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Pourquoi Souleymane Ndéné doit faire gagner Wade: Le pari d’un défi personnel au service d’une cause commune

Rédigé par leral.net le Vendredi 25 Novembre 2011 à 11:34 | | 0 commentaire(s)|

En décidant de confier très tôt le directoire de sa campagne à son actuel Premier ministre, Wade s’inscrit dans une tradition qu’il a lui-même instituée : responsabiliser ceux qui ont sa confiance dans la gestion de sa campagne.
Outre le fait de choisir un directeur de campagne autre que son Premier ministre pourrait fragiliser ce dernier, il y a le souci de mettre à contribution celui qui est censé comprendre le mieux sa vision et son bilan.
Le choix de faire de Souleymane Ndéné Ndiaye le directeur de campagne du candidat Wade est donc non seulement légitime, mais aussi pertinent sur le plan politique.


Pourquoi Souleymane Ndéné doit faire gagner Wade: Le pari d’un défi personnel au service d’une cause commune
Plus que quiconque, le Premier ministre a intérêt à ce que non seulement Wade remporte les élections haut la main, mais aussi que sa campagne soit exceptionnellement convaincante : c’est son propre avenir politique qui est en jeu.
Si jamais Wade venait à perdre ou même à gagner de façon étriquée, c’en serait fin pour la carrière politique du PM. Tout échec dans la campagne ou dans les résultats pourrait être fatal à l’actuel Premier ministre, car l’opinion publique et son propre parti lui reprocheraient d’avoir échoué là où ses prédécesseurs ont tous réussi.
Si Idrissa Seck et Macky Sall revendiquent le statut d’actionnaire ou de pilier essentiel de la maison libérale, c’est en partie en référence à leur cursus en tant que directeurs de campagne de Wade.
Chacun d’eux peut revendiquer d’avoir fait gagner Wade et on n’a pas besoin de faire remarquer que cela constitue en soi un bénéfice ou un patrimoine politique précieux et prestigieux.
Il n’est d’ailleurs pas exagéré de penser que leur stature politique a été sculptée ou, en tout cas, renforcée par le fait que leur nom soit invariablement lié à l’élection de Wade en 2000 et à sa réélection den 2007.
On voit donc que l’actuel Premier ministre a doublement intérêt à faire réélire son candidat : il doit le faire pour maintenir son parti au pouvoir, mais aussi pour relever la tête face à ses deux alter ego qui sont tous les deux candidats contre son candidat.
Il doit laisser son empreinte sur les pages d’or de l’histoire du PDS pour non seulement pérenniser sa carrière politique, mais aussi pour une question d’honneur.
Toutes ces données font que le Premier Ministre Directeur de campagne n’aura assurément pas la tâche facile : la pression sera à la fois psychologique et politique.
Face à ses adversaires de l’opposition, mais aussi face à ses propres frères de parti, le directeur de campagne de Wade pour les élections de 2012 devra faire preuve d’une solidité mentale et d’une créativité politique suffisantes pour faire face à une pression venant de tous les côtés.
Et au regard de la situation politique tout à fait inédite de notre pays, il va de soi que plus que ses prédécesseurs, Souleymane Ndéné Ndiaye est assiégé par des difficultés nouvelles. Depuis sa défaite de 2007 l’opposition s’est inscrite dans une longue et minutieuse campagne de dénigrement du régime de Wade : elle a pris le temps d’organiser ses instruments politique qui ont volé en éclats comme ses Assises et son regroupement autour du concept de BENNO.
En 2007 l’opposition n’avait pas quelque chose à proposer au peuple, alors qu’aujourd’hui, même si son programme est loin d’être une solution aux problèmes du pays ou même une alternative crédible à la politique du régime libéral, elle a réussi à leurrer la société civile autour de son combat.
Comparé à ses prédécesseurs, Souleymane Ndéné Ndiaye est donc dans une situation politique et économique moins favorable : la crise économique et financière dans le monde, la déloyauté manifeste d’une bonne partie de la société civile et la scission de quelques responsables libéraux, etc. sont autant d’embûches dressées sur son chemin.
Comme en politique on n’est jamais assez honnête pour reconnaître les mérites de ses adversaires, il n’y a pas lieu d’espérer que le débat politique prenne la forme d’un débat technique.
On refusera de reconnaître la morosité économique du monde et on ne se gênera pas de transformer la campagne électorale en une campagne de dénigrement et de procès d’intention du régime a priori coupable de tous les maux du pays, y compris de ceux dont il n’est guère comptable.
