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Putsch en Guinée Joie, espoir et incertitudes chez les Guinéens vivant au Sénégal

Et l'équipe d’Alpha s’en alla, sous le coup des armes, les traces furent effacées par un Mamady Doumbouya porteur d’espoir. Celui venu ‘’faire l’amour’’ à la Guinée, redonne espoir aux Guinéens vivant au Sénégal. Reportage du journal "EnQuête"


Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Septembre 2021 à 10:33 | | 0 commentaire(s)|

Putsch en Guinée  Joie, espoir et incertitudes chez les Guinéens vivant au Sénégal
Au Sénégal, sous le coup de la chaleur, la nouvelle fut accueillie comme une aubaine, une belle fraîcheur qui vient effacer des années de souffrances et de douleurs. Il est 9 h. Sous une atmosphère calme à Colobane, non loin des Allées du Centenaire, Alassane étale sa joie.

La radio à fond, sur les ondes de RFI, le jeune boutiquier reste attentif à la moindre petite information. Sa satisfaction, il ne la cache guère. Jamais, depuis l’arrivée d’Alpha Condé au pouvoir, il n’avait été aussi heureux.
“C’était notre plus grand désir, voir ce vieux quitter la tête du pays. Il n’a pas voulu passer par la grande porte, alors le colonel s’en est chargé pour nous et on s’en réjouit’’.

En cette journée du 6 septembre 2021, l’histoire retiendra que dans les marchés, ronds-points ou même les arrêts de bus de Dakar, Alpha Condé garde en haleine la population.

A Tilène, sur l’avenue Blaise Diagne, Ramadan Diallo et Aliou Diallo commentent l’actualité de leur pays. La veille, les jeunes hommes de 23 et 25 ans n’ont pas manqué de jubiler. Une victoire de plus pour la Guinée, car la nouvelle tombe à pic.

Certes, on a peur que l’histoire se répète, notamment ce qui s’est passé avec Daddis Camara. Mais le plus important est que le vieux n’est plus à la tête du pays", lance Ramadan, les yeux rivés sur son téléphone.

Aliou, quant à lui, a une totale confiance aux putschistes : “Depuis 2010, la Guinée va de catastrophe en catastrophe, la vie y est chère, le climat n'est pas paisible, il y a de fortes représailles, surtout contre les Peuls. Mais aujourd’hui, grâce à ce colonel, l’espoir renaît en nous.”

Coup d’Etat militaire contre coup d’Etat civil

Si certains se réjouissent déjà du putsch, d’autres comme Mamadou Diallo, vivant aux Parcelles-Assainies, la vingtaine passée, estime qu’un coup d’Etat n’est jamais la solution. Pour ce coiffeur installé à l'Unité 21, cela constitue un recul démocratique de plus pour la Guinée.

Certes, il s’agit d’un troisième mandat illégal, mais la meilleure manière est la voie démocratique. Par exemple, l’Assemblée nationale devait dissoudre le gouvernement.

Pour Amadou Oury Dieng et Alassane Souaré, respectivement écrivain membre de l’UFDG et étudiant en Master en qualité hygiène technique et environnement à Dakar et partisan du Bloc libéral, “c’est la fin d’une ère dictatoriale”. Alpha Condé, explique Alassane, “a été le premier à faire un coup d’Etat civil, mais il a été victime d’un coup d’Etat militaire. Ce n'est pas le meilleur recours, certes. Mais on a épuisé tous les recours pacifiques et légaux”.

Premier président élu démocratiquement en Guinée en 2010 et réélu en 2015, Alpha Condé reste, pour beaucoup, l'homme qui a mis fin à plus de 50 années de dictature dans le pays. Mais tout bascule quand le vieux de 83 ans force un troisième mandat, change la Constitution, fait ‘’tuer’’ des manifestants.

Ce genre de nouvelle ne fait pas plaisir, parce que c'est un recul de plus pour la Guinée. Nous déplorons cette prise du pouvoir par la junte. Mais toute cette illégitimité est causée par la violation de la Constitution par le régime d’Alpha Condé. Il a été le premier à violer la Constitution“, enchaîne Alassane Souaré.

La déclaration du colonel Doumbouya rassure, puisqu’il dit lui-même qu’il ne faut pas refaire les erreurs du passé. Il fait allusion à l’épisode Daddis Camara”, explique Amadou Oury. Il considère cette prise du pouvoir comme une action salvatrice qui vient mettre fin à des années de souffrances. Il pense qu’aujourd’hui, le mieux est de redonner le pouvoir aux civils, notamment par le biais d'élections libres et démocratiques. Car, selon Alassane, ‘’la Guinée en a marre des régimes militaires“.

L'idéal, c’est qu'il se charge de rendre le pouvoir aux civils et ainsi, continuer à protéger la population".

Par ailleurs, toute la diaspora guinéenne n’est pas si optimiste que cela. Certains disent ne pas faire confiance au lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. En fait, ces derniers craignent un regain de tensions, comme ce fut le cas le 28 septembre 2009, quand des milliers d’opposants à la candidature de Moussa Daddis Camara se sont mobilisés au stade de Conakry.

Conséquence : au moins 157 personnes ont été tuées par l’armée guinéenne, selon un rapport de l’ONG Human Rights Watch. Et plusieurs blessés ont été enregistrés.

Résidant à l’Unité 8 des Parcelles-Assainies, Soumah Alassane, étudiant en Master 1 dans un institut de formation à Dakar, se remémore toujours ces évènements du 28 septembre. D’une voix frêle, il dit être bouleversé par l’accession au pouvoir de Mamady Doumbouya.

Pour le moment, Mamady Doumbouya ne m’inspire pas confiance. Parce qu’il a accédé au pouvoir par les armes, donc de manière illégitime. Les militaires au pouvoir font toujours le contraire de ce qu’ils disent. C’est ce qui s’est passé avec Dadis, lorsqu’il avait dit qu’il était venu pour une transition. Il a voulu confisquer le pouvoir. Le même peuple qui a fêté la victoire de l’armée, a été fusillé le 28 septembre. Pour le moment, je reste vraiment perplexe”, déclare Soumah Alassane avec amertume.

Tout comme lui, Yombo émet également des réserves dans la gestion du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Étudiante à l’Université virtuelle du Sénégal, Yombo estime que le coup de force de ce dernier pourrait instaurer une crise économique en Guinée. “Je ne fais pas totalement confiance à Mamady Doumbouya, car je suis d’avis que les militaires ne savent pas diriger un pays. Au contraire, ils ne font que créer une crise économique qui peut affecter toute la population”, affirme-t-elle, toute méfiante.





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