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Note de lecture du Pr Iba Der Thiam sur le livre de Mbaye Jacques Diop

Notre monde se transforme et affine, continuellement, ses paradigmes préexistants. Il va continuer de changer à une allure beaucoup plus rapide et à une ampleur jusque-là inégalée. Dans le domaine géostratégique, par exemple, on n’occupe plus, de nos jours, territorialement, un pays pour le coloniser. Dans la plupart des cas, pour dominer un pays, il suffit, simplement, de l’influencer linguistiquement, culturellement, politiquement, économiquement et diplomatiquement.


Rédigé par leral.net le Lundi 8 Avril 2013 à 16:27 | | 1 commentaire(s)|

Note de lecture du Pr Iba Der Thiam sur le livre de Mbaye Jacques Diop
Nous sommes à l’heure de la mondialisation, marquée par un puissant mouvement de standardisation et de manifestations métasouveraines d’uniformisation des peuples et des consciences, qui s’emploie à tailler toutes les sociétés sur le même patron et à faire abstraction de leurs spécificités culturelles.

Dans un contexte pareil, chaque peuple, chaque pays, chaque culture a besoin de références, de modèles, de repaires, de symboles, de valeurs, de points d’ancrage, s’il veut éviter d’être phagocyté et emporté comme fétu de paille par le courant mondialiste sous ses facettes multiples.

Placée sous cet éclairage, l’initiative de Mbaye Jacques DIOP ne manque, évidement, ni d’intérêt, ni de pertinence, ni d’opportunité.
L’histoire de sa vie, qui a traversé les 2/3 du XXème siècle et les premières décennies du XXIème siècle est, sans aucun doute, riche d’enseignements.

Elle est d’autant plus riche, au demeurant, que l’intéressé la lit comme une vie de combats ;
-Combat pour exister, être et demeurer, contre vents et marées, envers et contre tous ;
-Combat contre la fatalité d’un hiatus familial qu’il a surmonté avec courage et sans rancune ;
-Combat de fidélité et de reconnaissance en faveur de tous ceux qui l’ont plus ou moins aidé à un moment crucial de sa vie ;
-Combat contre la discrimination coloniale, incarnée par Mademoiselle Colombani et par Madame Valain ;
-Combat pour la construction d’un leadership personnel au milieu d’écueils multiples ;
-Combat contre la balkanisation du continent ;
-Combat pour les Etats-Unis d’Afrique ;
-Combat pour l’indépendance immédiate ;
-Combat contre certains détracteurs de l’ex-PAI qu’il ne confond pas avec Majhmout Diop ;
-Combat contre le OUI au référendum de 1958 ;
-Combat contre l’UPS et certains de ses choix stratégiques et tactiques ;
-Combat pour le retour à sa famille politique d’origine, quand il l’a provisoirement quittée ;
-Combat contre la chefferie traditionnelle ;
-Combat contre ce qu’il appelle la Tanorisation de son parti ;
-Combat pour l’édification de Rufisque 2 ;
-Combat contre la SENELEC ;
-Combat contre la SOCOCIM ;
-Combat contre VALDA d’Afrique ;
-Combat pour le progrès social des populations rufisquoises ;
-Combat contre la CENTIF, surtout, à laquelle, il consacre plus de 20 pages sur 178 que compte ce récit, réparties en 14 chapitres ;
-Combat contre la BICIS ;
-Combat contre la déception ressentie auprès du PDS et de Me WADE après la fusion PDS/PPC ;
-Combat pour la décentralisation.

Cela fait, au total, si je ne me trompe, 23 combats, tout au long d’une vie, qui n’a pas, encore, bouclé ses 80 ans. C’est énorme. Un tel bilan honore son auteur.

Combien de personnes peuvent se prévaloir d’un tel activisme ?

La seule évocation de ce palmarès prouve, avec éclat, que Mbaye Jacques Diop est, d’abord, une volonté forte, un caractère trempé, un homme de refus, un homme d’engagement, un homme de courage, un homme de fidélité, un homme chevillé à de fortes convictions sociales et politiques et à des valeurs culturelles indéracinables, un homme auquel rien de ce qui est humain n’est étranger selon des mots de Térence.
Une pareille existence peut tenir lieu inéluctablement de viatique pour notre jeunesse.

