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Programme budgétaire - Opérationnalisation de la dimension genre: Action, activités, enjeux et défis d’une politique

Les institutions internationales, notamment le Groupe de la Banque mondiale, partent du principe « qu’aucun pays, qu’aucune communauté ou qu’aucune économie, ne peut réaliser son potentiel ou relever les défis du XXIéme siècle sans, la participation pleine et entière des femmes et des hommes, des filles et des garçons, sur un pied d’égalité ». Ainsi, face aux défis majeurs liés à la pandémie, aux changements climatiques et à la pauvreté qui touchent les deux sexes de manière distincte, il urge de lutter contre les lois et politiques discriminatoires.


Rédigé par leral.net le Vendredi 24 Décembre 2021 à 17:41 | | 0 commentaire(s)|

Selon le rapport sur le développement humain 2020, le Sénégal est toujours dans le groupe des pays à développement humain faible avec un indice de 0,512 et occupe la 168e place sur 189 pays. Comparé à la moyenne subsaharienne (0,381), le Sénégal enregistre un IDH ajusté aux inégalités de 0,348, qui est en dessous de cette moyenne, soit un écart de 0,033 point.

Cet indice est en moyenne de 0,800, 0,618 et 0,503 respectivement aux niveaux des groupes de pays à développement humain très élevé, élevé et moyen. Ces résultats indiquent que les niveaux de développement humain sont non seulement bas pour le groupe de pays à développement humain faible, mais sont aussi inégaux.

Quant à l’Indice de l’Inégalité de Genre (IIG), le Sénégal gagne 0,01 point de pourcentage, avec un indice de 0,533 dans le rapport de 2020 contre 0,523 dans celui de 2019. Toutefois, il occupe la quatrième place dans le groupe « développement humain faible » après le Rwanda, le Burundi et le Mozambique et se classe 130e au niveau mondial.

Aussi, au regard des enjeux liés à la prise en compte de la dimension genre dans les politiques publiques, devient-il impératif de l’intégrer dans le quadruplet Planification-Programmation-Budgétisation-Suivi (PPBS) en vue d’une opérationnalisation effective.

Ce premier chapitre permet d’abord de rappeler les enjeux et défis de l’intégration du genre dans les politiques publiques, de faire le bilan des réalisations et enfin de lister les principaux projets/programmes intégrant la dimension genre à travers la banque de projets du PIP 2022-2024.

Les Enjeux et Défis

Au-delà de son concept sociologique, le genre est un outil de respect des droits humains et une méthodologie pour des actions et des politiques publiques plus efficaces ainsi que pour promouvoir un mode de développement durable.

Sous cet angle, les inégalités de genre constituent un manque à gagner considérable pour le continent africain. Dans son rapport « The Power of Parity» sur les inégalités de genre en Afrique, le cabinet américain McKinsey fait l’éloge de la parité et ses avantages économiques pour l’Afrique. D’après lui, en réduisant les inégalités liées au genre, les pays africains pourraient gagner jusqu’à 316 milliards de dollars d’ici 2025.
Toujours, selon l’étude, ces dernières années, les progrès en matière de réduction des inégalités ont globalement stagné sur le continent en dépit des efforts notés dans de nombreux pays. Les femmes africaines qui représentent plus de la moitié de la population totale du continent, n’ont généré que 33% du PIB total de l’Afrique en 2018, fait savoir le rapport.

En outre, l’étude recommande l’accompagnement des femmes entrepreneures pour leur permettre d’avoir un meilleur accès aux financements, ce qui contribuerait à réduire ces inégalités. Dès lors, le financement de la gent féminine constitue un défi majeur pour les dirigeants africains.

Pour sa part, la Banque africaine de développement (BAD) estime le déficit de financement des femmes africaines dans l’ensemble des chaînes de valeur des entreprises, à 42 milliards de dollars, soit environ 23 800 milliards FCfa.

La volonté politique exprimée par le Gouvernement témoigne de l’importance accordée aux questions d’inégalité de genre dans le développement économique et la stabilité sociale du Sénégal. Pour cette raison, une place importante est accordée à la prise en compte de la dimension genre dans le référentiel qu’est le Plan Sénégal émergent (PSE).

Le document budgétaire que nous avons creusé rappelle que dans cet élan, le Président de la République a réitéré, lors du conseil des Ministres du 3 mars 2021, sa volonté de veiller, sans relâche, à la protection soutenue des droits des femmes, ainsi qu’à la préservation de leur intégrité contre toute forme de discrimination et de violence. En outre, il a instruit d’intégrer l’approche genre dans le déploiement des programmes sectoriels en vue d’asseoir leur performance pour une meilleure appropriation de leur mise en oeuvre.

Ainsi, pour assurer une plus grande inclusion sociale et la promotion des droits humains des groupes les plus vulnérables de manière générale, le PAP2A a mis le focus sur la promotion d’une agriculture intensive, abondante, de qualité et résiliente, à une santé inclusive, à un système éducatif performant et au renforcement de la protection sociale.

Pour ce qui est de l’axe 1 du PSE, transformation structurelle de l’économie et croissance, constitué de secteurs à forte concentration de femmes, l’analyse de la crise sanitaire a montré la nécessité de revisiter et de redéfinir les politiques au niveau des secteurs qui ont été plus affectés. Il s’agit notamment de l’hôtellerie, la coiffure, le commerce et la vente, la restauration et la transformation de produits locaux.

