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Pr. Moussa Baldé: "J'ai annulé 33 agréments d'operateurs "

La production agricole de cette année va certainement éviter au Sénégal une récession économique, selon le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural. Dans cet entretien accordé à «L’As», Pr. Moussa Baldé fait le point des projections de récoltes attendues cette année et table sur des productions record. Il annonce le démarrage de la campagne de commercialisation de l’arachide à la dernière semaine du mois de novembre et informe que le prix du kilo sera adopté au prochain Conseil des Ministres. Dans le cadre de l’assainissement du secteur de la distribution des semences d’arachides, le ministre de l’Agriculture a annulé 33 agréments d’opérateurs qui n’avaient pas fourni les semences à temps.


Rédigé par leral.net le Lundi 16 Novembre 2020 à 18:09 | | 0 commentaire(s)|

Le Président Macky Sall et son gouvernement fondent beaucoup d’espoir sur l’agriculture pour la relance de la croissance économique. Est-ce réalisable avec les prévisions des récoltes ?

Pr. Moussa Baldé : Effectivement, nous avons entendu ces derniers jours les ministres en charge de l’Economie et des Finances annoncer une contraction à 0,6%de notre croissance économique, en attendant les récoltes de la présente campagne. Ils avaient également dit que si tout se passait comme prévu, la croissance pourrait redevenir positive éventuellement, pour se hisser aux alentours de 2%. C’est un espoir qui est fondé. Il faut rappeler que nous avons eu un hivernage exceptionnel à tous les niveaux.

D’abord, il faut signaler l’engagement du président de la République qui, au début de l’hivernage, avait considérablement revu notre budget à la hausse. Il y a eu une rallonge de 20 milliards, comparé à la campagne précédente, ce qui a porté notre budget à 60 milliards FCfa. A la suite de cela, le ministère de l’Agriculture s’est organisé, malgré le contexte de la pandémie, pour mettre en place les intrants de façon optimale, en plus de l’aspect quantité et qualité.

Ensuite, les pluies ont été abondantes et bien réparties dans le temps et dans l’espace. On pouvait même croire qu’elles allaient durer trop longtemps au point de menacer les récoltes. Finalement, le Bon Dieu nous en a épargnés. Quand on scrute le tableau des cumuls pluviométriques, on a par exemple les stations comme celle de Bakel où l’équivalent du cumul que nous avons eu cette année, remonte à 1975. Pour le cas de Matam, le dernier cumul équivalent à ce qu’on a eu cette année date de 1951.

Dans les régions de la Casamance, nous avons des cumuls de plus de 2000 mm. Il faut remonter dans la plupart des cas aux années 50, pour retrouver de tels cumuls. Ces trois facteurs - un hivernage exceptionnel, un budget revu à la hausse et une organisation sans précédent du ministère - nous permettent d’annoncer aujourd’hui que le Sénégal attend des récoltes exceptionnelles.

En plus de cela, il y a l’engouement sans précédent, cette année, de la part des producteurs de façon générale, de la jeunesse et même de beaucoup de fonctionnaires comme des enseignants et des étudiants qui ont décidé de retourner à la terre. Cela a eu pour conséquence, l’augmentation des emblavures. Aujourd’hui, nous avons les projections de productions.

Pour le mil par exemple, il est attendu une production de 1 196 000 tonnes, soit une augmentation de 48% par rapport à l’année dernière et de 50% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Pour le riz, nous avons presque atteint la barre d’un million et demi de tonnes parce que nous sommes pour le moment à 1 451 000 tonnes, selon nos projections pour cette année, soit une augmentation de 26%. De façon générale, pour les céréales, notre objectif, c’était d’atteindre au moins les 3 millions de tonnes.
Si l’on se fie à nos projections pour cette année pour les céréales, nous sommes à 3 811 000 tonnes, soit une augmentation de 38% par rapport à l’année dernière et de 54% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. En ce qui concerne les cultures industrielles, nous attendons une production de 1 826 000 tonnes soit une augmentation de 29% par rapport à l’année dernière et de 43% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Les cultures industrielles de façon générale, c’est-à-dire le niébé, le coton, le manioc, la pastèque, ont augmenté au moins de 36%. Donc, tout ceci va nous mener à une croissance positive, contrairement à ce qui a été annoncé vers le mois de septembre.