Et comme les contingences politiques ont fait que deux grandes figures de l’opposition viennent des flancs du parti et du régime, la connaissance qu’ils ont de certains dossiers leur donne a priori un semblant crédibilité dans leur entreprise de contestation.
Le discours subversif de l’opposition pourrait donc avoir la caution morale et même technocratique de ces ex Premiers ministres de Wade. N’importe qu’elle critique venant des ex collaborateurs de Wade aura auprès de l’opinion et des médias une présomption de véracité.
Les difficultés sont donc nombreuses à se dresser sur le chemin de l’actuel Premier Ministre. Mais comme le veut une morale politique très répandue aux États-Unis : on doit relever les défis non pas parce qu’ils sont faciles à relever, mais précisément parce qu’ils sont difficiles.
Ainsi, autant le Premier ministre met sa crédibilité et son avenir politique en jeu dans ces élections, autant le bénéfice moral et les retombées politiques qu’il tirerait d’une victoire éclatante de Wade seraient énormes et féconds.
Les grandes œuvres politiques sont comme les grandes œuvres artistiques : elles défient l’érosion du temps et garantissent à leur auteur une longévité qui résiste à la décadence.
C’est en cela que le défi que doit relever le premier dans cette campagne électorale qui s’annonce particulièrement épique est enthousiasmant. Heureusement que les difficultés qui s’accumulent sur son chemin ne l’emportent pas sur ses atouts : il peut exploiter aussi bien le bilan de son candidat que ses propres qualités intrinsèques.
Contrairement à ses prédécesseurs qui ont tous été incriminés ou suspectés de mauvaise gestion, Souleymane Ndéné Ndiaye est crédité d’avoir jusqu’ici fait preuve d’orthodoxie dans sa gestion, mais aussi d’être un rigoriste en matière d’exigence de rationalisation des dossiers de l’État.
En plus de cette qualité d’ordre éthique, le directeur de campagne de Wade a aussi d’autres arguments à faire valoir : il n’est pas numéro deux du parti, il n’a pas de folles prétentions et sa proximité avec les Sénégalais est reconnue de tous.
On lui reproche souvent, à tort, d’ailleurs, cette proximité avec le peuple, mais c’est justement une qualité qui pourrait lui servir de tremplin pour réussir sa mission.
Il faut, pour être attachant, demeurer détaché, et c’est justement cela la force du Premier ministre. On sait que les querelles de positionnement et les ambitions démesurées ont souvent porté préjudice à l’unité et, par conséquent à la fonctionnalité des différents directoires de campagne depuis 2000.
Il résulte de ce qui précède que seule la cogestion est pérenne en matière de campagne électorale d’un candidat d’un parti comme le PDS et d’une majorité comme le FAL.
Autant il y a des sensibilités qui ont un égal droit à se manifester, autant il y a des expertises aspirant chacune à être utile à la coalition. La force du directeur de campagne de Wade résidera donc dans sa capacité à fédérer toutes ces sensibilités et toutes les expertises dans une synergie capable d’être une véritable machine électorale huilée.
Or, pour ce faire, il y a deux exigences à satisfaire : d’une part, une capacité à identifier, à rassembler les expertises et d’autre part, une équité dans la mise à disposition des moyens logistiques et financiers.
La dynamique actuelle enclenchée par le Président avec notamment la nomination d’un délégué général en plus du directeur de campagne nous semble être une voie salvatrice.
Aucune gestion solitaire n’est envisageable dans une élection présidentielle, de surcroît pour des élections aussi cruciales que celles des 2012. Il serait intéressant dans ce sens de la réalisation d’une synergie politique autour du candidat Wade d’adjoindre à la disponibilité du Premier ministre trois autres personnalités de la mouvance présidentielle.
Mais l’axe de la communication devra être particulièrement surveillé et manœuvré avec dextérité et un maximum d’efficience. Il faut absolument travailler à confier la parole du directoire de campagne de Wade à un pool de porte-parole suffisamment informés et surtout habiles pour éviter les nombreux cas de cacophonie qui ont amoindri l’impact et la portée de la campagne des législatives de 2009.
Le PDS renferme en son sein plusieurs sensibilités en plus de ses différents partenaires politiques : la logique politique voudrait donc que le groupe qui va porter la parole du candidat libéral soit suffisamment représentatif.
La période de précampagne étant souvent cruciale pour la réussite de la campagne, le camp présidentiel devrait rapidement se doter de structures compétentes pour planifier des débats et ajuster les positions pour, à chaque fois montrer, la cohésion d’une diversité qui a le même but.