Concernant l’axe 2, capital humain, protection sociale et développement durable, la pandémie a non seulement fragilisé davantage le système sanitaire mais également mis en évidence les inégalités et les disparités socioéconomiques déjà existantes entre hommes et femmes. Toutefois, la Covid11 19 est devenue une opportunité pour revisiter et redéfinir la politique sanitaire avec un renforcement du rôle des femmes et, par de-là, contribuer à la réduction des inégalités.

« Il convient donc de procéder à l’élargissement de l’accès aux mécanismes de protection sociale et à l’amélioration du Registre national unique (RNU). Dans cette optique, un des principes fondamentaux de dignité humaine et de justice sociale étant l’accès au logement décent, il est attendu, l’accélération de la construction de 100 000 logements sociaux. » souligne-t-il

Quant à l’axe 3, gouvernance, institutions, paix et sécurité, des avancées ont été notées grâce à la mise en place d’un dispositif juridique et réglementaire en faveur de l’égalité des sexes et à la promotion des droits fondamentaux des femmes et des filles malgré la non effectivité de l’application des textes favorables à l’équité et l’égalité de genre qui demeure une contrainte.

A cet effet, il est attendu, entre autres, la promotion d’initiatives novatrices d’allocation des ressources publiques soucieuses de la prise en compte des besoins spécifiques de ces populations cibles ainsi que la poursuite des réformes juridiques pour une égalité d’accès sécurisé à la justice pour les hommes et pour les femmes conformément aux dispositions des instruments de promotion des droits humains fondamentaux.

Représentant 52,24%1 de la population, les femmes constituent un immense potentiel au Sénégal et s’activent en majorité dans des secteurs d’activités moins lucratifs et consacrent plus de temps aux tâches domestiques, à la santé et à l’éducation de leurs enfants. Ainsi, les efforts consentis pour leur autonomisation doivent être renforcés dans le but de doper la croissance économique et réduire la pauvreté.

C’est ainsi, nous dit-on, qu’au regard des enjeux, l’approche budgétaire s’impose afin de mieux corriger les disparités sexospécifiques. Elle cherche à mettre en évidence cet impact selon le genre sur les budgets et à les transformer en instruments de renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Les budgets ne sont pas uniquement des instruments économiques ; ils traduisent des politiques en termes monétaires et expriment des priorités politiques. Même s’ils ne sont pas neutres quant au genre, ils ont des conséquences différentes pour les femmes et les hommes et reflètent, de facto, les rapports de force existants dans la société : disparités économiques, conditions de vie différentes et attribution de rôles sociaux.

C’est pourquoi l’intégration d’une perspective de genre concerne toutes les étapes du processus budgétaire et requiert une analyse sensible. L’objectif est de redéfinir les priorités et d’allouer des ressources qui répondent aux besoins de tous les segments de la population en appliquant une discrimination positive à l’égard des femmes.

Par ailleurs, la revue documentaire a permis de constater que, suivant les contextes, la plupart des initiatives BSG nécessitent un processus d’analyse spécifique. Ainsi, il est souvent recommandé de faire une analyse genre du budget avant de décider des changements à apporter.

En Australie par exemple, souligne-t-on, l’analyse part des trois catégories de dépenses à savoir :
- les dépenses ciblées sur le genre, c'est-à-dire celles qui visent spécifiquement à améliorer l’égalité des genres, comme, par exemple au niveau de l’éducation, des bourses d'études réservées aux filles ;

- les dépenses de personnel relatives à l’équité dans le monde du travail, c'est-à-dire celles qui promeuvent l’équité au sein des services publics qui, toujours dans l’éducation, peuvent inclure les dépenses de formation des enseignantes pour les aider à progresser dans leurs carrières ;

- les dépenses générales et courantes, analysées pour leur impact relativement au genre. Il s'agit par exemple des dépenses relatives à l’éducation post-obligatoire, un des secteurs qui a généralement une plus grande proportion d’étudiants masculins, et du financement de l’éducation maternelle (petite enfance), qui bénéficie particulièrement aux femmes et aux filles plus âgées parce qu'elle réduit le fardeau des soins à apporter aux enfants.

L’approche adoptée par le Sénégal consiste à s’interroger sur l’influence que pourrait avoir chaque opération budgétaire sur la situation des femmes et des hommes et d’en tenir compte au moment de la programmation budgétaire.

En définitive, le but visé par le gouvernement à travers la budgétisation sensible au genre, est d’intégrer le genre dans la chaîne PPBS, permettant ainsi d’accroitre l’efficacité économique et contribuer au bien-être social comme le montre le schéma ci-dessous qui décrit la séquence des étapes d’intégration du genre dans le budget.

Ainsi, selon toujours cette source, la mise en oeuvre des réformes budgétaires avec le passage du budget-moyen au budget-programme va faciliter l’intégration progressive du genre dans la chaine PPBS. A cet effet, l’analyse sexospécifique des programmes budgétaires à travers leur déclinaison en actions et activités, permet, comme le montre le schéma ci-dessous, de mettre en exergue les inégalités et de les corriger.