On attend des productions record, notamment d’arachide. Mais est-ce que la Sonacos a le financement pour démarrer la campagne ?

Depuis l’année dernière, la Sonacos avait le financement avant le démarrage de la campagne. Mais comme elle n’avait pas pu collecter tout ce qu’elle voulait, il lui reste un fonds qu’elle a gardé et qui peut servir à démarrer la campagne. Mais dans tous les cas, la banque qui a l’habitude d’accompagner la Sonacos, est déjà d’accord pour financer cette présente campagne. A ce niveau, on peut dire que la Sonacos est prête pour entrer en campagne de commercialisation.

Peut-on savoir quand va démarrer la campagne de commercialisation de l’arachide ?

Lors du Conseil des ministres du 28 octobre 2020, le président de la République avait instruit le gouvernement de faire tout pour que la campagne de commercialisation soit ouverte pendant le mois de novembre. Nous sommes dans cette optique. Nous pensons que dans la dernière semaine du mois de novembre, on devrait pouvoir ouvrir la campagne de commercialisation.

Où en êtes-vous avec le prix du kilogramme?

En fait, c’est le CNIA qui, chaque année, réunit son Conseil d’Administration pour proposer un prix. Evidemment, ce prix va être proposé lors du prochain Conseil des ministres. Et après, le Conseil verra s’il peut le valider ou non.

Les huiliers se plaignent de la présence des étrangers comme les Chinois. Est-ce que cette année, vous avez pris des dispositions pour bien contrôler le marché de l’arachide ?

L’année dernière, c’était une campagne de rupture parce qu’il y avait un protocole qui liait l’Etat et les huiliers qui datait de 2014. Le gouvernement n’avait pas reconduit ce protocole l’année dernière. Cela avait perturbé les huiliers. En même temps, il y a eu une participation très dynamique des exportateurs et en particulier des Chinois. Cette année, nous allons nous organiser davantage.

D’abord, nous attendons une plus grande production. Et qui dit une plus grande production, dit une plus facile répartition des quotas. Mais aussi cette année, nous allons être plus organisés pour que les huiliers puissent avoir leurs quotas, les exportateurs puissent exporter tout en préservant le capital semencier. Bien entendu, notre leitmotiv, c’est qu’avant tout, que le producteur soit content. L’année dernière, il n’y avait que les producteurs qui étaient contents. Cette année, on aimerait que tout le monde le soit.

Présentement, à combien s’élève la dette due aux opérateurs ?

Pour une fois, le président de la République avait instruit le ministère des Finances d’éponger au maximum la dette due aux opérateurs. Aujourd’hui, presque 95% de cette dette ont été épongés. Nous attendons une dernière enveloppe de 4 milliards du ministère des Finances pour éponger quasiment tous ces arriérés. C’est une première parce que j'ai trouvé au ministère des dettes de campagne qui datent de 2016, 2017 et 2018.

Il y avait un mouvement d’humeur du SYNTAS ces derniers temps et vos services avaient reçu ces agents de l’agriculture. Où en êtes-vous avec le processus de négociations?

Un des syndicats des techniciens de l’agriculture, le SYNTAS, avait enclenché au début de l’année un mouvement d’humeur. Je les ai reçus à plusieurs reprises. A la dernière rencontre, nous avons décidé ensemble de créer un comité de dialogue social au niveau duministèrede l’Agriculture pour faire le suivi des négociations. Ce comité est dirigé par le Secrétaire général du ministère et les négociations sont en cours.
Récemment, les syndicats ont fait une sortie pour fustiger la lenteur des négociations, selon leur point de vue. Mais nous estimons que les négociations sont menées correctement.Nous espérons que bientôt, il va y avoir un mémorandum qui me sera soumis. Eventuellement, je pourrais soumettre ce mémorandum aux autres ministères concernés, à savoir ceux de la Fonction Publique et des Finances et du Budget avant que le chef de l’Etat ne puisse prendre les décisions idoines.