Mais, la saga de Mbaye Jacques Diop, c’est aussi et surtout, un partenariat fusionnel entre lui et sa ville natale.
Rufisque a joué dans l’histoire du Sénégal, de l’Afrique et du monde noir, un rôle exceptionnel.

Erigée en commune de plein exercice, dès 1880, cette ville, que Pierre Loti décrivait dans le dernier tiers du XIXème siècle comme « la Rio Fresco des Portugais, qui entassait, naguère, sur ses plages blanches, des montagnes d’arachides », fut, jusqu’à la 2ème Guerre Mondiale, le deuxième port de l’AOF. Rufisque a, pour cela, été témoin de beaucoup d’événements historiques parmi lesquels, je ne citerai que ceux que nos intellectuels et notre jeunesse ignorent, hélas.

Ce fut à Saint-Louis et à Rufisque, que l’influence de l’Aurore de Saint-Louis, celle du Parti Jeunes Sénégalais, calquée sur le modèle Jeunes Turcs, Jeunes Egyptiens, Jeunes Tunisiens, Jeunes Algériens, a été la plus forte, dès le début du XXème siècle.
Ce fut à Rufisque, que Galandou Diouf a été élu Conseiller général en 1909, en plein milieu Lébou.

Ce fut ce fils de Rufisque qui fut le père authentique, hélas méconnu, de la Francophonie, avec la création, dès 1912, de l’Union Sénégalaise pour la Propagation de la Langue Française, dont les activités devaient s’étendre à tous les colonies de l’AOF. Les objectifs visés consistaient, entre autres, à faire aboutir, par les moyens propres, la diffusion de la langue française.

La ville de Rufisque a été actrice et témoin du congrès qui s’est tenu à l’Hôtel Agard, entre les deux tours de l’élection législative, les 26 Avril et 10 Mai 1914, qui marque, avec l’élection de Blaise Diagne, de son vrai nom Galaye Mbaye Diagne, un tournant historique pour le monde Noir. Ce fut à Rufisque, entre autres localités, que Marcus Garvey a installé des cellules fortes de son mouvement dont Maurice Guèye et Armand Angrand étaient membres.

Ce fut de Rufisque, que la Fédération de la Jeunesse d’Afrique vit le jour, en Août 1949, grâce à l’action de Jean Diallo, de la Jeunesse Ouvrière Catholique, de retour d’un Congrès de la World Association of Youth W.A.Y, tenu à Istanbul. Il proposa, le premier, la création d’un Conseil de la Jeunesse du Sénégal, comprenant, à l’origine, des groupements tels que le Progrès de Dakar, la Jeunesse Rufisquoise, la Lyre Africaine, la Concorde, la Fraternité, l’Union de la Jeunesse Catholique, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, l’Association Sainte Agnès.

Cette nouvelle structure, dont le siège se trouvait au N°69 de la Rue Blanchot, était dirigée par un Bureau de 7 membres, comprenant Ndiaye Lamine, Ngoma Félix, Diallo Jean, Diop Abdoulaye, Diène Blaise et Sarr Cheikh.

Ce sont ceux- là qui, avec Kane Ali Bocar du Progrès Fluvial de Dakar, membre de la SFIO, Ndaw Amadou Ndéné du RDA, Mbaye Alioune Badara du RJDA, Diop Youssouph, Kane Amadou, Delattre Marie Louise de la Jeunesse Ouvrière Catholique, Mendy Charles de l’Amicale Catholique de Dakar, Dembélé Balla, Konaté Demba, Diawara Gabou du Soudan français, Mangué Soumah, Barry Yvette, Sylla Boubacar, Tolnot Laurent, Camara Nabi Yaya de Guinée, Issoufou Seydou du Niger, Agboton Ambroise du Dahomey, Ouédraogo Joseph de Haute-Volta, etc., qui comptent parmi les précurseurs du nationalisme africain apparu dès les années 20.