C’est évident que toute forme de dissonance ou de discordance dans le discours du camp libéral dans la précampagne aura auprès de l’opinion publique et des adversaires politiques une portée négative.
Et dans la mesure où les prémisses de la défaite dans une confrontation sont d’abord perceptibles dans la passiveté consistant à s’ajuster sur l’agenda de son adversaire, il faut que le directoire de campagne de Wade refuse de se déterminer en fonction des agissements de l’opposition.
Et pour ce faire, il faut s’inspirer du principe du séminaire international sur la recevabilité de la candidature de Wade. Les enjeux sur lesquels le débat politique devrait porter sont nombreux : il n’y a donc pas de raison de subir le débat national.
Le camp libéral a suffisamment d’arguments et d’expertises pour fixer l’agenda politique au lieu d’en être victime. La tenue de séminaires ou de colloques sur les différentes questions qui regardent la vie économique et politique nationale devraient permettre d’avoir davantage d’emprise sur les évènements politiques.
La majorité médiatique de l’opposition n’est pas irréversible, c’est seulement parce qu’on leur a abandonné le terrain que les opposants se défoulent sur le régime et donnent la fausse impression de représenter une force capable de faire jeu égal avec le régime.
Il y a donc une obligation de résorber ce gap, non pas pour remporter des élections, car de toute façon ce n’est pas dans les studios que le jeu électorale se fait, mais pour acquérir une légitimité médiatique qui est devenue une partie intégrante de la légitimité politique. Il en est ainsi parce que les médias sont des faiseurs d’opinion et peu importe que celle-ci soit fausse ou vraie : ce qui importe c’est son efficience.
Or justement les mauvais perdants arguent toujours de l’opinion publique fabriquée par les médias pour contester leur défaite. Il ne faut pas seulement se contenter de remporter les élections sur le plan des suffrages, il faut également s’employer à remporter les joutes médiatiques.
C’est une démarche compliquée voire absurde que de choisir d’encaisser des coups qu’on est en mesure de rendre ou d’éviter. Il faut rompre avec cette imprudence consistant à envoyer n’importe qui dans les studios radio et télévision défendre les intérêts du parti : cette impression d’amateurisme et d’abandon du parti par ses fils est une des graves blessures qu’il urge de soigner.
En politique comme en sophisme, la vérité est souvent assujettie à l’image et à la prestance intellectuelle de celui qui parle : c’est dommage, mais c’est comme ça.
On ne peut pas marmonner, hésiter dans son argumentaire, montrer des signes manifestes d’absence d’assurance et espérer convaincre son interlocuteur ni même les auditeurs ou téléspectateurs.
La politique n’est pas une science exacte, mais elle a des exigences nécessaires : une présence effective, une bonne communication, le courage de ses idées et la cohésion dans les rangs.
Au regard de toutes ces considérations, il parait urgent de responsabiliser des personnes ressources pour orienter, canaliser, et porter avec pertinence et engagement la parole du directoire de campagne.
Mais l’expérience doit aussi servir à au moins tirer des leçons ou des indications sur les règles d’organisation et de méthode à adopter pour l’avenir. Au sortir des élections de 2009, des conclusions hâtives ont été tirées sans au préalable les motiver par des études scientifiques : c’est le moment justement de faire le point sur ces élections et d’en tirer le maximum d’informations utiles.
Elles ont été les élections où les frustrations ont été le plus nocives à la victoire du PDS et de ses alliés : il faut par conséquent s’en servir comme baromètre pour définir un plan de campagne rationnel et consensuel.
La mauvaise allocation des fonds de campagne, un défaut manifeste et cruel de leadership consensuel et structuré, ont complètement amoindri la machine électorale libérale en 2009.
Le bon sens recommande par conséquent d’extirper de la mouvance présidentielle tout esprit de chauvinisme et toute forme d’exclusion. La question finale mais primordiale est cependant celle du format de campagne, des innovations à introduire dans le schéma devenu classique de 2000 avec un directeur de campagne qui fait comme il peut, des caravanes en décapotables coupées de sauts en hélico, des fonds de campagne qui sont remis la veille sans aucune suite, etc.
Même si un format a gagné des élections dans un contexte donné, il n’y a pas de raison de croire qu’il peut être indéfiniment probant et compétitif. C’est dans la capacité à innover et à rassembler le plus large possible que résidera la clef du succès attendu de la part du directoire de campagne.


Pape Sadio THIAM
Journaliste
Chercheur en Sciences Politiques
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