fall, responsable de la morgue de l’hôpital régional Amadou Sakhir Mbaye de Louga.

Son témoignage bouleversant est confirmé par l’Imam Abdou Lakhat Ndiaye, 56 ans, spécialiste des toilettes mortuaires. "Très souvent, ces gens très versés dans le mysticisme, viennent en cachette vers nous, pour solliciter certains objets utilisés pendant les toilettes mortuaires. Généralement, ils nous demandent une partie du reste de l’eau servant à faire la toilette, le reste du savon, une partie du linceul, un morceau de bois du cercueil et même parfois, le tissu avec lequel l’on avait attaché le corps sans vie. Certains apportent des bâtons et des morceaux de tissu pour mesurer le cadavre.

Certes, au début de ma jeune carrière, je donnais souvent le savon déjà utilisé à des connaissances, car il se susurre qu’il est efficace contre la cleptomanie. Cependant, depuis qu’un charlatan m’a révélé que ce savon pourrait être utilisé à des fins mystiques, j’ai changé de position. Et, pour rien au monde, je ne céderais jamais à la tentation, parce que, je suis un Musulman et tôt au tard, je mourrai et je rendrai des comptes à Dieu. D’ailleurs, dès que je termine le bain mortuaire, je prends le soin de creuser un grand trou où j’ensevelis tous ces objets très convoités par ces gens, qui ne sont motivés que par le mal (…).

Ces pratiques sont devenues monnaie courante sous nos cieux. C’est pourquoi, nous devons les combattre férocement. En tout cas, de notre côté, nous avons pris les devants, parce qu’avant qu’on apprenne ce métier à une personne, nous lui posons la condition de prêter serment
», explique-t-il. Il jure devant Dieu qu’il ne cédera jamais à la tentation de ces gens véreux.

Outre les morgues des hôpitaux, les pratiquants de ces actes ignobles ciblent également les cimetières. Si les uns y pénètrent en toute discrétion, d’autres s’attachent les services des gardiens de ces lieux. « Il y a de cela 2 ans, aux environs de 20 heures, j’avais reçu la visite d’un célèbre lutteur vivant à Dakar. Il était accompagné d’un vieux au teint clair, portant un caftan de couleur blanche et qui tenait entre ses mains une bouilloire. Alors, quand nous nous sommes mis à l’écart dans la pénombre, le lutteur est allé droit au but, en me demandant de lui montrer la tombe d’un aveugle.

Avant que je ne place un mot, il a glissé dans ma poche une liasse de billets de banque. Vraiment, au fond de moi, je ne voulais pas accepter sa proposition, mais j’étais très gêné par son geste. Après lui avoir montré la tombe, je l’ai observé de loin, il a versé un liquide au niveau de la tête, puis il a aménagé un trou où il a mis une petite corne
», narre le gardien d’un cimentière sous le couvert de l’anonymat. Puis, comme une manière de révéler la face hideuse de ces pratiques, il martèle d’un ton ironique : "Il (le lutteur) doit regretter d’avoir profané cette tombe, dans la mesure où, il a été terrassé par son adversaire ".