Les Jeunesses du RDA, du BDS, du RJDA, du Conseil de la Jeunesse, du PAI, du Mouvement de la Paix, de l’UGTAN, de l’Association des Etudiants de Dakar ; l’action de patriotes comme Ly Tidiane Baidy, Ndao Amadou Ndéné de la CGT, Diop Amadou du Mouvement de la Paix, Guèye Latif de la Lyre Africaine, Ndiaye Aminata de l’Union des Femmes, Bâ Thierno de l’UDS, Ly Abdoulaye et Mbengue Alioune Badara du BDS, Amady Aly Dieng de la FEANF, Bachir Thioune, Mbaye Dione, Samba Ndiaye, Malick Camara, Malick Sow, Bouré Thiaw, Thioumbé Samb, Marianne D’Erneville du PAI, ont suivi leurs traces, en dénonçant le massacre de Thiaroye 44 et en soutenant la lutte du peuple indochinois, celle du peuple algérien et pour faire NON au référendum du 28 Septembre1958. Ils comptent, eux-aussi, parmi les porteurs visibles ou non de pancartes.

Sur chacune des thématiques, le livre apporte un éclairage nouveau sur des pans entiers de l’Histoire du Sénégal et permettra de mieux comprendre la philosophie politique et morale de l’homme politique qu’a été et reste Mbaye Jacques Diop, ainsi que sa vision de l’humanisme, du Panafricanisme et de la dignité humaine, incarnés, avec éclat, à travers les modèles qu’il s’est choisis.

Ce travail, par les valeurs qui l’irriguent, les convictions qui le portent, la sincérité du propos, la précision des faits, le courage qui se dégage des jugements émis sur un certain nombre de questions, le patriotisme qui l’anime et la foi inextinguible en Rufisque, au Sénégal, en l’Afrique, à la communauté des peuples souffrants qui le caractérise, enfin, par les leçons de vie qu’il propose, mérite le respect et force l’admiration.

Je pense qu’il sera introduit dans chaque foyer, à l’heure où la quête de sens à la vie constitue une préoccupation dirimante dans notre pays.
Cette autobiographie est l’œuvre d’un self made man, qui s’est construit, tout seul, Dieu mis à part, par la force du poignet.
Mais, pour moi, il va bien au-delà.

Il est, surtout, un hommage à une femme, sa mère Thiaba Diop ; un hommage, aussi, à ses épouses ; un hommage à toutes les femmes africaines ; un hommage à ses compagnons de lutte, que furent Rose Basse, Awa Gaye, Adja Magatte Diop, Assane Masson Diop, Massamba Niang, Amadou Racine Ndiaye, Moustapha Niasse, etc. ; un hommage, également, au parti qui en a fait ce qu’il a été : le BDS, devenu BPS, UPS et Parti Socialiste ; un hommage de reconnaissance à Léopold Sédar Senghor, à Maurice Guèye, à Assane Seck et à tous ceux qui l’ont aidé et motivé à demeurer dans la voie du combat pour relever tous les défis ; un hommage à ses compagnons de lutte auxquels, il est resté fidèle depuis 1947-1948 ; un hommage, aussi, aux bons français, symbolisés par le couple de Professeurs M. et Mme Gauche, compagnons obscurs qui, dans le cadre des Groupes d’Etudes Communistes (GEC)en 1943 ou des Comités d’Etudes Franco-africains (CEFA) en 1945, ont combattu le système colonial, aux côtés des patriotes africains.

Il est, en plus, un hommage au nationalisme pan noir, à travers les figures emblématiques de Cheikh Ahmadou Bamba, de Mohamed Ali alias Cassius Clay, des athlètes noirs qui ont porté le combat pour les droits civiques jusqu’au cœur des jeux olympiques de Mexico de 1968, de Martin Luther King, dont le rêve avait, déjà, été annoncé par Anténor Firmin, ce digne fils d’Haïti, dès 1885.

Il est, enfin, un hommage à la rigueur morale, à la probité et à l’éthique, à l’intégrité dans la gestion des biens publics, à l’attachement aux valeurs d’honnêteté, de dignité, de travail, d’effort et de quête permanente d’un leadership mérité, pour compter, toujours, sinon, parmi les premiers, du moins parmi les meilleurs.






1.Posté par ptit citoyen le 08/04/2013 17:00 | Alerter
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"Cela fait, au total, si je ne me trompe, 23 combats, tout au long d’une vie, qui n’a pas, encore, bouclé ses 80 ans. C’est énorme." Je retiens de ce tralalaaa, un seul mot noyé dans un flot de propos: c'est énorme. c'est énorme comme impressionnant ou au sens lacanien du terme? Là est la question.

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