La production de coton a connu une hausse par rapport à l’année précédente. Mais le secteur est confronté à une baisse d’intensité. Qu’est-ce qui explique cela?

Il faut reconnaître que les trois dernières années, voire quatre, la filière coton a régulièrement connu une baisse de sa production. Pour cette année, elle est en hausse de 15%.Il est attendu une production de 21 000 tonnes, soit une progression de 33%. Cela dit, il faut savoir que le coton est toujours en compétition avec d’autres cultures de rente, notamment l’arachide. C’est pour cela qu’on avait trouvé un mécanisme de soutien au prix aux producteurs, pour permettre au coton d’être assez rentable et maintenir cette filière industrielle.

Sinon, avec la montée du prix de l’arachide, tout le monde fait de l’arachide. Il faut aussi remarquer que le coton est entré en compétition avec le riz de plateau, qui est en train d’envahir les plateaux de la Casamance, en particulier les zones cotonnières des régions de Kolda, de Tamba et de Kédougou. C’est pour cela que nous sommes en train de travailler sur un programme pour voir comment moderniser la SODEFITEX, pour hisser à nouveau le coton à son niveau de production d’antan, c'est-à-dire autour de 40 000 tonnes.

On fonde beaucoup d’espoir sur le département de l’Agriculture pour la relance de l’économie. Quels sont les grands programmes que vous allez dérouler ces prochaines années et qui vont porter la croissance du Sénégal ?

La production de cette année va certainement nous éviter la récession économique. Donc, c’est tout naturellement que nous devons compter sur l’agriculture pour la relance de l’économie, pour permettre au Sénégal de retrouver sa trajectoire d’émergence que la Covid-19 a un peu déraillée.

A ce niveau, le Président Macky Sall a été clair. Il faut que le Sénégal puisse conquérir le plus rapidement possible sa souveraineté alimentaire. Qui parle de souveraineté alimentaire, parle essentiellement du ministère de l’Agriculture, même si ça concerne également l’Elevage et la Pêche. A cet effet, dans le cadre duPAP2Adans son volet agricole, nous avons fait une mise à jour du programme national d’autosuffisance en riz pour que l’on puisse réaliser cet objectif à l’horizon 2023.

Mais aussi, dans ce programme, nous avons considéré qu’il ne fallait pas négliger les autres céréales. Parce que c’est la diversification de l’alimentation qui va nous permettre d’atteindre plus rapidement l’autosuffisance en riz. Puisque si les gens consomment aussi de plus en plus les autres céréales, cela veut tout simplement dire que notre consommation en riz va baisser et ce sera plus facile de réaliser cet objectif. Notre programme est centré sur le riz mais aussi le mil, le sorgho, le maïs mais surtout, la production horticole qui est une production à forte valeur ajoutée. C’est en résumé notre contribution dans le PAP 2A.

Pour ce qui est des semences de l’arachide, il y a eu une polémique autour de la distribution. Est-ce que vous avez changé de stratégie dans ce domaine?

La distribution des semences est en général décriée. Il y a eu beaucoup de fantasmes sur ces distributions. Beaucoup de choses dites sont loin de la réalité. Cette année, j’ai annulé 33 agréments à des opérateurs qui n’avaient pas fourni les semences à temps. Donc, il faut saluer l’effort d’assainissement important qui est en train d’être fait et reconnu par tout le monde. Et nous allons continuer sur cette lancée, c’est-à-dire d’assainir le secteur de la distribution pour la rendre plus efficace, plus transparente et surtout optimale.





L'As

Ndèye Fatou Kébé